Intervention de Nicole Belloubet

Commission d'enquête état des forces de sécurité intérieure — Réunion du 15 mai 2018 à 9h30
Audition de Mme Nicole Belloubet garde des sceaux ministre de la justice

Nicole Belloubet, garde des sceaux :

Je souhaite tout d'abord rappeler que les extractions judiciaires, qui doivent assurer la comparution des personnes placées sous main de justice, répondent évidemment à un intérêt public ; il n'apparaît donc pas illégitime que leur charge soit supportée par l'ensemble des forces de sécurité intérieure - ce qui inclut les agents de l'administration pénitentiaire.

Le transfert de la charge des missions d'extraction judiciaire du ministère de l'Intérieur vers celui de la Justice a été décidé lors d'une réunion interministérielle qui s'est tenue en 2010. Malheureusement, les effectifs nécessaires à une reprise intégrale de ces missions par l'administration pénitentiaire ont été, à l'origine, insuffisamment évalués. Pour autant, ce processus a débuté en 2011 et doit se poursuivre progressivement jusqu'en novembre 2019. À ce jour, 70 % des extractions judiciaires effectuées par les forces de sécurité intérieure ont été transférées à la direction de l'administration pénitentiaire.

Toutefois, l'insuffisance du transfert des équivalents temps plein nécessaires pour assumer cette mission, l'insuffisante diminution du volume des extractions requises et l'organisation du maillage territorial retenue par la direction de l'administration pénitentiaire ont occasionné un certain nombre d'impossibilités de faire. Ces situations ont cependant diminué entre 2016 et 2017, leur taux passant de 21 % à 12 % avec des disparités importantes selon les régions.

À la suite d'un rapport d'inspection interministérielle, un plan d'action a été adopté par les ministres de l'Intérieur et de la Justice, le 3 mars 2017, et une circulaire, qui décline ce plan, cosignée par Gérard Collomb et moi-même, a été diffusée le 28 septembre 2017.

Plusieurs mesures de ce plan impliquent une mobilisation accrue tant du ministère de l'Intérieur que du ministère de la Justice.

Ainsi, le ministère de l'Intérieur doit adapter le calendrier de reprise pour répondre aux délais de recrutement, de formation et d'affectation, tout en conservant, évidemment, le principe d'une reprise totale en 2019. Dans 21 établissements pénitentiaires, la prise en charge des extractions vicinales, c'est-à-dire celles requises par une juridiction située à proximité de l'établissement, est assurée, par dérogation à la règle générale, par les forces de sécurité intérieure. Les extractions judiciaires présentant un enjeu procédural majeur sont également prises en charge par les forces de sécurité intérieure, lorsque l'administration pénitentiaire est dans l'incapacité absolue d'exécuter les réquisitions afférentes. Ces trois points impliquent la mobilisation du ministère de l'Intérieur.

Le ministère de la Justice doit également fournir un effort supplémentaire, en s'organisant pour faire face aux difficultés qui ont été identifiées. L'administration pénitentiaire doit, d'une part, revoir le maillage territorial et l'organisation des structures dédiées aux extractions judiciaires - les fameux pôles de rattachement d'extractions judiciaires (PREJ). Par ailleurs, le recours à la visioconférence doit être optimisé : d'un point de vue technique, des progrès ont d'ores et déjà été constatés ; d'une manière générale, je vous proposerai, dans le cadre du projet de loi de réforme de la justice, d'accroître la possibilité de recourir à la visioconférence, en supprimant la nécessité de l'accord du détenu, à l'exception de la première comparution. Les magistrats doivent aussi, désormais, signaler les réquisitions d'extractions qui comportent un enjeu procédural majeur, en particulier lorsqu'il existe un risque de remise en liberté, et qui doivent être exécutées en priorité par la direction de l'administration pénitentiaire ; en cas de carence absolue des moyens, l'extraction doit alors être réalisée par les forces de l'ordre. Nous essayons de nous organiser pour que cette situation ne se présente pas.

Vous le voyez, les choses s'améliorent des deux côtés. Nous sommes aussi en discussion avec le ministère de l'Intérieur, qui sollicite une révision des tarifs kilométriques des missions d'extraction - ils n'ont pas été revus depuis 1993... Enfin, je signale que nous avons mis en place un comité stratégique des directeurs, qui réunit les deux ministères et veille à la bonne exécution de ces missions.

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