Intervention de Michel Billout

Réunion du 11 mai 2006 à 10h00
Autopartage — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission.

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord vous faire part de ma satisfaction de débattre aujourd'hui d'une proposition de loi.

Il faut en effet bien avouer que l'ordre du jour du Sénat ne laisse que peu de place à l'initiative parlementaire, en particulier lorsqu'il s'agit de propositions émanant de l'opposition.

Je profite donc de cette occasion pour exprimer, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, le souhait de voir inscrire plus régulièrement à l'ordre du jour du Sénat des propositions de loi émanant des groupes de l'opposition afin de respecter le pluralisme démocratique, et ce d'autant que - nous avons souvent l'occasion de le constater - la majorité n'a pas le monopole des bonnes idées.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd'hui tend à promouvoir l'autopartage.

Le groupe communiste républicain et citoyen ne peut qu'être en accord avec une telle proposition dont l'objectif est de répondre à un double impératif : limiter les dépenses énergétiques afin de réduire l'émission de gaz à effet de serre et permettre une meilleure mobilité en milieu urbain.

En effet, ce dispositif favorise à la fois la réduction du nombre de voitures en circulation et l'optimisation de leur utilisation. Il complète très utilement les initiatives de covoiturage et les diverses formes de transport collectif.

Il appelle également la promotion d'une nouvelle conception de l'usage de la voiture, celle-ci étant perçue non plus uniquement comme un bien individuel exclusif, mais aussi comme un service répondant à un besoin ponctuel.

En outre, cette forme de transport est particulièrement économique pour l'usager et permet à un plus grand nombre de personnes d'avoir accès à l'usage d'une voiture.

Ces avantages significatifs expliquent que ce dispositif soit très répandu dans certains pays européens. On compte en effet 200 000 utilisateurs. Ce n'est pas encore le cas en France, ce qui justifie le recours à une loi pour favoriser son développement.

Je me réjouis que cette proposition de loi ait fait l'unanimité lors du débat en commission des affaires économiques. J'espère qu'il en sera ainsi dans notre hémicycle.

Cependant, dans l'exposé des motifs, il est fait clairement référence au respect du protocole de Kyoto. Si nul ne peut contester qu'une telle loi y contribuerait à sa dimension, il convient de rappeler que le respect du protocole de Kyoto exige surtout la mise en oeuvre d'une politique énergétique ambitieuse, à la fois économe en ressources fossiles et capable d'anticiper le passage à une société post pétrolière. Et, sur ce point, nos avis divergent davantage.

Rappelons d'abord que nos sociétés restent extrêmement dépendantes de l'énergie pétrolière. N'oublions pas non plus que la demande énergétique explose sur le plan mondial. Il nous faut pourtant, dans ce cadre, garantir le droit d'accès de tous à l'énergie.

Dès lors, contribuer à la préservation des ressources fossiles, comme nous y invite cette proposition de loi, devient évidemment indispensable. Cependant, cette seule mesure ne saurait suffire pour répondre à tous les aspects de la crise énergétique.

La mise en concurrence des entreprises du secteur énergétique, l'abandon de la maîtrise publique et la diminution ininterrompue de l'effort de recherche sont les causes profondes de la crise énergétique.

Les exemples dont nous disposons dans le secteur pétrolier devraient en ce sens nous inciter à la prudence. La gestion de ce secteur a été laissée aux seules mains du marché. Nous en constatons aujourd'hui le résultat particulièrement préoccupant.

L'effort de recherche de ces entreprises est quasi nul et la production se fait à flux tendus, ce qui ne garantit pas de sécurité d'approvisionnement.

En outre, ce système a démontré l'incapacité du marché à anticiper l'épuisement des ressources, donc à mettre en place une gestion économe de celles-ci.

Et nous ne pouvons que constater une hausse généralisée des tarifs des produits pétroliers, hausse essentiellement liée à la spéculation.

N'oublions pas non plus, puisqu'il s'agit de la justification même de cette proposition de loi, l'absence complète de prise en compte des impératifs liés à la protection de l'environnement, notamment à l'émission de gaz à effet de serre.

Dans le modèle libéral, la politique industrielle des entreprises se réduit principalement à deux notions : rentabilité et compétitivité. La prise en compte des impératifs environnementaux est donc, dans ce cadre, particulièrement difficile.

Pourtant, les institutions européennes et le gouvernement français continuent d'organiser la libéralisation du secteur énergétique.

Lors du dernier Conseil européen de Bruxelles, les 23 et 24 mars, les chefs d'État et de gouvernement ont confirmé leur volonté de parachever l'ouverture du marché de l'énergie pour tous les consommateurs avant le second semestre de 2007.

Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen proposent, quant à eux, la création d'un grand service de l'énergie au niveau européen, fondé sur la mutualisation et la coopération de services publics nationaux, seuls capables de réaliser les investissements nécessaires pour répondre aux besoins énergétiques à venir, dans le respect de l'intérêt général et du protocole de Kyoto.

La maîtrise publique de l'énergie est un élément clé du développement durable.

De même, pour atteindre les objectifs fixés par ce protocole, soit une réduction des émissions de gaz à effet de serre d'au moins 5 % sur la période de 2008 à 2012 par rapport au niveau de 1990, nous ne pouvons nous passer d'une politique ambitieuse pour améliorer l'efficacité énergétique des transports.

Or, selon la mission interministérielle de l'effet de serre, les transports sont les premiers émetteurs de gaz incriminés.

Dans ce sens, la promotion de l'autopartage correspond à une piste de réflexion intéressante afin de réconcilier développement économique et social, protection de l'environnement et conservation des ressources naturelles.

Et parce que le transport routier est le principal responsable de l'émission des gaz à effet de serre, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen estiment qu'il est tout aussi urgent de donner une priorité réelle au ferroutage, au transport maritime et aux transports collectifs.

Mais nous ne pouvons que constater une nouvelle fois l'absence d'engagement des pouvoirs publics aux niveaux européen et français afin de réduire l'avantage concurrentiel du transport de marchandises par la route par rapport au fret ferroviaire.

La politique actuelle des transports est une politique de réduction de l'outil de production qui n'est pas considéré comme rentable et, par voie de conséquence, elle interdit tout développement du fret ferroviaire ou du transport combiné.

Cette logique de réduction des coûts et de rentabilité économique est d'ailleurs particulièrement bien illustrée par le plan fret qui tend à la contraction du réseau.

Ainsi, dans le budget de 2006, les subventions accordées au transport ferroviaire sont en nette diminution. La route reste alors le mode de transport de marchandises dominant - 79 % hors transit - avec des externalités négatives considérables, puisqu'elle coûte chaque année en Europe 650 milliards d'euros, et bénéficiant d'exonérations toujours plus importantes.

Parallèlement, la part du rail dans le transport de marchandises en France ne cesse de décroître. Elle est passée de 26 % en 1984 à 12 % en 2004. Les derniers chiffres que nous possédons sont encore plus inquiétants.

Il s'agit donc d'un autre levier d'action essentiel pour respecter le protocole de Kyoto !

Enfin, si la promotion de l'autopartage correspond à une amélioration de l'offre de transport, cette mesure doit s'accompagner de mesures fortes pour le développement des transports collectifs publics.

Il faut encourager les complémentarités entre les offres de transport et non pas accroître la concurrence, comme le prévoit le nouveau règlement sur les transports urbains ou le troisième paquet ferroviaire.

Nous voterons donc sans réserve cette proposition de loi, même si nous avons conscience que cette mesure n'est qu'un élément de réponse face à l'ensemble des enjeux énergétiques et de développement des transports. Relever ces enjeux nécessiterait un engagement majoritaire de notre assemblée pour mettre un point d'arrêt au processus de libéralisation de ces secteurs, ainsi que la mise en oeuvre des investissements nécessaires au rééquilibrage entre la route et le rail et à la promotion d'une véritable offre de transports publics.

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