Je ne pense pas qu'il soit possible de relativiser les changements observés en comparant à la situation d'il y a 30 ans. Le rapport à la politique et à la démocratie a évolué. La crise de la représentation a également modifié la donne. Dans les années 80, les Français n'avaient pas le sentiment de ne pas être correctement représentés. Aujourd'hui, 75 % des Français (et davantage chez les jeunes) estiment que leurs idées ne sont pas représentées. À partir des années 90, la croyance en la capacité du politique à agir sur le réel diminue, suite aux alternances et à la diffusion de la mondialisation. La crise de l'exemplarité concerne l'ensemble de la société française, mais surtout les jeunes, qui expriment un sentiment de déficit d'exemplarité majeur, dans la sphère politique, sportive et entrepreneuriale. En effet, des figures d'identification s'effondrent et un certain cynisme ambiant se répand dans la société, qui se construit davantage autour de valeurs liées à l'argent ou à la réussite immédiate. Ainsi, le rapport à la politique, à la société et à la démocratie a changé. Je suis inquiet pour l'avenir de la démocratie et sa reconfiguration. L'agora électorale possède de moins en moins de sens pour les Français et notamment les jeunes.
Le rapport au temps et à l'information est également modifié et doit être pris en compte dans la question de la reconfiguration de la démocratie. Des ruptures majeures se sont opérées au cours des vingt dernières années. Ainsi, la demande d'immédiateté est beaucoup plus forte. La conception de la politique comme un temps long qui nécessite une durée pour que des résultats soient constatés n'est plus acceptée. L'articulation ne s'opère plus entre les décisions prises par les assemblées parlementaires qui mettront plusieurs années à produire des effets et les aspirations des Français. Cela peut expliquer pourquoi ils ressentent le besoin de se sentir utile rapidement. Le rapport à l'information est également fondamental. Les audiences se sont fragmentées ces dernières années, il n'existe donc plus de moments collectifs, de partage de valeurs communes véhiculées par les médias de masse. Aujourd'hui, le premier canal d'information des jeunes est YouTube, ils ne fréquentent plus les médias classiques. Ainsi, la fracture en termes d'information est importante et explique un certain nombre de différences entre les plus âgés et les plus jeunes qui n'existaient pas à la fin des années 80.