Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, permettez-moi de saluer la méthode et l’organisation des États généraux de l’alimentation, qui ont eu le mérite de mettre tous les acteurs du monde agricole, des producteurs jusqu’à la distribution, autour d’une même table, afin de dresser un constat. Ils ont peut-être aussi permis à chacun de comprendre l’autre pour préserver ensemble une agriculture française de qualité.
Monsieur le ministre, lors de la présentation de ce projet de loi en conseil des ministres, vous avez développé trois axes : assurer la souveraineté alimentaire ; promouvoir des choix alimentaires au service de la santé ; réduire les inégalités d’accès à une alimentation de qualité et durable.
Assurer la souveraineté alimentaire, c’est être certain que demain il y aura suffisamment d’agriculteurs qui pourront vivre de leur métier.
Promouvoir des choix alimentaires en termes de santé, c’est avoir une volonté de changer de paradigme, c’est prévenir au lieu de guérir.
Réduire les inégalités d’accès à une alimentation saine et durable, c’est poursuivre le chemin tracé par Stéphane Le Foll, entamé dans la loi d’avenir vers l’agroécologie, qui doit devenir un modèle agricole.
Le titre Ier du texte a pour ambition de redonner de la valeur au travail des agriculteurs, de donner aux organisations professionnelles les moyens d’exercer toutes leurs responsabilités pour la prise en compte des indicateurs des coûts de production et la construction du prix de vente. C’est une excellente chose, mais les coûts de production peuvent varier pour la même filière d’une région à l’autre. C’est pourquoi nous vous proposerons de prendre l’Observatoire de la formation des prix et des marges comme garant.
Les organisations professionnelles doivent être suffisamment représentatives pour assurer les lourdes tâches qui leur seront attribuées dans la négociation avec les transformateurs et les distributeurs, qui, eux, ne manquent pas d’expertise dans ce domaine. Nous vous proposerons d’élargir l’expérimentation des contrats tripartites pour que chacun puisse être payé dignement, mais surtout en toute transparence.
L’encadrement des promotions est une bonne chose, comme le relèvement du seuil de vente à perte, fixé à 10 %.
Monsieur le ministre, nous savons tous la responsabilité des acteurs de la grande distribution dans la stratégie de guerre des prix incessante à laquelle ils se livrent depuis longtemps et qui a mis à genoux une grande partie de notre agriculture.
Permettez-moi de douter que se produise la fin de cette guerre. Je crains que la grande distribution n’hésite pas à importer de la marchandise à moindre coût et à poursuivre ses pratiques. Nous le disons : ce que nous souhaitons avant tout, c’est le juste prix pour tous, de l’agriculteur au consommateur.
Mesurant la toute-puissance de la grande distribution, je demeure très dubitatif sur le fait qu’elle veuille aller dans votre sens.
Sur les articles suivants, nous sommes d’accord avec vous concernant la restauration collective et l’approvisionnement à hauteur d’au moins 50 % de produits issus de l’agriculture de produits locaux ou sous signe de qualité. Nous nous félicitons également de la réintroduction dans le texte de l’exigence de 20 % de bio.
Je sais que la majorité sénatoriale avait fait valoir son désaccord lors de l’examen de la proposition de loi visant à favoriser l’ancrage territorial de l’alimentation. Heureusement, elle évolue, très timidement.
Mes chers collègues, vous le savez très bien, c’est une volonté sociétale à laquelle vous ne pourrez pas vous soustraire, et je me félicite d’entendre quelques responsables de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles, la FNSEA, partager ce sentiment avec les autres syndicats agricoles.
Il est prévu de séparer la vente du conseil pour ne pas être juge et partie. Même si nous avons quelques craintes quant aux coûts supplémentaires engendrés pour l’agriculteur, nous y sommes favorables.
En revanche, sur l’interdiction des rabais et des ristournes, certes nous parlons de produits dangereux, mais, monsieur le ministre, je suis certain que cela n’a absolument rien à voir avec la diminution de la consommation. Ces produits sont homologués pour des doses à l’hectare. Ce n’est pas parce que l’agriculteur, en morte saison, va acheter un produit moins cher qu’il va en répandre davantage par la suite.
Des pistes réelles sont à creuser. Il s’agit, par exemple, de la manière dont ces produits sont employés, via des appareils de traitement qui ne sont pas toujours adaptés à la baisse de consommation. En viticulture, ce sont les cépages résistants, en partenariat avec l’Institut national de la recherche agronomique, l’INRA.
Bien d’autres sujets seront traités pendant ce passionnant débat. Mais, vous le comprenez, au-delà des lois votées par le Parlement français, un sujet délicat est celui de la réciprocité des normes de production et de qualité. Nous la voulons de la part de tous les pays dont nous importons des produits agricoles, ainsi que de tous les pays avec lesquels nous avons des accords de libre-échange, comme cela a été signifié d’ailleurs dans une récente proposition de résolution sénatoriale sur la politique agricole commune, la PAC.
Oui, j’en suis convaincu, nous devons produire une alimentation de qualité, saine et durable. Nos agriculteurs n’ont pas peur de la concurrence, car ils savent que la tradition française est empreinte d’un savoir-faire reconnu. En revanche, et j’y insiste, ils veulent se battre avec les mêmes règles.
Monsieur le ministre, quand nous imposons à nos agriculteurs de nouvelles normes, tous les produits importés doivent s’y conformer ; c’est nécessaire. C’est pour cela que vous avez un double combat à mener au niveau européen.
D’une part, vous devez préserver le budget de la PAC, qui est primordial et vital pour soutenir nos agriculteurs, et je sais que vous y travaillez. D’autre part, quand une norme nouvelle est appliquée en France ou, pire, quand un produit phytosanitaire est interdit ou va être interdit en France, il faut vous battre pour convaincre vos partenaires européens de suivre ces évolutions sociétales et de l’interdire aussi au niveau européen. Car c’est de cette façon que les agriculteurs français comprendront notre combat à tous pour une agriculture durable, une agriculture plus juste.
Alors ensemble, dessinons l’agriculture durable que nous voulons. Car exiger toujours plus de nos producteurs et de nos filières sans soumettre nos voisins à la réciprocité conduisant aux mêmes pratiques vertueuses, c’est condamner demain l’ensemble des filières et notre indépendance alimentaire.
Et après ? Nous importerons, comme nous le faisons déjà, des viandes sans savoir comment l’animal a été élevé et abattu, des fruits et légumes sans connaissance des modes de production, des produits alimentaires transformés dont nous aurons toutes les difficultés à connaître la traçabilité.
Si nous voulons donner aux consommateurs la possibilité d’assumer leur responsabilité dans l’acte d’achat, il faut une traçabilité parfaite et un étiquetage précis.
Pour que ce débat soit constructif, ne sortons pas des enjeux de ce texte : les enjeux de santé, les enjeux environnementaux et, enfin, les enjeux économiques.
À aucun moment nous ne pouvons traiter un enjeu sans les deux autres, car tous sont liés.
Pour conclure, je dirai simplement que nous devons faire confiance à nos agriculteurs, qui ont bien compris les nouveaux défis. Par nos décisions, offrons-leur la possibilité de vivre dignement de leur métier, car c’est juste ce qu’ils souhaitent.