Intervention de Laurence Rossignol

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 7 juin 2018 : 1ère réunion
Audition du conseil français des associations pour les droits de l'enfant cofrade

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol, co-rapporteure :

Nous nous trouvons là au coeur de notre difficulté. Je ne partage toutefois pas votre point de vue sur l'atteinte sexuelle. Cette dernière est fondée sur le postulat qu'un mineur de moins de quinze ans ne peut pas être consentant. En effet, l'atteinte sexuelle se qualifie par le simple constat d'une relation sexuelle entre une personne majeure et un mineur. Cela signifie que l'auteur n'a pas de possibilité de s'exonérer de sa responsabilité pénale en arguant du consentement du mineur. Le simple fait d'avoir eu une relation sexuelle avec un mineur suffit à qualifier l'atteinte sexuelle. Le postulat d'origine se trouve donc dans le non-consentement.

Toutefois, l'atteinte sexuelle ne distingue pas les actes avec ou sans pénétration. Lorsque nous avons voulu renforcer la sanction sur l'atteinte sexuelle avec pénétration, nous nous sommes référés au seul outil juridique disponible, à savoir le viol. Mais dès lors que nous utilisons l'article sur le viol, nous nous heurtons aux conditions du viol citées précédemment : contrainte, surprise, menace, violence. À partir de ce point, dans un cas jugé aux assises avec une qualification de viol, les avocats de la défense pourront arguer du consentement. Il n'est possible de le faire que si la qualification de viol est retenue avec l'utilisation du code pénal tel qu'il existe aujourd'hui. Toutefois, la défense ne peut évoquer le consentement dans le cas d'une qualification d'atteinte sexuelle en matière délictuelle.

En effet, comme le disait Laurence Cohen, le Gouvernement cherche à sortir de cette situation en créant une atteinte sexuelle avec pénétration, qui constitue une sous-catégorie de l'atteinte sexuelle et par conséquent reste de nature délictuelle. Or vos associations, ainsi qu'un certain nombre de parlementaires, demandent qu'une relation sexuelle avec pénétration entre une personne majeure et un mineur soit considérée comme un crime, à l'instar du viol, et non comme un délit de type atteinte sexuelle. Je parviens donc à la conclusion que la seule solution serait d'affirmer que l'atteinte sexuelle avec pénétration entre une personne majeure et un mineur de moins de treize ans est un crime.

Cependant, nous ne réussirons pas à inclure dans un même article les termes de « viol » et de « crime », sauf à dire : « est puni comme le viol ». Par ailleurs, je ne suis pas favorable à ce que la définition du viol soit modifiée. Selon moi, le droit pénal a en effet besoin de stabilité. Il s'est construit par le code et par la jurisprudence. Cette dernière fonctionne correctement.

Enfin, dès lors que nous choisirons la voie criminelle et que les cas seront portés devant la cour d'assises et non devant le tribunal correctionnel, les avocats de la défense pourront toujours faire valoir leurs arguments. Dans les médias, il est facile d'affirmer qu'aucune discussion ne peut avoir lieu sur le consentement d'un enfant de moins de quinze ans ou de treize ans. Néanmoins, les droits de la défense, qui doivent aussi être protégés, impliqueront la mobilisation de tout argument visant à atténuer la responsabilité de l'auteur. Il suffira de constater qu'il y a eu une pénétration pour appliquer la nouvelle définition et porter l'affaire en cour d'assises. Là encore, nul n'empêchera le parquet de déqualifier le viol en atteinte sexuelle pour le correctionnaliser, comme cela se produit déjà. Les principes du droit pénal et les droits de la défense doivent encadrer nos réflexions. La justice doit fonctionner selon ses principes.

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