Intervention de Édouard Philippe

Réunion du 26 juin 2018 à 15h00
Questions d'actualité au gouvernement — Négligence de l'état envers les collectivités

Édouard Philippe :

Monsieur le sénateur, permettez-moi, pour vous répondre, d’évoquer la question de la nature des relations financières entre l’État et les collectivités territoriales, plus particulièrement les départements, puisque c’est sur la situation de ces derniers que vous appelez l’attention du Gouvernement.

Depuis longtemps – vous l’avez dit –, depuis bien avant la nomination de ce gouvernement, sous de très nombreuses majorités successives, les relations financières entre l’État et les départements sont compliquées. Elles le sont en raison du dynamisme de la dépense sociale. Le dynamisme des dépenses sociales dites « AIS » est tel que les départements doivent consentir un effort considérable pour y faire face.

De la même façon, depuis quelques années, les départements sont confrontés à une charge croissante et difficile à prendre en compte, liée au « dynamisme » de la dépense afférente aux mineurs non accompagnés, les MNA.

Conscients de ces difficultés, les gouvernements successifs ont, année après année, décidé d’accorder des fonds d’urgence aux départements. Les sommes concernées ont évidemment évolué – souvent, d’ailleurs, dans un sens un peu plus favorable à l’approche des élections ! –, mais, en moyenne, ce sont quelque 140 millions d’euros qui ont été attribués pour faire face aux difficultés liées à l’ensemble des dépenses sociales des départements, sous forme de fonds d’urgence.

Compte tenu de cette difficulté, le Gouvernement s’est rapproché de l’Assemblée des départements de France, afin d’évoquer directement ce qui pouvait être envisagé pour faire face au dynamisme des AIS comme à celui des MNA.

S’agissant des MNA, nous avons formulé une proposition fondée sur une reprise en main par l’État d’un certain nombre d’éléments de responsabilité avant le moment où un mineur est déclaré – ou non – mineur non accompagné.

Nous avons prévu la création d’un fichier permettant d’éviter les doublonnements de questions, donc un allongement de la prise en charge de la part des départements. Nous avons mis une somme sur la table. Vous le savez, monsieur le sénateur, les départements nous ont indiqué que cette proposition leur convenait et qu’elle était à la hauteur des enjeux – elle avait d’ailleurs fait l’objet d’une longue discussion avec les départements.

Pour ce qui concerne les AIS, nous avons proposé de travailler avec les départements. Nous avons indiqué que nous étions prêts à mettre sur la table un budget de 250 millions d’euros, soit beaucoup plus que les 140 millions d’euros versés en moyenne jusque-là, mais qu’il fallait, en plus de cette somme, que, de leur côté, les départements organisent eux-mêmes les conditions d’une péréquation horizontale accrue.

Cette proposition a été entendue. J’ai même indiqué aux présidents de département qui étaient présents lors de la discussion que, si cette proposition leur convenait, les départements seraient autorisés à augmenter, de façon très modérée, ce que l’on appelle les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, ce qui constituerait une hausse des prélèvements obligatoires. Pourtant, si vous me permettez cette expression un peu triviale, mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas exactement ma tasse de thé !

Cette proposition a été soumise à la discussion, mais les départements, après l’avoir examinée, nous ont fait savoir qu’elle ne leur convenait plus. Je l’entends, et c’est parfaitement respectable, mais, dès lors, la proposition n’a pas vocation à rester sur la table. C’est ainsi que se passent les négociations. Il est normal que chacun tire les conséquences du résultat de la discussion.

Comme je l’ai indiqué devant le Sénat, les collectivités territoriales qui concluront le pacte financier que nous leur proposons seront, à l’avenir, bénéficiaires de cet engagement de stabilité que nous prenons – c’est exactement la lettre de l’accord. Les collectivités territoriales qui ne souhaitent pas signer les contrats seront évidemment respectées, conformément au droit et dans le cadre de l’article de loi voté et déclaré conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

Les collectivités territoriales seront donc respectées, mais les conséquences ne seront pas exactement les mêmes pour celles qui s’engagent et tiennent les engagements fixés et pour les autres.

De même, en cas de dépassement de la norme de 1, 2 %, les conséquences ne seront pas identiques pour les collectivités territoriales qui se sont engagées et pour celles qui ne l’ont pas fait, ce qui, je le répète, est parfaitement respectable.

Il n’y a là aucun chantage. Il n’y a que de la clarté, la négociation s’étant déroulée, me semble-t-il, dans de bonnes conditions.

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