Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 11 mai 2006 à 10h00
Respect effectif des droits de l'homme en france — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Par ailleurs, les personnes incarcérées malades, qui vont consulter un médecin à l'extérieur, sont souvent privées du droit à la confidentialité lié au secret médical puisqu'il arrive que la consultation se fasse en présence de policiers. De plus, les conditions de cette consultation sont contraires à la circulaire gouvernementale et aux dispositions européennes en vigueur, car ces personnes sont entravées et menottées. Pour ma part, j'ai saisi la CNDS d'un cas récent qui m'avait été signalé.

Il convient donc d'oeuvrer à un renforcement des moyens de contrôle de l'administration pénitentiaire et du respect des droits à la confidentialité et à la dignité des personnes incarcérées, notamment des malades.

S'agissant de la situation des droits des mineurs étrangers, les règles de procédure pénale spécifiques aux droits des mineurs, qu'ils soient français ou étrangers, sont déterminées par l'ordonnance du 2 février 1945, modifiée.

La situation des mineurs en France s'est constamment dégradée, comme l'a rappelé la Défenseure des enfants dans son dernier rapport. Cette dégradation constante est d'autant plus flagrante et injuste dans les quartiers populaires dits « sensibles » que les manquements des policiers tendent à se systématiser.

Monsieur le garde des sceaux, allez-vous répondre favorablement à la demande de la CNDS, incluse dans son avis de décembre 2005, tendant à compléter l'instruction ministérielle du 11 mars 2003 par une directive spécifique relative aux mesures que les services de police peuvent être amenés à prendre à l'égard des mineurs ?

Enfin, je tiens à me faire l'écho dans cet hémicycle des cas humains déchirants d'enfants « accompagnants », ainsi que de mineurs et de jeunes majeurs scolarisés qui, à partir du 30 juin, pourront faire l'objet d'une mesure d'expulsion. Or la scolarité ne s'arrête pas à la fin du mois de juin !

Ces enfants sont aujourd'hui scolarisés avec nos enfants, et il serait dommage de les priver de leurs droits à l'éducation et à la scolarité. Aussi, je vous demande, monsieur le garde des sceaux, en vertu de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, de mettre fin immédiatement aux procédures d'expulsion à l'encontre de ces jeunes.

J'en viens à la question des droits politiques effectifs des résidents non communautaires.

Monsieur le garde des sceaux, on ne saurait aborder la question de l'effectivité des droits fondamentaux sans aborder celle des droits politiques des résidents non communautaires. Cette question est délicate, sensible, tout en étant fondamentale pour le débat politique, car elle touche à l'essence même de ce qui constitue notre démocratie, à ce qu'elle est, à ce qu'elle peut et doit devenir : une question de droit et de justice sociale, mais aussi d'égalité des droits et de citoyenneté.

Il en va aussi de la reconnaissance politique, notamment au regard de l'histoire et du devoir de mémoire que celle-ci nécessite.

Au moment où s'amorce la reconnaissance des responsabilités historiques de notre pays, notamment à travers les débats portant sur la commémoration de l'abolition de l'esclavage et sur la colonisation, il est important de rappeler que ces hommes et ces femmes, au nom de cette mémoire, doivent aussi avoir des droits.

C'est une question de justice sociale et politique, car ces non-nationaux paient les mêmes impôts, taxes et cotisations que les Français et participent pleinement à la solidarité nationale. De même, ils contribuent au financement des infrastructures que tous les Français utilisent.

Il est important de rappeler que le respect des droits fondamentaux des citoyens français passe par celui des droits politiques de ces résidents non européens. Reconnaître le droit de vote aux résidents extra-communautaires, c'est répondre à une exigence d'égalité des droits et de justice, mais c'est aussi participer au renforcement de la notion de citoyenneté.

Nous ne pouvons pas, en effet, exiger un comportement citoyen des plus jeunes lorsque leurs parents sont exclus de la citoyenneté.

Pour conclure, je rappellerai que la construction de la citoyenneté mais aussi de l'identité européenne passe par le droit de vote, notamment par le droit de vote pour les résidents de l'Union européenne.

Il est temps que la France, à l'instar d'autres pays d'Europe, accomplisse cet élargissement du corps électoral, condition sine qua non de la modernisation de notre démocratie.

Monsieur le garde des sceaux, alors que de nombreuses personnalités au sein même de votre famille politique se sont déclarées en faveur de ce droit de vote, nous pourrions peut-être aujourd'hui nous engager un peu plus avant.

D'ailleurs, face aux défis que lancent la révolte des banlieues, s'insurgeant contre les discriminations et les exclusions, y compris politiques, ainsi que les mouvements appelant à un vrai débat sur la mémoire, nous devrions cesser de reléguer la question de l'élargissement du corps électoral au rang de gadget électoral pour en faire une vraie question du droit, notamment des droits politiques.

N'oubliez pas qu'il s'agit non seulement d'un droit fondamental, mais aussi d'une arme efficace qui permettrait de lutter contre le racisme et de répondre à une urgence démocratique.

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