Intervention de Stéphane Travert

Réunion du 26 juin 2018 à 15h00
Relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Stéphane Travert :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après soixante-dix-sept heures de débat en séance publique, l’Assemblée nationale vous a passé le relais pour travailler et enrichir un texte clé pour l’agriculture et l’alimentation dans notre pays.

Dans le cadre de l’examen de ce texte en commission, vous avez pu étudier un nombre important d’amendements. Pour la séance publique, celui-ci a été multiplié par deux. Je tiens donc à vous remercier de votre intérêt pour ce texte et du sérieux du travail mené par la Haute Assemblée, et plus particulièrement par les rapporteurs.

Je note néanmoins que, si vous avez supprimé 18 articles en commission, vous n’avez pas manqué d’en créer 11 nouveaux. Je reconnais là non seulement la sagesse des sénateurs, mais aussi leur grande créativité.

Si nous nous retrouvons s’agissant de certaines suppressions d’articles, selon moi justifiées, il n’en demeure pas moins que la disparition de certains articles ou alinéas sera l’objet de discussions, au cours des heures qui nous réuniront autour d’un seul et unique objectif, celui de répondre aux exigences identifiées au cours des États généraux de l’alimentation.

Il s’agit de l’urgence à restaurer la capacité des agriculteurs à tirer un revenu décent de leur travail et de la nécessité de mieux répondre aux attentes des consommateurs et des citoyens en proposant à tous et à chacun une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous.

Ce projet de loi est le premier outil de la feuille de route de la politique de l’alimentation tracée par le Premier ministre et les ministres présents le 21 décembre dernier, lors de la clôture des États généraux. Mais il n’est pas le seul, et il importe de jouer de la complémentarité de tous les outils pour avancer sur les sujets agricoles et alimentaires

Je pense notamment aux plans de filière, qui signent l’engagement des acteurs économiques ; au programme « Ambition bio 2022 », que j’ai eu le plaisir de présenter hier ; au renforcement de la stratégie relative au bien-être animal ; et à la feuille de route sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante des pesticides, qui témoignent des dynamiques de transformation qui sont à l’œuvre ; au plan d’action « bioéconomie », qui ouvre des pistes de diversification des revenus agricoles ; au travail sur la fiscalité agricole, que j’ai engagé avec Bruno Le Maire, des parlementaires et des représentants des acteurs de l’agriculture ; enfin, au volet agricole du grand plan d’investissement, qui marque la volonté de l’État d’être présent aux côtés des acteurs pour accompagner les évolutions en cours ou à venir.

La liste, vous le savez, n’est pas exhaustive. Mais il me paraissait important de remettre en perspective le travail que nous conduisons. Nous avons besoin d’un cadre légal clair, facilitateur, qui laisse chacun des acteurs exercer ses compétences et ses responsabilités. Les acteurs doivent se l’approprier pleinement et construire des dynamiques nouvelles.

Depuis le début de la semaine dernière, les interprofessions sont une nouvelle fois reçues à mon ministère, afin de faire un point sur la mise en œuvre des plans de filière, qu’il s’agisse du travail sur la contractualisation – je pense notamment aux indicateurs – ou de l’affinement et de la concrétisation des engagements sociétaux.

Je souhaite prendre un peu de temps pour vous livrer l’état d’esprit du Gouvernement dans cette discussion, mais aussi pour vous apporter des explications et vous convaincre du bien-fondé de nos propositions.

Vous le savez, nous devons lutter à la fois contre ceux qui veulent que rien ne bouge et qui se complaisent dans des politiques figées, pour mieux les dénoncer ensuite, et ceux qui veulent absolument imposer leurs visions et leurs modèles sans se soucier des difficultés créées. Cette politique du « pied au mur » ne permet pas les démarches de progrès auxquelles je crois et que je souhaite construire avec vous dans un dialogue singulier, permanent et respectueux des valeurs de chacune et chacun.

L’agriculture et l’alimentation sont au cœur de notre projet pour la France. Pourquoi ? Parce qu’elles sont l’une des clés de notre souveraineté. Parce que l’agriculture est au carrefour de multiples politiques qui façonnent notre pays : l’alimentation, l’aménagement du territoire, la ruralité, la transition écologique, le commerce extérieur et les relations internationales. Parce que l’une des missions premières de l’agriculture est de nourrir la population. Parce que l’alimentation est un enjeu quotidien pour tous nos concitoyens : bien manger, en quantité et en qualité ; permettre à chacun de manger sain, sûr, durable, sans oublier la dimension conviviale de nos repas, qui fait partie des grandes traditions françaises.

En abordant cette discussion, nous devons penser tout particulièrement aux agriculteurs et à tous nos concitoyens, comme nous l’avons fait pendant les États généraux de l’alimentation.

Pensons aux agriculteurs. L’agriculture française doit pouvoir retrouver son esprit de conquête. Les agriculteurs disposent d’un savoir-faire et d’une force de travail indispensables à la vie économique de la France et à l’aménagement de nos territoires. Ils sont les gardiens des paysages et de la biodiversité, au cœur de notre identité et de nos défis alimentaires, économiques et environnementaux. Comment faire réussir la France sans l’agriculture française ?

C’est parce que nous voulons une agriculture prospère, compétitive et durable que notre projet vise à soutenir les agriculteurs, afin qu’ils puissent vivre de leur travail, tout simplement.

Au travers de ce projet de loi, nous voulons donc défendre avec vous une agriculture riche de la diversité de ses modèles agricoles. Il ne s’agit pas d’opposer ces modèles. Il faut au contraire qu’ils soient complémentaires et créent les ressources suffisantes, pour développer nos économies locales et nous permettre d’être présents sur les marchés nationaux et internationaux. Parce que nous souhaitons, dans notre projet de transformation de la France, que le travail paie, nous devons nous engager pour que les agriculteurs perçoivent le juste prix de leur labeur.

Pensons aussi à nos concitoyens. Nous sommes tous sensibles à au moins l’une des facettes du chantier sociétal des États généraux de l’alimentation. Nous sommes attentifs à ce que mangent nos enfants à la maison et à l’extérieur. Nous sommes aussi préoccupés de l’alimentation des personnes les moins favorisées, comme en témoigne la générosité des dons des Français aux associations caritatives. Nous sommes soucieux du bien-être animal. Nous sommes concernés et vigilants sur les enjeux environnementaux.

Grâce à ce texte, je veux redonner du pouvoir aux producteurs dans la chaîne de valeur.

Nous partageons tous le même constat. La situation n’a que trop duré. Les agriculteurs subissent de plein fouet une guerre des prix et ne dégagent pas, ou plus, les marges de manœuvre qui sont indispensables, tant à la rémunération de leur travail ou de leur capital qu’à la montée en gamme des productions alimentaires.

Cette guerre des prix se nourrit du déséquilibre de l’offre et de la demande, de l’absence d’organisation de la production, de la concentration toujours plus forte du secteur la distribution. Elle se nourrit aussi, parfois, de la défiance des consommateurs et des injonctions contradictoires qu’ils envoient aux producteurs.

Je ne crois pas que l’on puisse avoir des productions toujours plus saines, plus élaborées et plus durables avec des prix toujours plus bas et des promotions toujours plus attrayantes.

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