Ce ne sera pas le cas si la procédure est numérique.
Il faut se méfier de propositions qui peuvent apparaître séduisantes mais présentent en réalité des inconvénients difficilement surmontables. L'oralisation de la procédure pénale n'est pas une proposition nouvelle, puisque le rapport de Jacques Beaume remis en juillet 2014 évoquait déjà la possibilité de renforcer l'oralisation de certains actes, dans le cadre de procédures simples. L'enregistrement avait, dans cette optique, vocation à devenir une pièce de procédure.
Dans le prolongement de ce rapport, une expérimentation de déscripturalisation totale de la procédure a été conduite par la direction générale de la police nationale, qui l'a toutefois jugée non concluante.
En 2015, dans le cadre d'un groupe de travail entre Justice et Intérieur sur la simplification de la procédure pénale, la question de l'oralisation a de nouveau été étudiée. La direction générale de la gendarmerie nationale a alors proposé d'expérimenter ce dispositif pour des procédures simples, relevant d'un contentieux de masse, en versant au dossier les auditions, sous forme d'enregistrements, et un procès-verbal de synthèse récapitulant les mentions importantes et le déroulé. La direction des affaires criminelles et des grâces a consenti à expérimenter l'oralisation de la procédure, de la phase d'enquête à la phase de jugement, mais la direction de la gendarmerie nationale n'a finalement pas donné suite à son souhait d'expérimentation et elle a privilégié une réflexion sur l'usage des logiciels de dictée.
Le rapport remis par MM. Beaume et Natali au mois de janvier dernier, dont je parlais tout à l'heure, relève que l'oralisation totale des procédures est l'objet d'avis globalement très critiques, mais il souligne que les services de police et de gendarmerie souhaiteraient qu'une expérimentation soit conduite dans les procédures les plus simples.
Je suis pour ma part assez réservée sur l'oralisation. En premier lieu, lieu l'oralisation complète des auditions en phase d'enquête, sans rédaction de procès-verbaux, aurait pour conséquence d'alourdir considérablement la tâche des magistrats et d'allonger les délais de traitement des procédures par les juridictions, notamment au stade du jugement. Or, la simplification escomptée ne saurait bénéficier qu'aux seuls services d'enquête, au détriment de l'activité juridictionnelle. Si simplification il y a - ce qui est évidemment notre objectif - il faut qu'elle porte et sur la phase d'enquête et sur la phase juridictionnelle.
En second lieu, les magistrats et les avocats sont, dans leur grande majorité, opposés à l'oralisation de certains actes de procédure, les premiers craignant une perte de temps considérable à l'écoute des enregistrements et les seconds arguant de l'impossibilité d'examiner de manière effective la régularité des actes d'enquête.
En troisième lieu, j'attire votre attention sur le fait que le gain de temps espéré par les services d'enquête risque d'être faible. Outre que l'atteste l'expérimentation conduite par la DGPN en 2014, les rapports précités préconisent de limiter l'oralisation à des procédures simples, qui supposent la reconnaissance des faits par l'auteur de l'infraction, lesquelles peuvent déjà faire l'objet d'un traitement simplifié.
Enfin, je rappelle qu'un décret du 7 septembre 2016 portant simplification du code de procédure pénale, a mis fin à la règle de procédure « un acte, un procès-verbal ». Ce décret permet désormais aux enquêteurs de présenter au sein d'un procès-verbal unique l'ensemble des investigations et éventuellement la réponse pénale qui a été apportée pour les infractions les plus simples et les plus courantes. Beaucoup d'enquêteurs, cependant, ignorent l'existence de ce décret.