Intervention de Bernard Delcros

Commission des affaires européennes — Réunion du 21 juin 2018 à 9h00
Politique régionale — Politique de cohésion de l'union européenne : proposition de résolution européenne du groupe de suivi

Photo de Bernard DelcrosBernard Delcros :

Je vais apporter quelques précisions complémentaires et indiquer les points sur lesquels la France devra faire preuve de vigilance lors des négociations qui s'engagent.

Globalement, le budget européen augmente, passant de 1 % à 1,1 % du revenu national brut, soit une augmentation de 10 %. Néanmoins, il est difficile d'étudier la répartition du budget, car les chiffres fournis divergent. Le Parlement européen a ainsi manifesté sa surprise et son inquiétude quand il a reçu les chiffres de la Commission.

Par rapport à la programmation précédente, on peut déceler deux évolutions majeures : un glissement des cibles, des pays de l'est vers le sud, notamment vers l'Espagne et la Grèce, en raison de l'évolution relative de leur PIB ; et des priorités revues, notamment autour de la recherche et l'innovation, l'économie numérique, de la jeunesse, de la gestion des frontières, de la sécurité et de la défense.

Cette double évolution a deux conséquences : le budget de la PAC baisse considérablement. Je le précise, même si ce n'est pas le sujet d'aujourd'hui, car au sein du bloc de la PAC se trouve le Feader, qui est le principal outil de développement rural, davantage que le Feder. La politique de cohésion augmentera légèrement en euros courants mais elle diminuera d'environ 5 % en euros constants. Au total, si l'on compare les deux périodes, la part de la politique de cohésion et de la PAC dans le budget de l'Union européenne passera de 70 % à 58 %.

Notre pays est relativement préservé de la baisse des crédits de la politique de cohésion, pour deux raisons. D'une part, la principale baisse porte sur le Fonds de cohésion, auquel la France n'est pas éligible. D'autre part, les critères de PIB dans la classification des régions sont révisés dans un sens qui nous est favorable.

Le classement des régions en trois catégories est conservé : régions les moins développées, régions en transition et régions les plus développées. En outre, alors que, dans la période 2014-2020, la catégorie des régions en transition se définit par un PIB compris entre 75 % et 90 % du PIB moyen européen, la Commission propose de faire passer la borne haute à 100 %. Par conséquent, les régions ayant un PIB compris entre 75 % et 100 % seront incluses dans les régions en transition. La France passe ainsi de 10 régions en transition et de 12 régions parmi les plus développées à 21 régions en transition et à 2 régions parmi les plus développées. À titre de comparaison, l'Allemagne, avec une baisse de 21 %, est beaucoup plus pénalisée par la baisse des crédits que la France, qui subit un recul de 5,4 %.

Les sujets à défendre prioritairement dans la négociation qui s'ouvre sont la question de l'enveloppe, la possibilité de garder les trois catégories de région (ce qui est contesté par certains pays) et la possibilité de conserver les périmètres des anciennes régions. Ainsi l'Auvergne, région en transition, a été intégrée dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui fait partie des deux régions les plus développées en France, avec l'Île-de-France. À l'intérieur des grandes régions, il y a des métropoles qui ont un PIB important et des territoires en difficulté. La Commission propose de caler les catégories de région sur le périmètre des anciennes régions, mais ce n'est pas acquis, certains pays le remettent en cause. C'est un point extrêmement important pour nous.

Un autre réside dans la question des cofinancements. Dans le programme précédent, pour les régions les moins développées - cinq en France -, le cofinancement à la charge des territoires représentait 15 % du financement et les fonds de la politique de cohésion représentaient 85 %. La Commission propose d'abaisser cette proportion à 70 %, ce qui appellera un cofinancement supérieur pour les territoires. Cela vaut aussi pour les régions en transition, pour lesquelles le financement de la politique de cohésion passe de 60 % à 55 % et pour les régions les plus développées, où l'on passe de 50 % à 40 %. Les cofinancements issus des États membres - État, régions, départements - devront alors être plus importants, dans un contexte de baisse des moyens des régions et des départements. Les régions qui passeront de la catégorie de région développée à la catégorie de région en transition vont donc gagner des financements européens, mais les régions qui étaient déjà en transition vont en perdre.

La France doit être très mobilisée sur ces sujets, car nombreux sont les pays qui refusent la classification en trois types de régions et le cofinancement qui l'accompagne.

Autre sujet important : le dégagement d'office, autrement dit le délai à partir duquel le pays perd les crédits qui lui sont alloués. Le cadre précédent prévoyait trois ans, et la Commission propose de passer à deux ans, afin d'accélérer la consommation des crédits. Or les procédures sont si compliquées que beaucoup de crédits pourraient être perdus !

La Commission propose de mutualiser les fonds Feder et FSE, cela me semble positif.

Enfin, la simplification. Nous avons tous construit des dossiers de financement européen ; c'est un processus extrêmement long et compliqué. Il est nécessaire de simplifier les procédures, mais prenons garde d'ajouter de nouvelles complications nationales !

Enfin, je veux aborder la question du Feader, même si cela ne rentre pas dans le cadre de notre débat d'aujourd'hui : car les territoires ruraux sont concernés. Ce fond passerait de 100 milliards à 78,8 milliards d'euros, en euros courants : les territoires ruraux en subiraient les conséquences. Les programmes de Liaison entre actions de développement de l'économie rurale (Leader), pourtant excellents, seraient même remis en cause.

Un mot du calendrier des négociations. Il y aura des élections européennes mi-2019 ; certains plaident pour aller vite et régler la question avant ces élections, d'autres pour prendre le temps de construire un bon accord, indépendamment de cette échéance.

Globalement, la France s'en sort plutôt bien, mais rien n'est gagné. Les pays de l'Est sont vent debout, car ils étaient très bénéficiaires du Fonds de cohésion. Les pays du nord de l'Europe et l'Italie veulent supprimer la catégorie des régions en transition, ce qui serait négatif pour la France, car ce qui nous avantage, c'est précisément l'augmentation de la borne haute de cette catégorie. Les avis sont aussi très différents sur les taux de cofinancement. Enfin, sur la conditionnalité, seules la France et l'Allemagne sont aujourd'hui d'accord.

Les propositions de la Commission ne sont pas des acquis ; il y a des sujets essentiels pour la France, sur lesquels il faudra tenir bon, notamment les catégories de région et les cofinancements.

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