Les individus qui héritent à 60 ans sont parfois encore sur le marché du travail. En effet, afin d'adapter le financement de la protection sociale au choc du vieillissement, le taux d'emploi des 55-65 ans s'accroît. Cette augmentation du travail des personnes âgées met fin à la logique de partage intergénérationnel du travail, qui prévalait depuis 30 ans et consistait à hâter la sortie de l'emploi grâce à des systèmes généreux de préretraite. Désormais, comment organiser la coexistence de générations multiples sur le marché du travail et dans les organisations productives ? Une partie du questionnement concerne l'avenir de la rémunération et le statut de l'emploi des seniors. Ainsi, la progression du salaire selon l'ancienneté ou la norme de l'emploi stable sont-elles compatibles avec la hausse du taux d'emploi des seniors ? La concurrence entre les générations conduira-t-elle à appliquer aux seniors les régimes qui s'appliquent aux jeunes actifs, c'est-à-dire une rémunération relativement faible et une précarisation de l'emploi ? La pénibilité constitue un sujet sensible et pose des questions d'adaptation de la durée de travail et d'ergonomie des postes. Une réflexion prospective sur la classe d'âge des 55-65 ans pourrait conduire à élaborer un scénario pessimiste, avec une fragilisation socio-économique des actifs les plus âgés ou une dualisation entre les seniors bien intégrés sur le marché de l'emploi tandis que d'autres seraient concernés par la précarité, le chômage et la paupérisation.
La coexistence de plusieurs générations dans l'emploi soulève également des questions de rapport au travail et à la hiérarchie. L'opposition des générations X, Y ou Z est-elle un lieu commun ou traduit-elle de véritables différences de valeurs, d'attentes et de comportements au travail ? Que pourraient impliquer ces différences dans l'organisation et le fonctionnement des entreprises ? Comment faire travailler efficacement ces générations ensemble ? Comment trouver et organiser des complémentarités ? Existe-t-il des pistes pour renforcer les énergies positives ou limiter les antagonismes ? La transmission des savoirs et des savoir-faire est-elle possible dans ce contexte ?
Enfin, cette table ronde pourrait aborder le thème du positionnement des générations face à la transformation digitale des entreprises et à l'émergence des nouveaux métiers. Selon un rapport du Conseil d'orientation de l'emploi, les mutations technologiques menaceraient environ 10 % des emplois à horizon de 15 ans et la moitié des emplois serait susceptible d'être profondément transformée. Les différentes classes d'âge sont-elles exposées à ces mutations de la même manière. Quels sont leurs atouts et quelles sont leurs difficultés ?
M. Hairault, vous avez réalisé une note sur l'emploi des seniors pour le Conseil d'analyse économique. Le scénario pessimiste, c'est-à-dire la hausse du taux d'emploi des 55-65 ans accompagnée d'une fragilisation de cette classe d'âge, vous paraît-il plausible ? Le développement de l'activité des seniors entraînera-t-il des conditions d'emploi ou de rémunération moins favorables que celles des actifs des âges intermédiaires ? La situation de pays comparables à la France, dans lesquels le taux d'emploi est plus élevé, pourrait-elle nous éclairer sur le futur ?