Intervention de André Vallet

Réunion du 11 mai 2006 à 10h00
Respect effectif des droits de l'homme en france — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de André ValletAndré Vallet :

Il met notamment l'accent sur d'importants dysfonctionnements et insuffisances de notre système policier, judiciaire ou carcéral. Il met également en relief le mauvais traitement réservé aux étrangers arrivant sur le territoire national ainsi que la persistance de nombreuses formes de discriminations raciales.

Pour remédier à cette situation, ce rapport formule plus de soixante-dix recommandations dans des domaines variés.

Ce faisant, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe n'a fait que constater une fois de plus ce que, hélas, un certain nombre de professionnels et d'acteurs de la société civile n'ont de cesse de dénoncer. C'est ainsi que les syndicats pénitentiaires ont déclaré ne « pas être surpris » par les conclusions de ce rapport qui est pourtant, à certains égards, accablant.

Le rapport Gil-Robles fait aussi écho au rapport parlementaire de nos collègues Hyest et Cabanel de 2000 portant sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires, lesquelles constituaient, selon eux, « une humiliation pour la République » !

Or, à la lumière des conclusions de ce rapport et du constat fait par le commissaire européen aux droits de l'homme, il semble, hélas, que les choses aient très peu évolué en la matière dans notre pays depuis six ans. Je pense même qu'elles se sont aggravées, ce qui est pour le moins alarmant.

Parallèlement, la délégation de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen, présidée par Jean-Marie Cavada, député de l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe, l'ADLE, a rejoint les observations faites par le commissaire aux droits de l'homme lors de sa visite de deux centres de rétention administrative en France il y a deux mois.

Les conclusions de M. Gil-Robles ne sont donc pas isolées. Dans ces conditions, tout porte à croire que l'effectivité du respect des droits de l'homme en France est plus que perfectible.

Or, à la suite de la publication du rapport Gil-Robles, vous avez, monsieur le garde des sceaux, violemment réagi, suscitant de ce fait une polémique. Si, selon vos propres termes, ce rapport contient des « éléments incontestables », relatifs, notamment, à « la modernisation et l'élargissement de notre parc pénitentiaire », vous en avez stigmatisé le caractère erroné ou obsolète sur de nombreux autres points d'importance.

Ce type de débat, qui est très utile et vivifiant pour notre démocratie, doit être prolongé, me semble-t-il.

Monsieur le garde des sceaux, il vous a donné l'occasion de communiquer sur les principaux axes de votre politique de réforme du fonctionnement de la justice et de l'administration pénitentiaire. Vous avez annoncé, parmi les mesures les plus notables, le lancement d'un plan de sûreté des juridictions, la création de 850 postes de greffiers ou encore la refonte partielle de la carte judiciaire.

En matière pénitentiaire, le Gouvernement s'est engagé à tout faire pour améliorer rapidement les conditions de vie des détenus, en luttant contre l'encombrement et la vétusté des prisons grâce à la construction de nouveaux établissements.

Monsieur le garde des sceaux, où en êtes-vous dans la mise en oeuvre de ces mesures ?

De manière plus fondamentale, nous pouvons nous interroger sur la cohérence de la politique judiciaire et pénitentiaire.

Les mesures que je viens d'évoquer, pour fondamentales et urgentes qu'elles puissent sembler à court terme, ne paraissent toutefois pas suffisantes. Elles ne signalent pas la mise en place d'une politique judiciaire et pénitentiaire globale.

Comme certains orateurs l'ont déjà souligné, la prison n'est pas un but en soi. Elle doit garantir que les condamnés, une fois leur peine purgée, pourront se réinsérer dans la société et ne récidiveront pas.

Le Gouvernement met-il l'accent sur la réinsertion ? Quelques mesures, telle la création d'unités expérimentales de visite familiale et de postes de travailleurs sociaux chargés d'accompagner les détenus, semblent l'attester. Toutefois, elles ne paraissent pas suffisantes.

L'amélioration des conditions de vie en prison va de pair avec le maintien de liens sociaux avec le monde extérieur, eux-mêmes garants du succès de la réinsertion des détenus.

Par ailleurs, le rapport Gil-Robles met l'accent sur les nombreuses entorses faites aux droits de l'homme, dont la plupart ne résultent pas des insuffisances de notre législation - nous ne pouvons tout demander à la loi ! - mais de sa mauvaise application.

C'est le cas en matière de « bavures policières », de racisme, d'antisémitisme, de xénophobie et de discriminations ou de conditions de vie des gens du voyage. Par définition, toutes ces questions ne nécessitent pas une réforme du droit, mais une prise de conscience collective et une volonté politique d'améliorer la situation. Or le Gouvernement ne s'est pas exprimé sur ces thèmes.

Monsieur le garde des sceaux, ces problèmes sortent sans doute de votre domaine de compétence, mais quelles leçons entendez-vous tirer du rapport de M. Gil-Robles pour tenter de les résoudre ?

Notre pays est le berceau et la patrie des droits de l'homme, mais notre histoire n'est pas une garantie. Au contraire, elle ne nous confère que des devoirs ! La France se doit d'être irréprochable en la matière.

La protection des droits et de la dignité de la personne humaine est un combat de chaque jour. C'est pourquoi je remercie notre collègue Jacques Pelletier d'avoir fait inscrire cette question à l'ordre du jour du Sénat. J'espère que ce débat se poursuivra, car la protection des droits de l'homme passe aussi par l'information de la représentation nationale.

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