En novembre dernier, j'avais également émis des doutes s'agissant du coût de fonctionnement de ce dossier en régime de croisière : en effet, il serait compris entre 10 et 20 euros par dossier actif et par an, soit entre 600 millions d'euros et 1, 2 milliard d'euros au total. On nous dit depuis quelques jours que l'on peut faire ce même DMP pour un euro, presque le prix d'un préservatif. Encore faut-il savoir ce qu'il y a dans le dossier. Les dépenses induites pour les hôpitaux sont évaluées à 100 millions d'euros en investissements et 300 millions d'euros en exploitation, même si ce coût variera en fonction des établissements. Le coût pour la médecine de ville restait, pour moi, difficile à évaluer, mais j'ai estimé, en novembre dernier, qu'il serait nécessaire de prévoir une aide en direction des médecins pour assurer le développement de ce projet. Je n'ai pas le sentiment que vous suiviez cette proposition.
J'ai pu observer, dans la littérature spécialisée, une absence de consensus sur le coût de gestion du DMP, il est vrai difficile à déterminer en l'absence de cahier des charges définitif : que pouvez-vous nous dire aujourd'hui sur ce point, monsieur le ministre ?
Enfin, j'avais pu constater que les économies potentielles liées à la mise en oeuvre de ce projet demeuraient floues et il ne m'avait pas été possible d'effectuer un bilan coûts-économies : avez-vous pu chiffrer plus précisément, par rapport à ce que votre prédécesseur avait été dit en 2004 lors de la discussion du projet de loi relatif à l'assurance maladie, les économies qui pourraient être faites à partir de juillet 2007 ?
Six mois après la publication de mon rapport, beaucoup de questions restent donc sans réponse.
Si je voulais faire de l'esprit - mais c'est sans doute un peu risqué en cette fin d'après-midi -, je pourrais proposer de rebaptiser le DMP : on pourrait parler de « dossier mal préparé », de « dossier mal piloté », bref, de « dossier mal parti », pour ne pas dire « dossier mort prématurément », ce que je ne souhaite en aucune façon, contrairement à ce vous pourriez imaginer.
Cela serait d'autant plus dommage, en effet, que ce projet est bon et devrait contribuer, il faut le rappeler, à améliorer la qualité des soins et la santé des patients. Telle est, au demeurant, la première raison invoquée par nos amis Britanniques pour mettre en place ce type de dossier.
Pour atteindre cet objectif, ils ont fondé leur projet d'informatisation sur un triptyque essentiel : une volonté politique forte et la définition d'un cadrage temporel à moyen et long terme - plus de dix ans, de 1998 à 2008 - ; une task force administrative reposant sur une équipe structurée, complète et motivée ; enfin, des moyens budgétaires suffisants dans la durée. Selon moi, dans le projet français, ces trois éléments font défaut.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je réitère mes conclusions : peut-être y aura-t-il un DMP light, alimenté par les données du Web médecin et les courriers hospitaliers, à la mi-2007. Mais croire en un DMP généralisé et substantiel à cette date est illusoire. Il en était d'ailleurs ainsi dès le départ, puisqu'un projet de cette nature ne peut se développer que sur au moins dix années. Dès lors, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous inciter à ne pas vous laisser enfermer dans un calendrier trop contraint et irréaliste.
À cet égard, le communiqué de presse du GIP DMP du 5 mai 2006 laisse planer peu de doute, puisqu'il indique que le conseil d'administration a « proposé d'allonger de cinq ans la durée de vie du groupement pour permettre le lancement des opérations de généralisation dans des conditions de sécurité juridique complète ».
Connaissant votre sérieux et votre compétence, monsieur le ministre, je compte sur vous pour faire preuve de réalisme et pour répondre clairement à ces interrogations, qui, vous en conviendrez, sont légitimes.
Je soutiens totalement ce projet, qui constitue un vrai projet de société. Toutefois, il ne saurait aboutir sans l'adhésion tant des professionnels de santé que des patients et sans l'appropriation de cet outil par tous les acteurs.
Vous pouvez donc compter sur moi, monsieur le ministre, pour que ce projet ne soit pas dénaturé, pour continuer à suivre ce dossier jusqu'au bout et pour permettre ainsi d'améliorer encore la qualité des soins dispensés à nos concitoyens.