Intervention de Jean-Olivier Hairault

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 7 juin 2018 à 9h10
L'avenir des relations entre les générations : démocratie patrimoine emploi

Jean-Olivier Hairault, économiste, professeur à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et à Paris School of Economics :

Il est rassurant de constater que les seniors constituent toujours une préoccupation économique et sociale de notre pays. Je rappellerai les grandes évolutions afin de montrer que nous sortons d'une longue période de croyance dans le partage du travail, qui a nui à la capacité de notre pays à créer de la richesse et à financer notre modèle social. Nous pensions qu'en faisant sortir les générations anciennes du marché du travail, nous permettrions l'entrée des jeunes. Cependant, nous avons constaté que les jeunes rencontraient autant de difficultés, en raison des propriétés de cette classe d'âge et de notre modèle économique et non de la présence des seniors. En effet, si la moitié d'une génération sort précocement du marché du travail, il est nécessaire de financer cette protection sociale par des préretraites ou des retraites, et ces prélèvements pèsent sur l'activité économique et sur l'emploi. Il est donc indispensable de mettre fin à cette fausse croyance.

Il y a quelques années, certains estimaient qu'il ne fallait pas augmenter l'âge de départ à la retraite en raison des difficultés du marché du travail. Or, le taux d'emploi des seniors a augmenté avec la suppression des préretraites publiques qui incitaient à partir dès 55 ans pour près de la moitié de cette génération, et l'âge de la retraite a été progressivement rehaussé. Aux alentours de 2030, l'âge de la liquidation de la retraite se situera à 64 ans. Ainsi, l'emploi des seniors est gouverné par l'âge de départ à la retraite. Les conditions structurelles n'étaient pas réunies en France pour favoriser l'emploi des seniors. Désormais, ils doivent travailler davantage par rapport à l'âge de la retraite et la durée de cotisation. Par conséquent, une fois que l'offre de travail est présente, par obligation et par incitation, l'emploi des seniors augmente et diminue seulement à partir de l'âge de la retraite. Cependant, en France, notre taux d'emploi est inférieur de 10 points sur la tranche d'âge des 60-64 ans, comparé aux pays nord-européens, même si auparavant cet écart était constaté dès l'âge de 55 ans. Si nous continuons à relever l'âge de départ à la retraite, l'emploi des seniors augmentera encore et rattrapera dans quelques années la norme européenne.

Ensuite, la question des conditions de travail se pose à nouveau. La hausse du taux de chômage des seniors constitue une bonne nouvelle, car elle prouve que le marché du travail s'est normalisé. Auparavant, ce problème était résolu par la retraite, les seniors chômeurs devenaient inactifs. L'âge de cessation d'activité se situe à 59 ans, alors que l'âge de la liquidation de la retraite se situe à 62 ans, en raison de la possibilité de rester au chômage sans obligation de recherche d'emploi à l'approche de la retraite. Ainsi, le problème d'offre de travail se répète.

Nous disposons désormais d'un marché du travail normalisé, avec des créations et des destructions d'emplois. Les seniors sont confrontés au phénomène de destruction d'emploi, de passage au chômage, et de retour vers le monde du travail. Ils n'ont plus la garantie de l'inactivité qui leur permettait de ne plus rechercher d'emploi. Dorénavant, ils doivent retrouver un emploi s'ils souhaitent bénéficier d'une pension complète. Cela pourrait être pris pour une régression, car les seniors sont aujourd'hui confrontés au chômage et ne disposent plus de l'assurance chômage qui conduisait à l'inactivité. Cependant, il s'agit d'une progression collective, car il n'est pas possible qu'une classe d'âge atteigne la retraite 10 ou 15 ans avant les autres pays. En effet, davantage de cotisations sont nécessaires pour répondre aux besoins de financement de notre modèle social.

Le problème du retour à l'emploi des seniors doit donc être résolu. Le nombre de seniors au chômage est moins important que les autres classes d'âge, mais ce phénomène est inédit pour eux et leur temps de chômage est plus long. Des problèmes de qualification se posent, car la destruction d'emploi et le passage au chômage peuvent être plus problématiques pour cette classe d'âge. En effet, la proximité de l'âge de la retraite réduit les demandes de formation. La question de la formation professionnelle préventive pour les seniors est fondamentale. Désormais, les seniors risquent d'être confrontés à un problème de décrochage des salaires, nous le constatons dans tous les pays. Ainsi, afin d'éviter la diminution des salaires et la précarisation, les entreprises et les seniors doivent anticiper la question de la formation professionnelle.

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