Je salue le travail de l'Assemblée nationale, qui a apporté de nombreuses améliorations, reprises par les sénateurs. Nous avons réalisé un travail constructif, au-delà des différentes sensibilités politiques, en faveur des armées. Nous avons adopté la même approche : sauvegarder les moyens budgétaires et faire en sorte que le contrôle parlementaire puisse s'exercer dans de bonnes conditions. Une loi de programmation est une loi d'intention, or les intentions sont bonnes. Mais le calendrier nous pose problème : deux tiers des investissements seront réalisés sur le dernier tiers calendaire. Le Parlement devra donc vérifier à chaque loi de finances que cette LPM ne soit pas une vaine parole - nous en avons eu l'expérience précédemment. Les armées attendent. Il y a urgence. Nous aiderons la ministre à tenir ses propres engagements.
Pour sécuriser les ressources de la programmation, le Sénat a adopté des clauses de « sauvegarde » très importantes. Une clause « SNU » prévoit que le service national universel (SNU), qui devrait coûter de un à trois milliards d'euros par an, n'obère pas les moyens financiers de la LPM, au risque sinon de l'affaiblir. L'article 3 prévoit l'étanchéité entre la programmation militaire et le financement du futur SNU, et l'article 5 protège les emplois et les infrastructures de la défense par rapport au SNU. La ministre s'est publiquement engagée en ce sens lors des débats au Sénat.
Une clause « carburants », qui vise à compenser l'évolution des cours du pétrole, prévoit une augmentation des ressources en cas de hausse des cours du pétrole ; la LPM a été bâtie sur un cours du baril de 60 dollars, il est actuellement de 72 dollars, et les inquiétudes perdurent, en raison des risques au Moyen-Orient. Cela pourrait coûter plus de 100 millions d'euros chaque année au budget des armées...
Nous avons introduit deux clauses « OPEX » (opérations extérieures) : hors circonstances exceptionnelles, le ministère des armées verra sa contribution au surcoût résiduel des OPEX limitée à sa part dans le budget général, afin de ne pas grever la LPM. Sera prise en compte dans ce surcoût l'usure accélérée des matériels. La provision OPEX est fixée à 1,1 milliard d'euros, mais ce surcoût pourrait atteindre 1,2 à 1,3 milliard d'euros, voire plus. En cas de circonstances exceptionnelles, il est vraisemblable qu'un collectif budgétaire serait en tout état de cause nécessaire pour augmenter cette provision.
L'application trop zélée du code des marchés publics et de l'instruction 1516 freine l'intégration de l'innovation dans les forces armées. Le Sénat a renforcé l'agilité des processus d'achat, à l'article 26, en permettant l'extension des marchés de gré à gré pour faciliter l'intégration de l'innovation, au bénéfice des forces armées ; ce sera une impulsion supplémentaire pour le chantier lancé par la ministre de réforme de la Direction générale de l'armement (DGA) visant à une « boucle courte » pour intégrer l'innovation.
Le Sénat a oeuvré pour une meilleure reconnaissance des mérites des pilotes de drones. L'irruption des nouvelles technologies nécessite que soient mieux reconnus les mérites de ceux qui travaillent aussi hors du champ de bataille.
Sur l'axe « à hauteur d'homme », le Sénat a adopté des dispositions pour les logements des militaires. La décote Duflot frappe les ventes des immeubles publics pour favoriser le logement social. Nous avons souhaité établir un lien entre la décote Duflot et le nombre de logements sociaux attribués à nos militaires. Chacun se souvient que l'îlot Saint-Germain, estimé 85 millions d'euros, a été vendu 29 millions d'euros seulement, soit une importante perte pour nos armées, qui n'ont pas non plus pu y bénéficier d'un quota satisfaisant de logements. Le Sénat souhaite empêcher l'application de la décote Duflot dans les zones tendues, sauf le cas où les logements seraient destinés aux militaires. Le Sénat a aussi prévu à l'article 3 un retour intégral au ministère de la défense des recettes de cessions immobilières, soit 500 millions d'euros sur la période.
Nous avons également prévu, à la demande d'Hélène Conway-Mouret, que les femmes militaires enceintes pourraient disposer à partir de 2022 d'un uniforme adapté à leur condition ; nous avons insisté sur la nécessité de protéger les militaires contre les traumatismes sonores, et sur la gravité des blessures psychiques. Nous avons prôné la diversification des modes de garde d'enfants proposés aux militaires, notamment avec des horaires atypiques. Nous avons voulu renforcer le volet « à hauteur d'homme », pour que les militaires aient aussi une vie familiale normale.
À la demande des sénateurs représentant les Français de l'étranger, nous avons ouvert le service militaire volontaire aux Français de l'étranger, et ouvert la réflexion pour son extension future, sans peser toutefois sur les ressources de la loi de programmation militaire.
Nous avons permis aux gendarmes de mener des missions en haute mer, et consolidé nos pré-positionnements, à Djibouti notamment, à la demande de notre collègue Philippe Paul.
Nous avons renforcé nos capacités de contrôle parlementaire de l'exécution de la programmation en obtenant du Gouvernement un « point de contrôle » en 2021 pour la trajectoire des équipements, équipement par équipement, de même que pour la trajectoire des crédits d'études amont.
Pour développer la réserve, le Sénat aura introduit une nouveauté : le don de jours de congé, en entreprise, en faveur d'un réserviste. Cela favorisera le développement de la réserve, élément de plus en plus important pour nos armées. Le Sénat aura mieux concilié impératifs des réservistes et des entreprises, à l'article 10 bis.
Le Sénat a amélioré les conditions du transfert du contentieux des pensions militaires d'invalidité qui mettait le monde associatif en ébullition. Nous avons trouvé des solutions intermédiaires. Nous avons mieux pris en compte la réalité des intercommunalités pour les militaires d'active qui veulent se présenter aux élections municipales.
La liste est encore longue, et je voudrais remercier l'ensemble de mes collègues sénateurs qui ont chacun apporté leur pierre à un édifice que nous avons construit ensemble. Le compromis que nous vous proposons avec Jean-Jacques Bridey me paraît très satisfaisant. Ce sera un signal très fort envoyé aux armées, et cela aidera la ministre à mettre en oeuvre la programmation, car Bercy sera toujours tenté de reprendre ce que le Gouvernement aura accordé. Rien ne serait pire que de décevoir.
Je salue la présence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois, ainsi que de la délégation parlementaire au renseignement. Le Sénat a consenti à transférer dans le rapport annexé les dispositions relatives au renforcement des pouvoirs de la délégation parlementaire au renseignement. L'amendement que le président Philippe Bas et moi-même avions proposé au Sénat ne visait évidemment pas à interférer avec les activités des services de renseignement, dont nous mesurons bien le caractère à la fois sensible et risqué. Le contrôle parlementaire ne vise pas à créer une insécurité pour les agents. Mais, à l'exemple de ce qui est fait en Italie, en Allemagne ou au Royaume-Uni - où le renseignement est contrôlé par des organismes privés !- le Parlement doit être mieux informé. La LPM prévoit 4,6 milliards d'euros supplémentaires au titre du renseignement et 1 600 postes supplémentaires ! Un contrôle sur de pareilles dépenses n'est pas anormal ! Nous sommes donc convenus de mentionner dans le rapport annexé, à l'article 2, la nécessité de renforcer le contrôle parlementaire sur les activités de renseignement, et l'engagement du Gouvernement de proposer une future loi sur le renseignement d'ici 2020, associant le Parlement et prévoyant un renforcement du contrôle parlementaire - ne portant pas, naturellement, sur les opérations en cours -. Nous y travaillerons avec la présidente de la délégation, sous l'autorité des deux présidents des commissions des lois. Dans une ère de transparence généralisée, les services de renseignement doivent à la fois faire l'objet d'un contrôle renforcé mais aussi conserver la sécurité et la tranquillité nécessaire à des activités aussi sensibles.
Le Président de la République souhaite promulguer ce texte avant le 14 juillet.