Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Messieurs les Sénateurs, je voudrais d'abord dire l'honneur qui est le nôtre d'être devant la commission d'enquête. J'ai souhaité être entouré de collaborateurs : M. Thibaut Sartre, préfet, secrétaire général pour l'administration, qui a sous son autorité les grandes fonctions de soutien à la préfecture de police (budget, immobilier, ressources humaines, dont l'action sociale et le logement), M. Frédéric Dupuch, directeur de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne, qui couvre l'activité de sécurité publique de Paris et de la petite couronne, M. Christian Sainte, directeur de la police judiciaire, qui est également compétente sur Paris et la petite couronne, M. Éric Belleut, directeur adjoint de l'ordre public et de la circulation, l'ordre public étant - et je suis très attaché à cette spécificité parisienne - confié à une direction à temps plein pour préserver les autres services de cette activité et professionnaliser l'intervention, MM. Philippe Dalvavie et Lucas Demurger, conseillers chargés respectivement des affaires juridiques et de la prospective au sein de mon cabinet, qui m'ont aidé à préparer le dossier, et le professeur Denis Safran, bien connu pour sa proximité avec la police et notamment la brigade de recherche et d'intervention (BRI), aux côtés de laquelle il se trouvait lors des attentats au Bataclan.
Je voudrais rappeler brièvement ce que sont la préfecture de police de Paris et le préfet de police. Il peut y avoir des confusions ou des besoins de clarification autour de cette institution, bien que celle-ci soit assez connue.
Ainsi que vous l'indiquiez, la préfecture de police se trouve très fortement mobilisée sur plusieurs fronts, et tout particulièrement au cours de ces dernières années : la lutte contre la menace terroriste - la plus grande part, en nombre, des actes terroristes qui ont frappé notre pays depuis 2015 ont été commis sur la plaque parisienne -, la lutte contre la délinquance, qu'elle soit de haut vol ou qu'il s'agisse de violences et de trafics de drogue dans certains quartiers de la petite couronne, la gestion des conséquences des flux migratoires en matière de lutte contre l'immigration irrégulière, enfin, le maintien de l'ordre à Paris, qui a connu des épisodes extrêmement violents et éprouvants pour les effectifs au moment de la contestation de la loi dite « El Khomri » en 2016 ou, très récemment encore, lors de la manifestation du 1er mai 2018, lors de laquelle 1 200 « Black Blocks » étaient présents. Les fonctionnaires de la préfecture de police sont donc extrêmement sollicités.
La préfecture de police est une institution territoriale, non une direction générale du ministère de l'Intérieur, à la différence de la direction générale de la police nationale et de la direction générale de la gendarmerie nationale. Elle regroupe l'ensemble des services placés sous l'autorité du préfet de police pour lui permettre d'exercer ses missions et ses compétences. Cela signifie par exemple que je ne suis pas responsable de programme (RPROG) au sens de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), mais simplement responsable de budget opérationnel de programme (RBOP), comme lorsque j'étais préfet à Bordeaux puis à Lyon. Pour prendre la mesure des compétences du préfet de police, le plus simple est de se représenter trois cercles : premièrement, Paris, deuxièmement, la petite couronne et les aéroports, et troisièmement, l'Île de France.
Sur le territoire de Paris, qui est le territoire historique, le préfet de police exerce toutes les missions régaliennes d'un préfet dans les domaines de la sécurité intérieure et de la sécurité civile, ainsi que les missions de secours et l'autorité de police générale assumées par le maire dans les autres communes de France.
En petite couronne, il y a un héritage historique et une évolution récente : la préfecture de police couvrait originellement le département de la Seine. Lorsque celui-ci a disparu et que les trois départements de la petite couronne ont été créés, un partage des tâches est intervenu avec ces trois préfets, autorités de droit commun, et le préfet de police de Paris a gardé la compétence de gestion des effectifs de la petite couronne - notamment ceux rattachés à la direction de la sécurité publique - au travers du secrétariat général pour l'administration de la police (SGAP) de Paris, créé en 1971. Plus récemment, lorsque M. Nicolas Sarkozy, qui était alors président de la République, a porté le thème du Grand Paris, la volonté de prendre les devants sur le terrain de la sécurité intérieure s'est fait jour et le préfet de police s'est vu attribuer la compétence sur Paris et la petite couronne pour l'ordre public, la sécurité publique et la direction des forces de l'ordre, ce qui atteste d'une vision intégrée de la compétence du préfet et des services. La loi du 28 février 2017 a élargi la compétence du préfet en matière de sécurité et de police - mais non de flux migratoires - aux plateformes aéroportuaires. Cet héritage relatif à la petite couronne induit une particularité par rapport aux questions que la commission d'enquête se pose : nombre de dispositifs de suivi social sont compétents seulement pour Paris, les effectifs de la petite couronne relevant pour ces sujets des préfets de département. Je souhaite que ce point d'incohérence, que j'ai déjà soulevé, fasse l'objet d'une évolution : il faut que l'ensemble des policiers de la préfecture de police soit suivi, au plan de l'action sociale, par les services de la préfecture de police, qui ont une grande expérience et un savoir-faire en la matière.
Enfin, la région d'Île de France constitue une zone de défense et de sécurité (ZDS), qui est placée sous l'autorité du préfet de police. En tant que préfet de zone de défense et de sécurité, celui-ci a donc, d'une part, la responsabilité de la gestion de crise et de la résilience face aux épisodes de neige, d'inondation ou de catastrophes de toute sorte, d'autre part, de la gestion des moyens de la police nationale et partiellement de la gendarmerie nationale, notamment pour l'immobilier - le secrétariat général pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI) d'Île de France est dirigé par le préfet, secrétaire général pour l'administration de la préfecture de police, sous l'autorité du préfet de police. Enfin, le préfet de police dispose des pouvoirs accrus à Paris par rapports à ses homologues en province en matière d'animation des politiques de sécurité intérieure, de circulation et d'ordre public lorsque les événements le justifient.
L'organisation de la préfecture de police repose sur plusieurs directions actives de police : la direction de la sécurité de proximité compte environ 20 000 fonctionnaires pour Paris et la petite couronne ; la direction de l'ordre public et de la circulation représente à peu près 4 500 fonctionnaires et intervient également en petite couronne, comme, par exemple, lors de grands événements sportifs au Stade de France. La direction de la police judiciaire regroupe 2 200 fonctionnaires et la direction du renseignement, dont je rappelle qu'elle couvre le spectre du renseignement territorial et celui de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) pour la prévention de la radicalisation, 800. Il y a également une direction de soutien technique et logistique. Les effectifs sous l'autorité du préfet de police s'élèvent donc à environ 30 000 fonctionnaires. Si l'on considère le périmètre couvert par le SGAMI Paris, s'y ajoutent 12 000 fonctionnaires supplémentaires.
Concernant la prévention des risques psychologiques et sociaux (RPS), je veux mettre en lumière le mode d'organisation que nous avons à la préfecture de police. Au sein de la direction des ressources humaines, une sous-direction de l'action sociale dispose de 25 assistantes sociales, de quatre médecins du travail et demi, de psychologues du travail, ainsi que d'une trentaine de médecins statutaires (ou médecins d'aptitude). L'idée est d'organiser une interface aussi efficace que possible entre ces professionnels et les unités dédiées à cette tâche au sein des directions actives, au plus proches des fonctionnaires.
Nous avons déploré l'an passé sept suicides, dont quatre à Paris et trois en petite couronne. Ce chiffre est en diminution sur la longue période. Chaque cas donne lieu à une enquête d'environnement, afin d'identifier la part de ce qui peut relever d'éléments personnels - souvent des questions sentimentales - et ce qui est lié au travail, même si le distinguo est toujours très difficile à établir. Ce qui est important, ce sont les efforts de détection et de prévention qui sont faits à la préfecture de police comme ailleurs, puisque nous nous inscrivons totalement dans les initiatives nationales. Ces efforts passent par un souci de repérage, d'attention accrue, par un meilleur dialogue entre médecines statutaire et de prévention, par un décloisonnement entre les métiers de psychologue et de médecin. Si vous le permettez, les deux directeurs vont dire un mot de leur organisation interne sur ces sujets.