Certes, les contrats seront désormais proposés par les producteurs ou par leurs organisations, plutôt que, comme auparavant, par les acheteurs, mais il est très difficile de mesurer l’impact de cette disposition.
Certes, il y a la reconnaissance de la nécessité d’indicateurs plus fiables, mais il y a aussi, dans le même temps, le refus que les indicateurs de coûts de production soient publics.
Certes, il y a un renforcement du rôle du médiateur des relations commerciales, mais, dans le même temps, la possibilité de médiation privée reste ouverte.
Certes, il y a un renforcement de l’office d’évaluation des prix et des marges et des interprofessions, mais toutes ces mesures laissent le sentiment d’un travail inachevé.
Certes, il y a un relèvement de 10 % du seuil de revente à perte sur les produits alimentaires, mais il est fondé sur « le seul espoir que cela ruisselle jusqu’aux producteurs ». Et si l’espoir fait vivre, il ne modifie en rien les rapports de force. La majorité des organisations agricoles que nous avons auditionnées ne s’y trompent pas : ce texte ne changera rien, ou alors il changera les choses seulement à la marge, car il reste inscrit dans un modèle économique qui favorise le plus fort.
Voilà pourquoi nous continuerons à porter la nécessité de prix planchers. Voilà pourquoi nous demandons l’intervention publique, sous la forme du déclenchement d’un encadrement des marges de la distribution en cas de crise. Voilà pourquoi nous proposerons l’interdiction de la revente à perte, la définition d’un prix abusivement bas et la prise en compte du revenu paysan dans la construction des indicateurs !
Dans son volet « alimentation », le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale était porteur de promesses, mais il aurait été opportun de dédier à cette seconde partie un véhicule législatif propre.
Sans surprise, nous regrettons que la commission des affaires économiques du Sénat soit revenue sur des mesures phares. Je n’en ferai pas ici une liste exhaustive, nous y reviendrons dans le cours du débat.
Ces mesures, loin d’être des contraintes, sont aujourd’hui nécessaires, car elles répondent à une demande sociétale très forte, mais aussi à la nécessité de rétablir la confiance entre les agriculteurs et les consommateurs. Elles répondent également à la nécessité de réorienter notre modèle de production, mais elles répondent surtout à des enjeux de santé publique pour les agriculteurs, les salariés agricoles et les consommateurs.
En résumé la philosophie de ce texte, tant dans sa version initiale qu’après passage en commission au Sénat, est la suivante : ne rien imposer, continuer à faire confiance aux grandes entreprises agroalimentaires et remettre entre les mains des filières la responsabilité de la transition environnementale.
Nous sommes loin, très loin, des débats et des conclusions des États généraux de l’alimentation, qui devaient assurer une alimentation saine, durable et accessible à tous.
Nous ne pouvons que déplorer l’effet néfaste, encore une fois, de la trahison de cette consultation, qui se disait ouverte et participative. Cette loi n’apportera aucune solution concrète. En l’état, notre groupe ne votera pas ce texte.