Intervention de Anne Muxel

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 7 juin 2018 à 9h10
L'avenir des relations entre les générations : démocratie patrimoine emploi

Anne Muxel, directrice de recherches au CEVIPOF :

La question de la définition des âges a souvent été évoquée. De plus, les jeunes ont une expérience différente, traversée par tous les clivages sociaux, culturels, politiques de la société. En tant que chercheur, il est indispensable de définir des catégories d'âge. Les catégories conventionnelles (18-24 ans, 25-34 ans, etc.) sont utilisées dans les enquêtes et les sondages d'opinion. Les chercheurs peuvent travailler sur des tranches d'âge qu'ils considèrent plus significatives par rapport à leur cadre d'analyse. Par exemple, lorsque je travaille sur le rapport des jeunes à la politique, j'utilise régulièrement la tranche des 18-30 ans, car l'accès à la majorité correspond à la reconnaissance du droit de vote, et l'installation dans la vie adulte intervient de plus en plus tard. Néanmoins, si le rapport entre générations est étudié, il semble plus pertinent d'utiliser la catégorie des moins de 35 ans. Il n'existe donc pas une seule réponse à la définition des catégories d'âge. Ce temps de la vie est d'abord marqué par la transition entre la situation de dépendance et d'hétéronomie que connaissent les jeunes par rapport à leur famille et les cadres de socialisation vers l'accès à l'autonomie. Nous constatons de plus en plus de situations hybrides : certaines jeunes commencent à travailler, mais n'atteignent pas l'autonomie résidentielle ou économique. Ainsi, le temps d'accès à l'autonomie s'est rallongé et ses différentes étapes se sont complexifiées. J'ai beaucoup travaillé sur la catégorie des 18-20 ans, notamment sur leur rapport au vote, car ce temps correspond à un moratoire électoral. En effet, cette tranche d'âge se mobilise davantage, et le décrochage électoral s'observe plutôt à partir de 20 ans, jusqu'à 40 ans. Ainsi, au sujet de la participation électorale, un individu peut être considéré comme jeune jusqu'à 40 ans. Cependant, nous assistons à une mobilisation électorale plus faible de la part des 20-30 ans que des 18-20 ans.

Au sujet de la question du vote influencé par les parents, il est vrai que le premier vote est souvent identique à celui des parents. Cependant, les jeunes sont plus volatiles et moins attachés à des loyautés partisanes durables. De plus, les parents sont des électeurs plus incertains et plus mobiles que les générations précédentes, où les loyautés partisanes et idéologiques étaient beaucoup plus arrimées à des identités sociales et familiales. L'abstention crée beaucoup de mobilités, car le passage de l'abstention, entre un tour et l'autre ou une élection et une autre, offre des occasions de recompositions et de réalignements électoraux. Ainsi, les premiers votes sont souvent identiques à ceux des parents, mais cette situation n'est pas pérenne en raison de la volatilité des électeurs.

Par ailleurs, nous retrouvons des caractéristiques déjà observées il y a 40 ans, mais qui se sont aggravées. Les jeunes ont toujours été plus abstentionnistes pour des raisons structurelles, mais nous constatons un grand changement. En effet, la défiance à l'égard de la politique et du personnel politique n'était pas aussi marquée auparavant. Ainsi, les comportements observés n'ont pas la même signification en raison de la crise de la représentation politique qui touche la France.

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