Intervention de Anne-Catherine Loisier

Réunion du 26 juin 2018 à 15h00
Relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Anne-Catherine LoisierAnne-Catherine Loisier :

Les liens de causalité entre la première et la seconde partie du texte sont donc évidents. Ils se sont parfois trouvés malmenés, au fil des débats à l’Assemblée nationale, à mesure que des sujets divers et induisant de nouvelles charges pour l’agriculteur étaient introduits.

Monsieur le ministre, n’y a-t-il pas une certaine forme de schizophrénie à chercher, dans une première partie, à augmenter les recettes des agriculteurs et à créer, dans une seconde, des contraintes nouvelles, aboutissant à reprendre d’une main ce que l’on a donné de l’autre ?

C’est cet écueil que notre commission a tenté d’éviter, en se concentrant sur l’objectif essentiel de ce projet de loi, dans un contexte – il faut le souligner – de grand désespoir et d’impasse pour de nombreux agriculteurs français, qui en attendent beaucoup. Toutefois, l’exercice est délicat, car il amène à reporter certains débats sur des sujets, comme le bien-être animal, éminemment préoccupants et importants, mais qui ne sont pas à leur place dans un projet de loi, dont, encore une fois, l’objet essentiel est la survie de notre agriculture et la prédominance du modèle des exploitations françaises.

C’est en ce sens, et par cohérence avec les espoirs nés des États généraux de l’alimentation, que nous avons cherché à recentrer le texte.

Monsieur le ministre, je regrette que le Gouvernement revienne sur bon nombre des propositions avancées par notre commission, en rétablissant presque systématiquement la rédaction de l’Assemblée nationale. Le rapporteur de l’Assemblée nationale a, semble-t-il, déjà fermé la porte à tout accord en commission mixte paritaire. Mais nous espérons que la voie de la sagesse et du dialogue parlementaire reprendra le dessus.

En matière d’alimentation, la commission a cherché à adapter la loi aux réalités du terrain, notamment s’agissant des obligations nouvelles faites à la restauration collective publique concernant l’approvisionnement local et de qualité. En ce sens, je vous proposerai des assouplissements pour les gestionnaires, une plus grande structuration des approvisionnements locaux permettant de répondre à l’objectif des 20 % de produits bio, auquel nos filières locales et nationales ont confirmé pouvoir répondre.

La commission a effectivement ajouté quelques dispositions, mais c’est pour mieux protéger et promouvoir les productions françaises, qu’il s’agisse du vin, avec une obligation d’information sur l’origine dans tous les établissements qui en vendent et le maintien d’une déclaration de récolte obligatoire, ou encore du miel. Elle a aussi « toiletté » le texte d’un certain nombre de dispositions « bavardes » ou redondantes, qui n’apportaient rien au droit existant.

En matière de bien-être animal, la commission a jugé que l’équilibre auquel sont parvenus nos collègues députés, consistant à responsabiliser les filières et leur faire prendre des engagements, ne devait pas être remis en cause. Le champ des infractions de maltraitance animale pour lesquelles des associations pourraient se porter partie civile a donc été bien circonscrit. De même, les modalités retenues pour expérimenter la vidéosurveillance dans les abattoirs volontaires ou tester les abattoirs mobiles constituent des avancées.

Sur la partie relative aux produits phytopharmaceutiques, la commission n’a pas voté les mesures sur lesquelles elle manquait d’informations. L’étude d’impact relative à l’interdiction des remises, rabais et ristournes figurant à l’article 14 se résume à une page de considérations peu étayées ou chiffrées. De même, la demande d’habilitation à légiférer pour séparer les activités de vente et de conseil est très vague, le projet du Gouvernement n’étant pas défini.

La commission a évité tout surcroît de charges qui ne se justifierait pas. Elle est ainsi revenue sur l’interdiction des remises, rabais et ristournes sur la vente de produits phytopharmaceutiques, sachant que, en la matière, c’est non pas le prix qui fait l’usage, mais bien la nécessité de traitement. Elle a souhaité l’émergence d’un conseil individuel véritablement stratégique et pluriannuel, permettant d’accompagner l’exploitant, pour lui permettre d’optimiser à moyen terme ses usages de produits phytopharmaceutiques. Pour ce conseil, l’incompatibilité avec les activités de vente de produits phytopharmaceutiques restera maintenue.

En matière de réduction des usages des produits phytopharmaceutiques, toutes les initiatives favorisant l’émergence de solutions de remplacement sont valorisées.

Seront mises en place des procédures simplifiées d’autorisation de mise sur le marché des produits de biocontrôle, la procédure d’évaluation de la toxicité du produit étant maintenue, conformément à la réglementation européenne. Les préparations naturelles peu préoccupantes, ne figurant pas déjà dans la liste préétablie, bénéficieront d’une évaluation simplifiée.

Les progrès technologiques, comme l’agriculture de précision, constituent de formidables leviers pour nos agriculteurs. En ce sens, la commission a élargi le champ de l’expérimentation de l’épandage par drones, sur les terrains les plus dangereux, présentant une pente supérieure à 30 %, y compris pour les produits phytopharmaceutiques.

Enfin, en matière d’énergie, la commission a marqué son soutien aux démarches de diversification et de production d’énergies renouvelables par les agriculteurs, en consolidant le droit à l’injection de biogaz dans les réseaux de gaz naturel situés à proximité d’un méthaniseur, y compris lorsqu’il n’est pas dans le périmètre d’une concession, afin que la mesure ait réellement un sens.

Pour conclure, la commission a donné un contenu au volet simplification des normes agricoles, en consacrant l’existence juridique du comité de rénovations des normes en agriculture, qui produira prochainement un rapport sur la surtransposition en agriculture.

En bref, la commission des affaires économiques du Sénat accompagne la montée en gamme des productions, favorise de nouveaux débouchés pour les produits locaux de qualité, tout en assurant une meilleure maitrise des produits phytopharmaceutiques et une attention aux conditions de bien-être animal, sans pour autant déséquilibrer encore une agriculture française en recherche de compétitivité dans un environnement de plus en plus concurrentiel.

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