Intervention de Cécile Cukierman

Réunion du 26 juin 2018 à 15h00
Relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, longtemps évoqués comme un phénomène principalement urbain, la précarité, la pauvreté et l’exclusion n’épargnent ni le milieu rural ni la population agricole, car il y a aujourd’hui 26, 4 % de ménages pauvres chez les agriculteurs et les salariés agricoles.

Ces chiffres, nous nous les répétons depuis trop longtemps. Pourtant, rien ne change ! Nous connaissons les causes principales de cette paupérisation de la majorité des agriculteurs et salariés agricoles de notre pays. Les réformes successives au niveau européen de la PAC et de ses déclinaisons nationales, notamment sous la pression des accords de l’OMC, ont fait de la concurrence libre et non faussée un objectif prioritaire de l’organisation des échanges et ont conduit à la disparition des mécanismes de régulation des prix et des productions.

À l’échelon national, les agriculteurs, mais aussi les consommateurs, sont devenus une simple variable d’ajustement dans la guerre des prix à laquelle se livrent la grande distribution et les groupes industriels agroalimentaires. Guerre qui déséquilibre la chaîne de valeurs, sape la cohésion sociale et fragilise l’ensemble du secteur agroalimentaire français, pourtant stratégique pour l’économie nationale en termes d’emplois, de balance commerciale, mais aussi de structuration de notre territoire.

Il y a dix ans, lors des débats sur la LME, la loi de modernisation de l’économie, nous nous opposions à la libéralisation des relations commerciales au vu de la structuration de la filière agroalimentaire, avec une concentration excessive des centrales d’achat, un tissu de PME éparpillé et des producteurs peu organisés.

À l’époque, nous dénoncions une contractualisation qui ne pouvait être gagnante pour toutes les parties, car elle était laissée au seul jeu des forces du marché. N’en déplaise à certains, sans un minimum d’équité contractuelle, aucun marché ne peut fonctionner.

Nous n’avons eu de cesse de proposer la mise en place d’outils permettant une meilleure structuration des filières, afin d’assurer une plus grande transparence dans la formation des prix au stade de la production, de la transformation et du commerce. Pour cela, nous proposions une identification claire des marges de chacun des acteurs et une meilleure information des consommateurs, pour les aider à concilier leurs contraintes budgétaires et la qualité de leur alimentation. Nos propositions n’ont pas été acceptées.

Depuis lors, le législateur n’a cessé d’intervenir pour tenter de restaurer « la loyauté » ou « l’équilibre » des relations commerciales, sans jamais parvenir à transformer les rapports de force. Les grands distributeurs ont en effet toujours su s’adapter aux nouvelles contraintes.

Le texte dont nous débattons aujourd’hui n’échappe pas à la règle. Comme cela a été rappelé, ce projet de loi est très en deçà des attentes des agriculteurs, loin de la problématique d’un renforcement réel du revenu paysan.

Puisque nous discutons des agriculteurs et de l’intervention de l’État, vous me permettrez d’avoir un mot pour les retraités agricoles, qui ne voient toujours pas venir l’augmentation de leur pension de retraite, alors qu’ils vivent bien en dessous du seuil de pauvreté. Nous attendons toujours un signe.

Pour en revenir au projet de loi, cela m’étonne encore de voir ceux qui, hier, ont proposé et voté cette libéralisation…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion