Intervention de Roger Madec

Réunion du 11 mai 2006 à 15h00
Autopartage — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission.

Photo de Roger MadecRoger Madec :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen de la proposition de loi tendant à promouvoir l'autopartage est une innovation, et ce à double titre. Il l'est sur le fond, bien sûr, puisque ce texte constitue le premier encadrement législatif de ce mode de déplacement, et sur la forme également - il faut le souligner -, dans la mesure où la conférence des présidents a décidé d'inscrire à l'ordre du jour des travaux de notre assemblée une proposition de loi émanant d'un groupe de l'opposition. J'espère que cette initiative, que je salue, sera renouvelée.

Par ailleurs, je remercie le rapporteur, Roland Ries, qui est aussi le premier signataire de cette proposition de loi, d'avoir su présenter un texte recueillant un large soutien sur un sujet aussi important.

L'autopartage apporte en effet un nouveau type de réponse à un défi majeur, celui des déplacements au XXIe siècle. La question des transports est au coeur de toutes les problématiques d'aujourd'hui et de demain, qu'elles soient sociales, environnementales ou économiques.

Permettez-moi, dans un premier temps, de rappeler tout l'enjeu social du transport. Une voiture coûte cher, surtout lorsqu'on habite une grande ville et que l'on n'a pas souvent l'occasion de l'utiliser. L'achat, l'entretien, l'assurance, le stationnement payant, le passage au contrôle technique, voire, éventuellement, les contraventions pour certains représentent des sommes importantes, pour un usage souvent très limité du véhicule. L'autopartage, en revanche, permet d'avoir accès, pour un faible coût, à un véhicule en bon état.

Il faut le rappeler, en France, selon le CERTU, le Centre d'études sur les réseaux de transport et l'urbanisme, une voiture n'est utilisée que pendant 8 % de son temps de vie. Dans les grandes agglomérations, où les gens bénéficient d'une offre de transports en commun importante, la voiture n'est utilisée que de manière très occasionnelle, quelques heures par semaine, par exemple pour effectuer des achats exceptionnels ou pour se rendre une demi-journée à l'extérieur de l'agglomération. On sait ainsi que 60 % des Parisiens qui ont une voiture ne l'utilisent pas en semaine.

Dans ce contexte, l'autopartage vise à encourager les ménages à utiliser une voiture ponctuellement, en fonction de leurs besoins, plutôt que d'être propriétaires d'un véhicule plus souvent au garage que sur la route. Une telle option est indéniablement moins onéreuse et, donc, socialement plus avantageuse. Elle offre la possibilité de réaliser des économies importantes pour tous ceux qui ne sont pas automobilistes au quotidien mais qui veulent conserver la possibilité de recourir occasionnellement à la voiture.

Le deuxième intérêt de ce mode de transport est bien évidemment environnemental. Lorsque l'on est propriétaire de son automobile, on a naturellement tendance à l'utiliser au maximum, que ce soit pour amortir son coût ou pour toute autre raison. En revanche, les abonnés d'un organisme d'autopartage font un usage plus rationnel de la voiture. Si en effet le coût de cette formule est plus faible, il dépend aussi de chaque déplacement effectué. Avec ce mode de transport, l'usager n'utilise une voiture que quand il en a vraiment besoin. Au total, il y a moins de véhicules sur les routes et la quantité d'émissions de gaz polluants et de gaz à effet de serre est réduite.

De plus, cette tendance à l'optimisation de l'utilisation de l'automobile est en parfaite cohérence avec l'évolution du prix du pétrole et la nécessité de réduire notre consommation d'énergie.

Enfin, la flotte automobile utilisée par ce mode de transport est souvent plus récente et plus propre que celle des véhicules individuels.

Le troisième avantage de l'autopartage est économique, au sens large, et plus particulièrement urbanistique. En effet, les villes ne sont pas extensibles et les capacités de stationnement sont limitées ; c'est vrai dans toutes les grandes agglomérations. À Paris, le parc automobile compte 600 000 à 700 000 voitures. Or l'expérience menée dans la capitale montre que chaque véhicule en autopartage permettrait de remplacer dix-sept véhicules ! Le gain est donc considérable en termes de stationnement. Ainsi, les automobilistes qui n'ont pas d'autre choix que de garer leur voiture pourraient bénéficier d'un plus grand nombre de places, lesquelles pourraient aussi servir pour d'autres activités citadines.

L'autopartage offre donc de nouvelles marges de manoeuvre concernant la question cruciale des parcs de stationnement et diminue les coûts que représente, pour la société, la construction de parkings.

Pour autant, certains se demanderont si ce mode de déplacement doit faire l'objet d'une proposition de loi. Il suffit, pour les convaincre, de prendre l'exemple des expériences européennes ou nord-américaines et de comparer les situations. Plusieurs pays, dont la Suisse, le Canada et les États-Unis, ont en effet mis au point avec succès de tels systèmes de transport. En France, Paris et Strasbourg ont avancé dans cette voie, mais celle-ci demeure encore largement inexplorée et mal connue, en raison d'un cadre juridique qui n'est pas suffisamment favorable au développement de l'autopartage.

Je m'arrêterai quelques instants sur l'exemple de Paris. Une association nommée Caisse-Commune a été créée en 1998, pour mettre en oeuvre le principe de l'autopartage. Aujourd'hui, l'association est devenue une société anonyme qui a atteint l'équilibre financier. Elle ne compte, hélas, que 1 500 adhérents, possède 50 véhicules et 8 stations dans Paris. Caisse-Commune a notamment reçu en 2003 le prix de l'environnement à l'occasion de la remise des World Technology Awards, en association avec le Nasdaq, Microsoft et Time. L'année 2006 devrait voir l'ouverture de plusieurs autres stations dans le nord et le sud de la ville.

Cette expérience nous apprend deux choses.

Premièrement, l'autopartage répond à une demande sociale qui s'est exprimée en quelques années à peine. Cette activité, qui est de surcroît viable, possède un potentiel de développement important, que ce soit en termes économiques ou technologiques. En outre, elle est complémentaire et non pas concurrente des agences de location classiques.

Deuxièmement, il s'agit d'une expérience encore limitée et bridée par son contexte. Pour passer à la vitesse supérieure, si je puis m'exprimer ainsi, donc pour augmenter le nombre des adhérents à cette formule, pour que de nouveaux organismes voient le jour, l'autopartage a besoin d'une meilleure implantation géographique et d'un cadre juridique bien défini et plus favorable.

C'est tout le sens de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. La question du développement de ce mode de transport est, à certains égards, similaire à celle du vélo à Lyon. L'expérience Vélo'v a pris son essor grâce à un très bon maillage des stations de location de bicyclettes. Les usagers doivent pouvoir disposer, à tout moment, d'un véhicule qui se trouve à proximité ; à défaut, il ne peut y avoir de confiance dans le système.

Pour l'autopartage, la problématique est semblable. Il faut des stations de location proches du domicile et des voitures disponibles vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Par conséquent, il est indispensable de faciliter le stationnement des véhicules en autopartage, d'où la nécessité, pour la collectivité publique, d'identifier ces automobiles grâce à un label. Il est également important de permettre aux maires de réserver des emplacements de stationnement pour ces véhicules labellisés.

La proposition de loi permettra ainsi à toutes les villes de créer un maillage de stations d'autopartage sur l'ensemble de leur territoire.

Enfin, je souhaite rappeler que l'autopartage doit être considéré comme une réponse parmi d'autres à la demande de transports. Les habitants des grandes villes utiliseront moins leur voiture individuelle si l'offre de transports répond à tous leurs besoins de déplacement. Le bouquet de services offerts doit donc permettre de remplacer l'automobile individuelle. C'est pourquoi un amendement du groupe socialiste prévoit de permettre à l'autorité organisatrice des transports d'intégrer l'autopartage et le covoiturage dans son offre.

Le service public de la mobilité pourrait ainsi prévoir, dans l'avenir, une intégration complète des modes de déplacements, qu'il s'agisse du métro, du bus, du tramway, de l'autopartage et du covoiturage et, pourquoi pas, de la location de vélos ou d'autres modes de transport dits soft.

Cette proposition de loi est donc utile à bien des égards. Elle ouvre de nouvelles perspectives, dont chacun peut apprécier l'importance.

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