Intervention de Bertrand Savouré

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 7 juin 2018 à 9h10
L'avenir des relations entre les générations : démocratie patrimoine emploi

Bertrand Savouré, président de la Chambre des notaires de Paris :

Je vous remercie de donner la parole aux praticiens. En effet, on observe un certain nombre de comportements chez nos clients que nous pouvons faire remonter pour effectuer des propositions. Le notariat s'est saisi de la question de la fluidité de la transmission et a joué un rôle d'alerte sur le vieillissement de la population et son impact sur la transmission. Notre congrès retient des propositions qui se traduisent souvent par des réformes. En 2000, un grand congrès sur le patrimoine avait abouti à la réforme de 2006 sur la transmission du patrimoine, avec notamment la donation transgénérationnelle (c'est-à-dire le don directement aux petits-enfants). Les nouveaux instruments techniques font désormais partie de notre pratique quotidienne. En 2012, un deuxième congrès traitait de la transmission et nous avons à nouveau formulé plusieurs propositions.

Il existe quatre freins à la fluidité des transmissions. Tout d'abord, il n'est pas naturel de donner, de se déposséder. Ainsi, il est nécessaire d'inciter les individus, une étincelle doit provoquer l'acte libéral. De plus, le dogme « donner et retenir ne vaut » signifie que la donation est un acte grave, car elle est irréversible. Cela explique pourquoi elle doit être effectuée devant un notaire afin qu'il puisse en expliquer les conséquences. Il est donc indispensable de prendre en considération l'idée qu'il n'est pas naturel de donner. La fiscalité peut constituer un élément déclencheur, car elle crée un effet d'aubaine efficace économiquement. Cet effet a été mesuré dans le cadre des dons exceptionnels et leur succès a été considérable. La fiscalité est un levier incontestable, les donations doivent donc bénéficier d'incitations fiscales particulières par rapport aux successions, car il est préférable de donner plutôt que de transmettre par succession. Certains dispositifs existaient par le passé, mais ont été supprimés.

Le deuxième élément de réflexion concerne la crainte pour soi-même. En effet, le donateur redoute son propre vieillissement, et il souhaite savoir comment il subsistera jusqu'à la fin de sa vie à la suite de ce don. L'individu peut se montrer réticent à la donation, car il craint de devenir dépendant de ses enfants. Néanmoins, des solutions à ce problème existent. Par exemple, nous sommes favorables à la création d'un fonds familial, qui permettrait d'assurer une certaine réversibilité à la donation afin de répondre aux besoins économiques des donateurs. La fiducie comme support d'une libéralité est aujourd'hui interdite par le Code civil, pour des raisons fiscales. La réversibilité permettrait de renforcer la confiance du donateur.

Le troisième élément qui empêche la fluidité est que les donateurs se posent la question de l'utilisation des dons par les receveurs. Il est possible de donner pour de multiples occasions : début de la vie professionnelle, investissement immobilier, mariage, etc. Cependant, dès qu'un certain montant est dépassé, les parents ne connaissent pas l'utilisation qui sera faite par leurs enfants. Ainsi, les praticiens ont déployé plusieurs techniques qui permettent d'assurer par des clauses spéciales un emploi réservé à la donation. Il pourrait également exister des solutions autour de la fiducie. Cependant, celle-ci est difficilement admise, car elle pourrait être un vecteur d'évasion fiscale. La gestion de la donation par un individu extérieur, dans un premier temps, permettrait de fluidifier les transmissions.

Le quatrième élément est relativement technique. Dans le droit successoral, une donation est toujours considérée comme une avance sur une succession future. L'enfant qui reçoit est dépositaire de la donation, mais doit la rétablir au moment de la succession afin de rétablir l'égalité entre tous les héritiers. Ainsi, il est important pour les parents de donner dans un même temps à tous leurs enfants, dans la mesure du possible. Sans ce système de donation-partage, la donation correspondra toujours à une avance sur une succession future, qui peut poser des difficultés d'équilibre familial. L'outil existe, mais peut être rendu plus performant en allégeant le droit de partage. Actuellement, le coût du partage est de 2,5 % du patrimoine partagé, ce qui peut constituer un frein. Les notaires ne souhaitent pas la suppression des droits de succession, car dans ce cas le patrimoine ne serait pas transmis avant le décès des individus.

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