Intervention de Nora Berra

Réunion du 8 juin 2011 à 21h30
Bioéthique — Article 12 ter, amendement 41

Nora Berra, secrétaire d'État :

Je suis tout à fait favorable à la demande de suppression de cet article, sur laquelle Mme Hermange vient d’argumenter.

Nous avons eu, il est vrai, l’occasion de débattre longuement sur l’opportunité d’énoncer directement des critères de viabilité dans le code civil. Le fait de les inscrire aujourd'hui dans un décret ne modifie en rien les inconvénients majeurs qui ont déjà été signalés. Cela vaut d’autant plus que le contenu du décret est énoncé dans la loi.

Dans un cas comme dans l’autre, on fait dépendre la viabilité de seuils dont je voudrais essayer de vous montrer qu’ils sont arbitraires et générateurs de difficultés.

Sur un plan purement médical, cette disposition ne m’apparaît pas pertinente du fait de son effet automatique. En effet, la viabilité, c’est la capacité effective du nouveau-né de s’adapter à son environnement extra-utérin. Chacun comprend qu’on ne peut pas caractériser la viabilité par l’application de critères de poids ou de durée de gestation déconnectés de toute appréciation médicale.

Ainsi, quelle que soit la gravité de la pathologie affectant le fœtus, celui-ci devrait être considéré comme viable dès lors que la durée de gestation de vingt-deux semaines, par exemple, serait atteinte. Une telle rigidité dans un domaine aussi sensible ne m’apparaît pas souhaitable.

Ensuite, les progrès médicaux font reculer les limites de viabilité. Dès lors, pourquoi figer une définition dans une règle de droit ? On a pu très récemment observer en Allemagne qu’un enfant né à vingt et une semaines et qui pesait moins de 500 grammes pouvait être viable. Pour être exceptionnelle, cette situation n’en prouve pas moins que seul le médecin peut apprécier la viabilité d’un nouveau-né ! Ce n’est pas l’affaire d’un texte, quelle que soit sa nature, réglementaire ou législative. On voit bien, dans la réalité des faits, que ce n’est pas aussi facile ou aussi binaire ! J’en suis, pour ma part convaincue, seul le médecin peut, au cas par cas, déterminer si un enfant est viable.

Je voudrais attirer votre attention sur un autre point. Je redoute, en effet, les incidences dans la prise en charge des prématurés et des difficultés d’ordre éthique.

À cet égard, les personnels de santé n’hésiteront-ils pas à intervenir en cas de grande prématurité en deçà du seuil de viabilité là où, aujourd'hui, ils estiment parfois pouvoir prendre le risque de la réanimation ? À l’inverse, au-delà du seuil de viabilité, ils pourraient être enclins à des conduites d’acharnement thérapeutique quand bien même l’enfant ne possèderait pas les capacités anatomiques et physiologiques pour survivre.

Enfin, comment articuler ces seuils de viabilité avec les situations dramatiques d’interruption médicale de grossesse qui peuvent intervenir jusqu’à un stade très avancé de celle-ci ? Certes, les interruptions médicales de grossesse ne seront pas remises en cause sur le plan du droit, mais n’y aura-t-il pas pour autant tendance à les anticiper afin de ne pas franchir le seuil qui aura été instauré ? N’y aurait-il pas un effet culpabilisant pour les parents devant y recourir ?

Vous le voyez, nous devons maintenir le texte en vigueur, lequel prévoit l’appréciation de la viabilité par le médecin. Il appartient bien à celui-ci de déterminer, dans chaque situation, en fonction d’éléments cliniques et physiologiques, la capacité pour un nouveau-né de s’adapter à l’environnement extra-utérin afin de pouvoir y vivre.

J’émets, au nom du Gouvernement, un avis tout à fait favorable sur l’amendement n° 41 rectifié quater.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion