Intervention de Stéphane Travert

Réunion du 26 juin 2018 à 15h00
Relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Stéphane Travert :

Sans nier qu’il y ait eu des parenthèses plus favorables pour certaines productions, le sujet auquel il nous faut apporter des réponses est bien celui de la répartition et de la relance de la création de valeur, pour lutter contre la vente à des prix anormalement bas.

Ma priorité est bien de redonner aux agriculteurs le juste prix de leur production et la visibilité indispensable à tout entrepreneur pour penser le temps long et produire ainsi une alimentation de qualité, dans le respect de règles sociales, environnementales et sanitaires renforcées.

Que propose aujourd’hui le projet de loi pour atteindre cet objectif ?

Le titre Ier regroupe une palette de dispositifs visant à redonner sa juste place à chaque maillon de la chaîne de valeur agricole et alimentaire : la construction du prix à partir de l’amont et des coûts de production des agriculteurs, puisque le contrat et les prix associés seront désormais proposés par celui qui vend : la clause de renégociation, plus opérationnelle, pour faciliter la réouverture des négociations commerciales en cas d’évolution des coûts de production ; la lutte contre les prix abusivement bas, avec des contrôles et des sanctions ; le rôle accru de la médiation ; le renforcement des interprofessions ; le travail sur le statut et le rôle de la coopération agricole ; l’encadrement des promotions ; le seuil de revente à perte, fixé à 10 %.

Sur ce dernier point, je souhaite rassurer les consommateurs, parfois inquiets des propos alarmistes de certains distributeurs. Oui, c’est vrai, le relèvement du seuil de revente à perte et la fin des promotions excessives vont induire pour la distribution, dans un premier temps, une hausse de marge et de chiffre d’affaires. Mais non, il n’y a aucune fatalité à ce que ces hausses se traduisent par une augmentation globale des prix pour le consommateur !

Chaque distributeur pourra revoir ses marges à la baisse sur d’autres produits, tout en augmentant le prix payé à ses fournisseurs, notamment les producteurs et les PME de l’agroalimentaire.

Ce rééquilibrage des marges se répartira sur un nombre si important de produits que le distributeur pourra finalement contribuer à la meilleure rémunération des agriculteurs et préserver le pouvoir d’achat des consommateurs.

Vous le voyez, l’édifice du titre Ier de la loi est un tout, un ensemble cohérent de mesures qui repositionnent chaque acteur sur ses compétences et face à ses responsabilités.

À ce sujet, et nous aurons l’occasion d’en rediscuter ici, je ne suis pas en phase avec les dispositions sur l’élaboration des indicateurs dans la version actuelle du projet de loi. Au-delà du risque juridique de la rédaction actuelle, cela revient à fragiliser le rôle des interprofessions et à déresponsabiliser les opérateurs, ce qui est contraire à notre objectif. Nous naviguons, certes, dans un environnement juridique contraint, mais nous ne pouvons pas l’ignorer, au risque de prendre des dispositions qui ne seraient pas opérationnelles et seraient donc sans effet. Il faut que tout le monde en ait conscience.

Si chacun, demain, prend ses responsabilités, cette loi sera efficace et opérationnelle. Elle ne laissera pas la place aux interprétations s’agissant de la répartition de la valeur créée. Je suis convaincu – je crois que vous l’êtes aussi sur ces travées – que le premier des défis qui attendent nos modèles agricoles, c’est bien de recréer des marges financières pour offrir à la fois de la visibilité pour investir et transformer durablement nos modèles.

Cette visibilité et cette capacité à penser l’agriculture à moyen terme sont indispensables pour conduire les transformations rendues nécessaires par le contexte économique, mais aussi pour répondre aux attentes sociétales. À cet égard, les titres suivants du projet de loi, qui sont à mes yeux aussi importants que le premier, viennent soutenir la première jambe du texte, à savoir la finalité de la production agricole, l’alimentation des Françaises et des Français.

Bien plus qu’un besoin élémentaire – les États généraux l’ont souligné –, la consommation de denrées alimentaires est un acte auquel nos concitoyens accordent un sens profond, une attention renforcée, presque politique, au sens noble du terme.

Comment notre alimentation contribue-t-elle à nous maintenir en bonne santé et à protéger notre environnement ? Comment développer une alimentation à la fois sûre, saine, durable et – j’insiste sur ce point – accessible à tous ?

Le projet de loi traduit la volonté du Gouvernement de porter une politique alimentaire favorisant des choix qui préservent le capital de santé de chacun et le capital environnemental de tous.

En matière de commercialisation de produits phytopharmaceutiques, le projet de loi interdit les rabais, ristournes et remises lors de la vente de ces produits. Je souhaite que nous puissions rouvrir ce débat ensemble. Il prévoit également de séparer les activités de vente et de conseil et de sécuriser le dispositif des « certificats d’économies des produits phytopharmaceutiques » par voie d’ordonnance. Pourquoi ? Pour contribuer à réduire l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

En matière de sécurité sanitaire, les pouvoirs d’enquête et de contrôle des agents chargés de la protection de la santé, de la protection animale et de la sécurité sanitaire des aliments sont renforcés. Pourquoi ? Pour accroître l’efficience des contrôles de l’État.

Dans le domaine du bien-être animal, le texte initial du Gouvernement prévoyait déjà d’étendre le délit de maltraitance animale, ainsi que le doublement des peines en cas de délit constaté lors de contrôles officiels. Il était aussi proposé de donner la possibilité aux associations de protection des animaux de se porter partie civile en cas d’infraction constatée par un contrôle officiel. Je me félicite que cet article ait été voté dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale.

Autre volet clé du projet de loi, à l’intérieur du titre II, le Gouvernement veut faire de la politique de l’alimentation un moteur de réduction des inégalités sociales. Nous le savons tous, l’accès à une alimentation variée et de qualité est encore aujourd’hui très corrélé à l’appartenance à une catégorie sociale. C’est le cas de l’obésité ou du diabète.

Pour tenter de réduire ces inégalités sociales, il vous est proposé, à l’article 11, de faire de la restauration collective un levier d’amélioration de la qualité de l’alimentation pour tous, et ce dès le plus jeune âge.

Comment ? La restauration collective publique représente plus de la moitié des 7, 3 milliards de repas hors foyers servis en France chaque année. Nous souhaitons que la restauration collective publique s’approvisionne avec au moins 50 % de produits issus de l’agriculture biologique, locaux ou sous signes de qualité à compter du 1er janvier 2022. Sur ce point, je me félicite que vos rapporteurs aient proposé de réintroduire l’objectif d’atteindre 20 % de produits issus de l’agriculture biologique d’ici à 2022.

Enfin, le projet de loi vise à lutter contre la précarité alimentaire et à limiter les conséquences environnementales du gaspillage. Les articles 12 et 15 ont donc pour objectif de réduire le gaspillage alimentaire dans la restauration collective par la mise en place d’un diagnostic obligatoire et d’étendre à la restauration collective et à l’industrie agroalimentaire le don alimentaire.

Tel est, dépeint rapidement, le panorama global du présent projet de loi. Je serai bien entendu attentif à vos propositions pour améliorer le texte. Il s’agit de nous inscrire collectivement et résolument dans une trajectoire qui respectera tant les hommes, du producteur au consommateur, que l’environnement dans lequel ils évoluent.

Construire une trajectoire pour tirer notre agriculture vers le haut, par l’innovation, par l’investissement, par la montée en gamme, par la confiance, c’est lui donner toutes les chances de résister aux défis de la mondialisation.

Avec le Président de la République et le Premier ministre, je veux refonder le pacte social entre les agriculteurs et la société pour leur redonner la fierté de leur travail et redonner à la France la fierté de son agriculture.

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