Intervention de Pascal Clément

Réunion du 11 mai 2006 à 10h00
Respect effectif des droits de l'homme en france — Discussion d'une question orale avec débat

Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice :

Ensemble, il nous faut poursuivre notre travail : l'amélioration de la situation prendra encore de nombreuses années, et Dieu sait que nous n'aurons pas fini à la fin de la législature ! J'appelle d'ailleurs de mes voeux une deuxième loi d'orientation et de programmation pour la justice. Je ne sais pas à qui ces voeux s'adressent : n'étant pas prophète, je ne connais pas la majorité de demain ! Cela étant, il est indispensable de continuer notre effort, non seulement en direction de l'administration pénitentiaire, mais aussi vers l'ensemble du ministère de la justice, qui est en train, depuis quatre ans, de retrouver un budget digne du grand service public qu'il gère. Partant de très loin, nous nous situons encore très au-dessous de ce qui est nécessaire.

J'en viens maintenant aux questions qui m'ont été posées. J'aborderai d'abord ma politique pénitentiaire, qui repose sur deux principes simples.

D'abord, il est inutile, et même stérile, d'opposer les deux missions qui incombent aux personnels pénitentiaires, à savoir la sécurité et la réinsertion. Ces deux objectifs sont, en réalité, intimement liés : la sécurité de la société est assurée lorsque la réinsertion d'un condamné est réussie et que disparaît la récidive.

Inversement, je n'envisage pas de véritable politique d'accompagnement des détenus, de développement des activités culturelles, sportives, de travail et d'enseignement au sein d'un établissement si la sécurité des personnes en détention n'est pas assurée.

Je veux le rappeler avec fermeté : la prison est le miroir de notre société, avec ses déconvenues, ses difficultés et, évidemment, ses échecs. Les personnels pénitentiaires exercent un métier d'une extraordinaire difficulté et ils ont droit à un hommage appuyé de la nation et de ses représentants. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne doute pas que votre assemblée partage cette convictionJe vous remercie, messieurs les sénateurs, d'appuyer mes propos !

Telles sont les raisons pour lesquelles je n'ai jamais cru à un quelconque « grand soir pénitentiaire ». Les pétitions de principe s'appuient souvent sur des réponses simplistes et, me semble-t-il, inefficaces.

Ainsi en est-il du projet de numerus clausus, si vague, mais si souvent avancé. Comme certains de ses promoteurs me l'ont expliqué, il ne faut pas tenir compte de l'étymologie ni de la signification première de cette expression. Lorsque je leur ai fait remarquer que le recours au numerus clausus serait en l'occurrence inconstitutionnel, ils m'ont répondu qu'il ne fallait pas l'entendre au sens habituel. Dans ce cas, qu'ils précisent clairement de quoi il retourne !

S'il s'agit de chercher des solutions de remplacement à l'incarcération, je suis au rendez-vous. Mais s'il s'agit de fixer un nombre maximum de détenus par prison, cela pose un problème. Imaginez, en effet, deux personnes condamnées pour des faits identiques : l'une, plus chanceuse, ne serait pas incarcérée au motif que la prison qui devait l'accueillir serait pleine, tandis que l'autre devrait normalement purger sa peine dans une prison voisine ! Je ne peux que m'élever contre une telle rupture d'égalité entre les citoyens, qui est évidemment inconstitutionnelle. Par conséquent, si ceux qui ont lancé cette thématique ont autre chose en tête, qu'ils veuillent bien m'en faire part !

D'une manière générale, la décision de libérer un délinquant est une solution envisageable uniquement dans les cas où cela correspond vraiment à une volonté politique, à l'image de la libération conditionnelle. Mais, en aucun cas, une telle décision ne doit être prise parce qu'un chiffre symbolique serait atteint.

Je souhaite humaniser davantage nos prisons. C'est pourquoi j'appuie et j'accompagne le programme de constructions d'établissements pénitentiaires dont j'ai parlé tout à l'heure.

Certains d'entre vous m'ont interrogé sur le devenir de la charte. Mesdames, messieurs les sénateurs, s'il ne s'agit simplement que de coucher quelques promesses sur le papier, rédigeons-la tout de suite ! Mais cela suffira-t-il à retrouver dans nos prisons le minimum d'humanisme que nous exigeons ? Bien sûr que non !

Ceux qui me réclament cette charte sont ceux qui n'ont pas mis un sou dans les prisons ! Je vous le promets, cette charte verra le jour. Mais, par décence, attachons-nous d'abord à humaniser les prisons ; nous pourrons ensuite réfléchir sur leur finalité. Si nous n'agissons pas dans cet ordre, cette charte n'est qu'une immense hypocrisie !

Puisque M. Badré a évoqué Paul VI et son encyclique Populorum progressio, je citerai saint Thomas d'Aquin

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