Intervention de Francis Grignon

Réunion du 11 mai 2006 à 10h00
Respect effectif des droits de l'homme en france — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Francis GrignonFrancis Grignon :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la France, plus que tout autre pays, par sa tradition humaniste, par les valeurs du siècle des lumières qu'elle a transmises au-delà de ses frontières et parce qu'elle est à l'origine de la Déclaration universelle des droits de l'homme, se doit d'être exemplaire en matière de respect des droits de chacun.

Inspiratrice, avec René Cassin, et signataire de la Convention européenne des droits de l'homme en 1950, membre fondateur du Conseil de l'Europe à Strasbourg en 1949, avec un droit de recours individuel des citoyens français devant la Cour européenne des droits de l'homme, la France est considérée dans le monde comme le berceau et la patrie de ces droits humains universels.

Le rapport de l'ancien commissaire du Conseil de l'Europe aux droits de l'homme, M. Álvaro Gil-Robles, se fait l'écho de certains dysfonctionnements et de certaines lacunes relevés lors de ses visites en septembre 2005.

Prétendre que tout est parfait dans le meilleur des mondes possibles relèverait de la naïveté. La France, dans son histoire, a connu des zones d'ombre. Le manichéisme ne correspond malheureusement qu'à une réalité relevant d'une vision enfantine du monde. Nos sociétés sont de plus en plus complexes, et nul ne peut garantir des comportements individuels exemplaires. Il relève en revanche de notre responsabilité politique de tenter de canaliser collectivement ce facteur risque individuel.

Il est donc nécessaire de se saisir régulièrement de ces questions afin de dresser un bilan des actions qu'il reste à mener, et je tiens moi aussi à remercier M. Pelletier de nous donner l'occasion de le faire.

Sans avoir la prétention d'être exhaustif, je voudrais dans mon intervention apporter un autre éclairage et rappeler plutôt les éléments positifs mis en oeuvre dans notre pays en direction des droits de l'homme, tout en sachant, bien sûr, la limite de l'exercice, puisque chacun sait qu'en matière de communication, notamment de communication aussi sensible, il faut bien dix messages positifs pour contrecarrer un message négatif.

Néanmoins, nombre de réformes engagées par gouvernement dirigé jusqu'à l'année dernière par notre estimé collègue Jean-Pierre Raffarin ainsi que par l'actuel gouvernement ont déjà amélioré considérablement la situation.

En matière de prisons, par exemple, si la réalité constatée ne correspond pas à l'idéal que nous souhaiterions tous, des efforts importants sont consentis depuis 2002 et la situation devrait encore s'améliorer.

La surpopulation carcérale, qui est une réalité, a pour corollaire une dégradation des conditions de vie des détenus. C'est la raison pour laquelle une politique très ambitieuse de renouvellement du parc pénitentiaire a été engagée depuis 2002, prolongeant ainsi les efforts déjà consentis, chaque fois sous des gouvernements de droite, par M. Chalandon en 1987, avec la création de 13 000 places, et par M. Méhaignerie en 1994, avec la création de 4 000 places.

La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a ainsi prévu la construction de 13 200 places nouvelles de détention. Jamais un tel programme de construction n'avait été mis sur pied. Notre groupe se félicite ainsi, monsieur le garde des sceaux, que votre gouvernement ait prévu de construire seize nouveaux établissements pénitentiaires pour majeurs, sept établissements pénitentiaires pour mineurs, trois quartiers courtes peines et quatre centres de semi-liberté.

Le respect des droits humains dans les prisons passe aussi par une protection des mineurs : les structures construites seront adaptées pour les séparer des détenus majeurs. Plus largement, seront séparés les prévenus des condamnés et les primo-délinquants des multirécidivistes. Il s'agit d'une avancée fondamentale en matière pénitentiaire. Je note d'ailleurs que M. Gil-Robles considère que les centres fermés tant décriés ont été une réponse adaptée à la désocialisation de certains mineurs récidivistes.

Au-delà des bons sentiments et des leçons de morale, il s'agit d'un engagement concret pour l'amélioration des conditions de détention.

La construction de ces nouveaux centres pénitentiaires permettra également la fermeture des centres actuels les plus vétustes. D'autres centres, comme Fleury-Mérogis, Les Baumettes et la Santé, seront quant à eux rénovés. À terme, 6 000 places devraient avoir les normes retenues pour les constructions neuves. À Fleury-Mérogis, les travaux engagés répondent à cet objectif de rénovation grâce à un effort financier particulièrement important, puisque 100 000 euros sont investis par place de prison.

Enfin, un programme supplémentaire d'extension des capacités des établissements existants permettra de dégager, d'ici à 2007, 3 000 places d'hébergement sur l'ensemble du territoire, dont 500 places dédiées à la semi-liberté.

Cet effort en matière de programmes immobiliers pénitentiaires va indubitablement améliorer les conditions de vie des détenus, car il permettra de résoudre les problèmes essentiellement causés, selon M. Gil-Robles, par la surpopulation des établissements actuels.

Loin des caricatures, la politique pénale menée par le Gouvernement n'est pas fondée sur le « tout carcéral ». Notre pays a un nombre de détenus rapporté à sa population inférieur à celui de nos voisins européens : notre taux de détention pour 100 000 habitants est de 93, contre environ 97 en Allemagne et en Italie, voire 140 en Espagne ou en Grande-Bretagne.

Depuis 2002, le Gouvernement a favorisé les alternatives à l'incarcération et le suivi des détenus libérés. Plus de 19 000 mesures d'aménagement de peine ont été prononcées en 2005.

Par ailleurs, les garanties offertes aux détenus se sont améliorées par la mise en place de points d'accès au droit.

Des délégués du médiateur de la République sont présents dans dix établissements depuis 2005.

Par ailleurs, il y a désormais des aumôniers de toutes confessions dans les centres pénitentiaires.

Il faut enfin rappeler que, depuis 2002, près de 3 000 emplois de personnels de surveillance et de travailleurs sociaux ont été créés pour améliorer le fonctionnement des services pénitentiaires et, par conséquence directe, les conditions de détention.

D'une manière plus générale, si des problèmes matériels demeurent, l'effort budgétaire consenti par le Gouvernement pour le budget de la justice est sans précédent : le projet de budget pour 2006 de la justice progresse de 17, 2 % en autorisations de programme et de 4, 6 % en crédits de paiement, cela dans un contexte particulièrement contraint.

Certes, cela ne suffit pas encore et nous devons rester vigilants pour évaluer les besoins subsistants. Malgré tout, même en ayant conscience que, lorsqu'on engage un plan aussi important, il faut un peu de temps pour constater des résultats positifs, on peut estimer que ce qui était constatable en 2005 ne devrait plus l'être d'ici à quelques années.

Les efforts faits pour les populations carcérales ne sont, bien sûr, pas les seuls efforts faits pour améliorer en permanence l'approche des droits de l'homme dans notre pays.

Pour ce qui concerne l'immigration, le projet de loi à venir devrait permettre de mieux contrôler les flux pour que les immigrés qui arrivent en France puissent bénéficier de meilleures conditions pour s'intégrer.

Concernant la situation des gens du voyage, le Gouvernement a fortement incité les maires à mettre en application la loi relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, dite loi Besson, qui vise à améliorer les conditions de vie des gens du voyage.

Concernant le problème des violences domestiques, je rappelle que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a mis en oeuvre une politique pénale humanisée sur l'ensemble du territoire national.

Il mit ainsi en place en octobre 2003 un groupe de travail associant des magistrats, des policiers et gendarmes, ainsi que des représentants du secteur associatif. Le fruit de leur travail prit la forme d'un guide de l'action publiqueintitulé La lutte contre les violences au sein du couple.

La toute récente loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, qui résulte de deux propositions de loi d'origine sénatoriale de nos collègues de l'opposition, va permettre de défendre les droits des hommes et des femmes victimes de violences exercées par leur époux, pacsé ou concubin, actuel ou passé, le fait que ces violences soient commises au sein d'un couple devenant une circonstance aggravante de l'infraction.

Grâce à un amendement de notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam, l'âge nubile est porté de quinze à dix-huit ans pour les femmes et des mesures de lutte contre les mariages forcés, les mutilations sexuelles, le tourisme sexuel et la pédopornographie, qui constituent autant d'atteintes graves aux droits humains des femmes ou des enfants par exemple, ont été adoptées.

Ces réponses pénales s'articuleront avec les dispositions civiles votées dans la loi relative au divorce qui organisent l'éviction du conjoint violent du domicile conjugal.

Cette politique publique, qui repose sur une démarche partenariale, témoigne de la volonté déterminée du Gouvernement d'agir en faveur du droit des victimes de violences conjugales.

Concernant l'action des forces de l'ordre, je tiens à mentionner ici le comportement exemplaire de nos gendarmes et policiers qui, confrontés sur le terrain à des situations extrêmement violentes, ont su, tant pendant les émeutes urbaines dans les cités sensibles que lors des manifestations anti-CPE, faire preuve d'un sang-froid exemplaire ainsi que les instructions fermes et précises du ministre de l'intérieur prônant la retenue des forces de l'ordre.

Je salue également la détermination constante du ministre de l'intérieur à sanctionner tout comportement répréhensible des agents du maintien de l'ordre. Je constate avec satisfaction que, à plusieurs reprises ces dernières années, lorsque de tels comportements ont été avérés, ils ont été très sévèrement sanctionnés.

Je me félicite aussi de la mise en place par le comité interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, créé par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, d'un guide pratique en matière de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, qui a été diffusé aux policiers et aux gendarmes, ainsi que d'un fascicule à l'attention des victimes.

Concernant le racisme et l'antisémitisme, si beaucoup de nos compatriotes en sont encore aujourd'hui victimes, depuis 2002, notre action législative dans ce domaine a été des plus intenses. Ont ainsi été adoptées successivement la loi du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, la loi « Perben II » du 9 mars 2004 dont le chapitre IV concerne la lutte contre les discriminations et, enfin, la loi du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

À cet arsenal répressif, il convient d'ajouter les nouveaux moyens de lutte contre les discriminations qui viennent d'être confiés à cette Haute autorité par la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances. Les agents de la Haute autorité pourront désormais constater par procès-verbal des délits de discrimination et des transactions pourront être proposées aux auteurs de ces délits.

Ainsi, l'année 2005 a été marquée par une très forte diminution des violences et des menaces : moins 47 % pour les actes antisémites et moins 22 % pour les autres actes racistes et xénophobes. Néanmoins, quelques évènements marquants du début de l'année 2006 nous incitent à ne pas baisser la garde.

Enfin, si la loi punit sévèrement les injures racistes proférées au sein d'une enceinte sportive, l'on ne peut que souscrire à la décision des ministres de la justice et de la jeunesse et des sports, de rencontrer très prochainement les dirigeants des grands clubs de football et de la Fédération française de football afin de travailler à la mise en place de mesures de prévention pour lutter contre le racisme dans les stades.

Si la France ne peut se prévaloir avec arrogance d'une quelconque supériorité pour donner aux autres pays des leçons en matière de droits de l'homme, la situation à l'intérieur de nos frontières n'étant pas toujours parfaite, j'en conviens, et des améliorations demeurant possibles dans plusieurs domaines, elle dispose néanmoins d'ores et déjà d'un arsenal législatif important qui garantit à nos concitoyens un respect assez satisfaisant de leurs droits humains, comparativement aux autres pays.

L'action entreprise sous le quinquennat du Président Jacques Chirac, qui a décidé de faire du 10 mai la journée commémorative de l'abolition de l'esclavage en France, étant ainsi le premier chef d'État français à reconnaître notre passé esclavagiste, et l'action entreprise par ses différents gouvernements, prouvent que la défense de ces droits universels est un combat qui nous rassemble tous, au-delà de nos clivages partisans, autour de ce qui fonde l'essence républicaine de notre nation.

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