Intervention de Thierry Repentin

Réunion du 11 mai 2006 à 15h00
Autopartage — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission.

Photo de Thierry RepentinThierry Repentin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, apparu « artisanalement » en Suisse en 1948, ce qui allait devenir l'autopartage a été conceptualisé en 1951 par un Français, l'ingénieur Jacques D'Welles, qui soulignait alors l'intérêt d'instaurer une forme de partage des véhicules pour en diminuer le nombre... et réduire les effets négatifs sur l'environnement.

Malgré cette paternité précoce, il faudra attendre près d'un demi-siècle pour que l'on reparle de l'autopartage en France et que le législateur se préoccupe de lui donner un cadre juridique spécifique, sur l'heureuse initiative de notre collègue strasbourgeois Roland Ries.

Ainsi, l'autopartage permet d'utiliser une voiture sans posséder de voiture. Très répandu dans certains pays d'Europe, tels que la Suisse - qui représente à elle seule près d'un tiers des autopartageurs européens avec 70 000 adhérents - ce service se développe depuis quelques années en France dans une grosse dizaine d'agglomérations : Grenoble et Lyon dans la région dont je suis issu, ou encore Clermont-Ferrand, ville chère au coeur de Mme la présidente ! Caisse-Commune à Paris et Auto'trement à Strasbourg sont devenus les principaux opérateurs de l'autopartage et rassemblent 85 % des utilisateurs hexagonaux.

Même si, au total, cette pratique nouvelle ne représente que 5 % des conducteurs, elle confirme la mutation profonde qui s'opère actuellement dans notre façon de vivre la ville et annonce, osons-le dire, un changement d'époque en matière de déplacements urbains.

En effet, si l'automobile fut, hier, un facteur de progrès, de mobilité, d'indépendance individuelle et de promotion sociale, elle est aujourd'hui devenue, par son omniprésence, un réel souci pour notre environnement urbain, une charge pour le budget des ménages et une menace pour les équilibres écologiques et climatiques de la planète.

Ainsi, alors qu'une voiture particulière ne roule en moyenne qu'une heure par jour, elle entraîne de nombreux coûts individuels et collectifs en termes de pollution, de santé publique, d'économie et de consommation d'espace.

Face aux limites du « tout-voiture », l'autopartage s'inscrit dans un ensemble d'innovations sociales qui visent à faire évoluer les comportements vers un développement durable des villes. Il contribue en effet à enclencher un cercle vertueux de déplacements responsables et efficaces. Il s'appuie sur deux réalités : d'une part, un véhicule partagé remplace entre cinq et dix voitures particulières ; d'autre part, le citoyen est désormais demandeur d'un meilleur respect du cadre de vie urbain.

L'autopartage répond à cette nouvelle attente sociale : il tend à réduire la pollution automobile, à améliorer la fluidité des circulations sur la voirie, à réduire l'espace urbain consacré au stationnement et donc à reconquérir une qualité urbaine fortement amoindrie par les années d'urbanisme « provoiture » ou « autodépendant ».

Mais, au-delà, l'autopartage encourage et complète également la chaîne des modes de transport alternatifs à la voiture particulière - transports publics, vélo, marche... -, tant et si bien que, loin de réduire la mobilité de ses adeptes, il la développe et la diversifie.

Alors que les propriétaires d'un véhicule particulier l'utilisent souvent par réflexe, quelle que soit la nature de leurs déplacements, les autopartageurs connaissent avec précision le coût du service qu'ils consomment. En conséquence, ils ont tôt fait d'évaluer la rentabilité de chaque mode de transport à leur disposition. En milieu urbain, les transports collectifs sortent inévitablement gagnants d'une telle comparaison ; ils sont alors davantage utilisés, la demande augmente, leur développement est encouragé, accroissant encore leur avantage compétitif sur la voiture.

Un cercle vertueux se met en place, qui contribue à atteindre l'objectif final de l'autopartage : limiter l'usage de l'automobile particulière aux seuls trajets pour lesquels elle constitue le mode de transport le plus adéquat et accroître parallèlement le recours aux autres modes de transport.

On le voit, le développement spontané de l'autopartage montre que le cadre institutionnel - par exemple, la Journée sans ma voiture, les plans de déplacements urbains, ou PDU, les plans de déplacements entreprise, ou PDE -, le cadre politique - engagements de la France dans le protocole de Kyoto, développement des politiques en faveur des deux-roues... - et le cadre comportemental - gestes « écocitoyens », diffusion des problématiques de la qualité de vie en ville... - sont aujourd'hui prêts pour que soit accentué le volontarisme des politiques publiques de déplacements urbains.

Des outils existent déjà, qui sont à la disposition des autorités organisatrices et régulatrices des déplacements, outils qu'elles les utilisent ou non : PDE, Pédibus, transports à la demande, parcs relais... Ils seront, j'en suis sûr, complétés par l'autopartage, qui s'inscrit comme une option supplémentaire dans le panel des solutions alternatives à la voiture particulière.

Ainsi, l'autopartage est une réelle occasion pour nos villes de promouvoir une autre façon de se déplacer, mais aussi de retrouver la maîtrise d'une partie de leur territoire.

En ce sens, nous devons rechercher une plus grande normativité des documents d'orientation, de planification et d'urbanisme que sont les schémas de cohérence territoriale, les programmes locaux de l'habitat, les plans de déplacements urbains et les PLU, plans locaux d'urbanisme. Il est souhaitable que leur élaboration, leur révision et leur évaluation prennent désormais en compte l'option autopartage au même titre que toutes les autres solutions de remplacement de la voiture individuelle.

Par exemple, si cette option est affichée comme un axe prioritaire du PDU, le PLU doit en tirer les conséquences normatives, notamment en termes de places de stationnement disponibles : réduites pour les véhicules particuliers, mais plus nombreuses, réservées et attractives pour les véhicules partagés. Il serait en effet totalement contre-productif de vouloir développer l'autopartage sans changer la politique de stationnement ou en laissant les places dédiées accaparées par des loueurs labellisant une partie de leurs parcs de véhicules dans ce seul but.

Enfin, l'autopartage permet de redonner du pouvoir d'achat aux ménages et de proposer un service particulièrement utile aux plus modestes, qui ne peuvent pas toujours assumer le coût d'un véhicule particulier, estimé à 5 800 euros par an en moyenne. Je pense, par exemple, aux habitants des quartiers et communes périphériques de nos agglomérations. En soirée, mais aussi quelquefois le week-end, et tout particulièrement le dimanche, ils se retrouvent en quelque sorte assignés à résidence en raison de la restriction, voire de l'arrêt, du service de transports collectifs.

La situation est plus critique encore pour les personnes éloignées de l'emploi ou les jeunes adultes en début de vie professionnelle. Pour eux, des horaires décalés incompatibles avec les transports en commun peuvent représenter un obstacle rédhibitoire dans l'accès à certaines propositions d'emploi. L'autopartage peut alors leur apporter une réelle solution et une sensible amélioration de leur quotidien.

D'un coût modéré, d'une disponibilité immédiate, l'autopartage est tout à la fois une réponse économique aux besoins des ménages, une occasion de reconquête et de réappropriation collective de l'espace urbain, un facteur de réduction des risques pour l'environnement, une nouvelle offre pour favoriser l'intermodalité, au même titre que l'expérience réussie des vélostations, grâce auxquelles, pour une adhésion mensuelle, on dispose de vélos partagés, entretenus et attractifs.

Le gouvernement néerlandais compte d'ailleurs sur le développement de l'autopartage pour réduire de 12 % ses émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports d'ici à 2010. C'est un exemple que la France serait bien inspirée de prendre en considération pour respecter ses propres engagements dans le cadre du protocole de Kyoto ! Cette proposition de loi socialiste y contribue.

Il nous reste à en faire une loi qui, en huit articles, proposera aux intercommunalités et aux autorités organisatrices de transport un nouvel outil régulant l'évolution du parc de véhicules particuliers en France.

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