Intervention de Guy Fischer

Réunion du 11 mai 2006 à 15h00
Informatisation dans le secteur de la santé — Débat sur un rapport d'information

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Il s'agissait, en particulier, de dresser un premier bilan sur le dossier médical personnel, créé par la loi du 13 août 2004. Nous nous étions alors opposés à ce dispositif, en émettant de très vives réserves. En l'état actuel, le DMP nous apparaît comme un outil de maîtrise purement comptable, alors qu'il devrait, pensons-nous, permettre un débat sur le véritable accès aux soins. Or, si l'on interprète les propos que vient de tenir M. le rapporteur - peut-être me reprocherez-vous d'être caricatural, monsieur le ministre -, le bilan est clair : c'est un gouffre financier qui se dessine. Quant à l'efficacité, qu'il s'agisse des délais à respecter ou des objectifs visés, on peut véritablement s'interroger.

Je rappellerai à ce propos que M. Douste-Blazy, avec la faconde que chacun lui connaît, avait présenté le dossier médical personnel comme un fabuleux outil d'économie pour les comptes sociaux. Selon lui, il devait permettre de réaliser une économie d'environ 3, 5 milliards d'euros à l'horizon 2007 - et je sais, monsieur le ministre, que vous êtes parfaitement au courant de cette échéance, compte tenu des débats que nous avions eus à l'époque. Or admettez que nous en sommes aujourd'hui bien loin.

Le rapport est très critique envers l'état d'avancement du dossier médical personnel. M. Jean-Jacques Jégou en avait fait connaître les conclusions lors du débat sur le PLFSS et, à cette occasion, nous lui avions dit que nous partagions son point de vue.

En effet, selon ce rapport, il apparaît non seulement que la France est toujours en retard en matière d'informatisation dans le domaine de la santé, mais aussi que le DMP, en particulier, se révèle coûteux et peu pratique.

Ce dernier implique, en effet, outre des coûts directs - je pense, notamment, à la mise en place de la télétransmission des informations -, des coûts indirects, qui concernent en particulier tous les équipements à prévoir pour les centres hospitaliers. Divers éléments d'information ont été divulgués concernant le DMP, celui-ci ayant fait l'objet de plusieurs articles de presse au cours des trois semaines qui viennent de s'écouler.

Par ailleurs, se font jour un certain nombre d'interrogations en ce qui concerne l'avenir, je pense particulièrement au coût du DMP en « régime de croisière » - ce qui ne pourra se voir qu'à l'usage -, une fois que l'on aura convaincu tous les professionnels de santé de la nécessité de disposer des outils informatiques nécessaires, notamment de certains logiciels

Pour l'heure, ce coût est estimé entre 600 millions d'euros et 1, 2 milliard d'euros par an. J'ose espérer, monsieur le ministre, que vous aurez à coeur de nous apporter des réponses très claires sur un tel écart.

Dans tous les cas, M. Jégou dresse le constat que le calendrier annoncé par le Gouvernement est parfaitement irréaliste - point de vue que je partage -, et que l'on sera loin d'atteindre la généralisation du système à la mi-2007.

Certes, je connais votre optimisme, monsieur le ministre, mais je tiens à vous faire remarquer que notre rapporteur reprend les propos de M. Richier, président de la commission des systèmes d'information de la conférence des directeurs généraux de CHU, qui estime - peut-être exagère-t-il un peu - que l'horizon du dossier médical personnel se situe plutôt en 2020 qu'en 2007, contrairement aux affirmations du Gouvernement.

D'ailleurs, les dernières informations sur le sujet confirment ces prévisions, et il est même annoncé que le dispositif pourrait devenir facultatif, ce qui serait, pour le Gouvernement, le seul moyen de ne pas perdre complètement la face, après s'être largement gargarisé du succès de sa réforme.

Toutefois, ces annonces étaient irréalistes, et c'est ce que nous avions précisément dénoncé dès l'examen du projet de loi en 2004. Il suffit pour s'en rendre compte de se référer à l'exemple de la Grande-Bretagne, pays où il aura fallu environ dix ans pour parvenir à l'informatisation du système de santé. Dès lors, comment envisager que la France pourrait y arriver en trois ans ?

Ainsi, la plupart des constats établis par M. Jégou vont dans le sens des observations que nous avions formulées en 2004 lors de l'examen du projet de loi relatif à l'assurance maladie.

Il s'agit, avec le DMP, de faire de l'affichage politique, sans réelle cohérence, tout en sachant pertinemment que ce dispositif est extrêmement coûteux.

Lors des débats sur le PLFSS 2006, nous avions déjà dénoncé le coût exorbitant du DMP. Financé par le fonds d'aide à la qualité des soins de ville, à hauteur de 90 millions d'euros cette année, contre 15 millions d'euros l'an dernier, il n'est doté que de 110 millions d'euros.

Je le disais au début de mon intervention : il s'agit véritablement d'un gouffre financier, ce qui a pour conséquence directe de pénaliser les autres missions initialement financées par le fonds d'aide à la qualité des soins de ville. Je pense, en particulier, aux maisons médicales de garde sur la situation déplorable desquelles j'ai récemment tiré la sonnette d'alarme, par le biais d'une question orale.

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