Une fois de plus, les Cassandre se sont trompés !
Avec les expérimentations, nous poursuivons un deuxième objectif : tester l'appropriation du dispositif par les acteurs.
Pour ce faire, les tests effectués en conditions réelles sur le terrain, dans les dix-sept sites répartis dans treize régions, portent sur 30 000 dossiers et impliquent 1 500 professionnels de santé et 73 établissements. Ces tests vont pouvoir débuter à la fin de ce mois, après les décisions du comité d'agrément des hébergeurs et de la CNIL. Ils se poursuivront jusqu'à la fin de l'année.
Pour autant, nous n'oublions pas la pratique déjà existante de certains dossiers médicaux, notamment en Franche-Comté où d'ores et déjà de nombreux utilisateurs sont rompus à ces techniques.
La phase d'évaluation, menée parallèlement, nous permet de tirer tous les enseignements possibles. Elle a bel et bien toute sa place dans le dispositif : nous en attendons beaucoup.
Mais comment imaginer, monsieur le rapporteur spécial, que nous attendions la fin de ces expérimentations pour préparer la généralisation, dès lors que la première phase des expérimentations a porté ses fruits ?
Le scénario de généralisation, décidé par le conseil d'administration du GIP DMP, le 7 avril et le 5 mai, a été défini dans la concertation avec les représentants des patients, des professionnels de santé et des institutionnels.
Il prévoit la publication des décrets identifiant, DMP et confidentialité, ainsi que le déploiement progressif des cartes Vitale 2 avant la fin de l'année 2006, et cela sans retard : à partir du moment où le dispositif se mettra en place en 2007, je ne pense pas que l'on puisse nous reprocher le moindre retard en la matière.
En effet, les deux décrets d'application concernant le contenu du dossier médical et les modalités d'accès, la création d'un identifiant de santé sont en cours de rédaction, mais ils seront complétés par les résultats des premières expérimentations afin d'être aussi concrets et complets que possible.
Sortir les décrets avant les retours d'expérience n'avait pas de sens. Que n'aurions-nous entendu sur notre précipitation si nous les avions publiés avant même que les uns et aux autres n'aient pu tirer profit de ces retours d'expérience.
Leur publication est bien évidemment prévue avant la fin de l'année. Je pense même que nous serons en mesure de l'assurer pour le troisième trimestre 2006.
À cet égard, j'ai toujours scrupuleusement veillé à ce que l'on puisse appliquer l'ensemble des décrets dans les meilleurs délais, avec un maximum d'efficacité et de la façon la plus complète possible. Certains avaient prédit qu'en tout état de cause nous ne pourrions pas publier 80 % de décrets de la réforme de l'assurance maladie avant la fin de l'année 2004 ; je leur ai donné raison : nous en avons publié 85 % en quatre mois ! §(Mme Isabelle Debré applaudit.) Là encore, tout ce que j'ai souvent entendu dire sur l'assurance maladie s'est trouvé démenti par les faits.
Chaque citoyen pourra donc ouvrir son DMP dans les délais prévus par la loi, à partir du printemps 2007, c'est-à-dire un peu avant la date indiquée dans les textes.
Ce sera le même dossier médical personnel pour tous. Le DMP ne sera pas réservé à ceux qui seraient dotés, par exemple, dans telle ou telle région, d'un dossier. Il existera sur l'ensemble du territoire.
Le service DMP sera composé de trois entités.
Premièrement, un portail unique, qui assurera les fonctions d'information sur le DMP et sur d'autres services de santé, l'identification et l'authentification des patients et des professionnels de santé, et l'inscription des patients pour l'ouverture de leur DMP. Ce portail sera réalisé par la Caisse des dépôts et consignations.
Deuxièmement, des hébergeurs de DMP, agréés sur la base d'un cahier des charges finalisé en cette fin d'année 2006, avec un hébergeur de référence, retenu après appel d'offres, et qui aura pour mission d'être l'hébergeur de secours, d'assurer l'interopérabilité du dispositif, mais aussi de fixer le prix de référence.
Grâce à ce dispositif, aucun hébergeur ne sera favorisé car ce prix correspondra à celui de la meilleure offre, préservant au mieux les finances publiques.
Vous souhaiteriez que nous fixions un prix à ce DMP. Que faites-vous de l'appel d'offres ? Fixer aujourd'hui un prix reviendrait à s'interdire d'avoir recours à l'opérateur, à l'hébergeur le mieux-disant et enlèverait tout crédit à la procédure qui va s'ouvrir.
Le chiffre que vous avancez me semble très loin de la réalité. En effet, s'il n'est ni possible ni souhaitable de fixer un prix, rien ne nous interdit de déterminer une fourchette. En tout état de cause, ce qui sera mis en place pour financer ce dossier médical personnel sera très largement couvert par les économies réalisées.
Troisièmement, l'assistance téléphonique, qui est un autre point important. Elle sera assurée sur le plan technique par la plate-forme de la CNAMTS, au nom de la mutualisation.
S'agissant du GIP, vous vous étonniez que le délai de prolongation ait été acté. Cela a effectivement été le cas, car si, en 2007, nous en sommes à la première étape du DMP, nous n'entendons pas en rester là. Il faut, au nom de l'anticipation, prévoir la suite, ce GIP ayant vocation à continuer de travailler.
Le GIP fera porter son effort sur les conditions d'alimentation et d'utilisation. Cela se traduira par le cofinancement de projets locaux de systèmes d'information DMP-compatibles, par un effort de formation, mais aussi par une campagne de communication.
Conformément aux engagements pris, les dispositions nécessaires au respect des délais annoncés sont réunies et le dispositif de généralisation est cohérent à la fois avec les attentes et les besoins des patients et des professionnels de santé.
Vous m'avez interrogé, monsieur le rapporteur spécial, sur l'informatisation de l'ensemble de notre système de santé - je croyais même que c'était l'objet de l'intégralité de ce débat -, et donc de tous ses acteurs.
Pour ce faire, je suis convaincu qu'il faut d'abord recenser les besoins des différents acteurs et définir les priorités.
La première d'entre elles, c'est l'amélioration du système d'information de l'assurance maladie. Les efforts réalisés par la CNAM, s'agissant de la dématérialisation des feuilles de soins, ont représenté une véritable avancée dans l'harmonisation et l'informatisation de notre système de santé. Avec la carte Vitale 2, nous disposerons, avant la fin de l'année 2006, d'un outil mieux sécurisé et plus personnalisé. Cependant, ne nous voilons pas la face, il reste des efforts à accomplir en matière d'informatisation, notamment du réseau de la caisse. Vous savez, monsieur le rapporteur spécial, qu'une réorganisation est en cours : c'est le souci de son directeur Frédéric Van Roekeghem, comme je m'en suis assuré. Je n'oublie pas non plus les autres caisses, et je pense notamment à la mutualité sociale agricole. Certaines ont déjà développé des systèmes d'informatisation très intéressants et très performants.
Nous poursuivrons également l'informatisation de la médecine de ville. Les chiffres qui m'ont été communiqués montrent qu'aujourd'hui l'informatisation de la médecine de ville atteint un bon niveau : 74 % des professionnels utilisent la télétransmission, pour un taux d'équipement informatique estimé à 85 %. Je veux être certain que ce taux d'équipement correspond bien à un taux d'utilisation. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à la CNAM de dresser un état des lieux complet de l'informatisation de la médecine de ville et de proposer très rapidement les modalités d'un passage à 100 %.
La généralisation du DMP est également l'occasion d'engager des discussions avec les éditeurs de logiciels pour mettre à disposition des professionnels de santé, dès 2007, des logiciels permettant d'alimenter le DMP, et cela sans double saisie.
Nous allons aussi donner un nouvel élan à l'informatisation hospitalière. Nous avons déjà développé, monsieur le rapporteur spécial, un certain nombre d'outils d'information performants à l'hôpital. Les plateaux techniques de radiologie comme les blocs opératoires sont déjà largement informatisés : à hauteur de 70 % pour les premiers et de 50 % pour les seconds.
Les systèmes d'archivage des images se développent tout comme les dossiers médicaux communicants en cancérologie, ainsi que je l'indiquais à l'instant.
En 2005, nous avons aussi entrepris l'informatisation des urgences avec les acteurs du plan Urgences, de la facturation des établissements à l'assurance maladie, en particulier pour la tarification à l'activité, la TAA, ainsi que l'informatisation du parcours de soins.
L'alimentation du DMP se fera aussi par les comptes rendus de sortie des établissements. Dans le cadre de la transparence que je souhaite mettre en place, notamment dans les établissements de santé, je compte faire de la transmission dans les quarante-huit heures maximum des comptes rendus au médecin traitant l'un des indicateurs de qualité à l'hôpital.
Ces projets sont tous soutenus par les chargés de mission de la Mission pour l'amélioration et l'investissement à l'hôpital, spécialisés dans les services d'information hospitaliers et délégués auprès des agences régionales de l'hospitalisation.
Ils sont surtout soutenus par les différents acteurs du système de santé. Le financement de ces projets a aussi été accru, et ce - cela répond à l'une de vos questions, monsieur le rapporteur spécial - grâce aux crédits non consommés du plan Hôpital 2007. C'est ainsi que j'ai choisi, pour 2007, d'affecter 15 millions d'euros supplémentaires pour les services d'information hospitaliers, qui viendront s'ajouter aux 280 millions d'euros déjà programmés.
Je suis néanmoins convaincu que ces efforts doivent être amplifiés et, surtout, confirmés dans la durée. C'est pourquoi j'ai décidé de pérenniser le GIP de modernisation des systèmes d'information hospitaliers en élargissant ses missions aux enjeux de l'informatisation de la médecine de ville.
Il faut savoir qu'à compter de 2007 le financement du groupement proviendra d'une dotation de l'assurance maladie, fixée par arrêté ministériel et qu'une nouvelle convention constitutive ainsi qu'un contrat d'objectifs et de moyens de trois ans renouvelables seront mis au point pour l'automne 2006.
Enfin, le plan Hôpital 2012 doit marquer une nouvelle ambition pour ces services d'information hospitaliers, tant en termes de moyens et de méthode qu'en termes de stratégie.
Mon ambition est de porter la part des dépenses d'informatique hospitalière au minimum à 3 % d'ici à 2012, contre 1, 7 % aujourd'hui. Mais surtout nous devons coordonner les efforts des établissements, qui pourraient aujourd'hui être plus rassemblés.
Voilà pourquoi j'ai décidé la mise en oeuvre d'une politique soutenue d'aide à l'investissement en matière de systèmes d'information hospitaliers. Le volet financier sera complété par un volet d'expertise, de soutien et d'évaluation, ainsi que par un plan d'aide à la formation des professionnels.
L'informatisation du dossier médical et du parcours de soins, celle du circuit de prescription, la télémédecine également, en constitueront les principaux axes stratégiques. Cet effort sans précédent nous permettra d'aller plus loin et plus vite encore dans la généralisation des indicateurs de qualité.
Ce nouvel élan contribuera par ailleurs à renforcer les logiques de coopération et de complémentarité entre les établissements. Je ne souhaite pas informatiser les établissements pour obéir à une quelconque tentation technologique. Je veux au contraire utiliser les technologies disponibles pour garantir la sécurité des soins. Une attention particulière sera également portée aux établissements de proximité.
Ainsi, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les sénateurs, nous mettons en oeuvre, en matière de systèmes d'information, une stratégie globale dont le levier central est le dossier médical personnel. L'approche que nous avons privilégiée est résolument pragmatique, résolument évolutive, c'est vrai. Elle tient compte des utilisateurs quotidiens de ces systèmes, c'est vrai aussi : nous avons voulu, pour mettre en place le dossier médical personnel, partir de ce qui existe déjà - c'est un choix que j'assume - plutôt que de le créer ex nihilo. C'est en nous appuyant sur les pratiques effectives des professionnels de santé et sur leurs souhaits pour l'avenir que nous nous donnons toutes les chances de réussir.
Voilà en quoi le dossier médical personnel est au service de nos politiques de santé, de qualité et de sécurité des soins, de continuité des soins, de réorganisation hospitalière, d'amélioration de la pratique des professionnels. Je suis convaincu que nous avons choisi la bonne voie, et nous allons à la fois l'élargir et l'approfondir.
Depuis que des fonctions ministérielles m'ont été confiées, notamment dans le cadre de l'assurance maladie, j'ai entendu de très nombreuses choses.
J'ai entendu dire, au printemps 2004, que jamais Philippe Douste-Blazy et moi-même ne pourrions présenter de projet de loi réformant l'assurance maladie : le texte a été voté intégralement en août 2004.
J'ai entendu dire que jamais les décrets ne seraient publiés avant la fin de l'année 2004 : ils l'ont été.
J'ai entendu dire que jamais le médecin traitant ne serait une réalité dans notre pays, que jamais les Français ne l'adopteraient : aujourd'hui, plus de trois Français sur quatre ont fait ce choix, alors que tous ne sont pas encore allés voir un médecin depuis la mise en place du dispositif.
J'ai entendu dire que jamais nous ne réussirions à infléchir les dépenses de santé dans notre pays : sans la réforme de l'assurance maladie, le déficit se serait élevé à la fin de l'année 2005 à 16 milliards d'euros, il a été de 8 milliards d'euros, alors que j'en avais promis 8, 3 milliards.
Chaque fois, les Cassandre nous ont assuré que rien ne marcherait. Alors, quand aujourd'hui j'entends les uns et les autres affirmer, parfois sur le mode de la caricature, parfois avec sincérité - et j'espère que les arguments que j'ai avancés tout à l'heure seront de nature à les faire changer d'avis -, que le dossier médical personnel ne sera pas opérationnel en 2007, j'ai le sentiment que ces prédictions sont de la même facture, mesdames, messieurs les sénateurs.
C'est parce que nous avons choisi la voie de la simplicité et du pragmatisme que le dossier médical personnel, auquel nous sommes tant attachés, sera réalité dès l'an prochain, et, monsieur le rapporteur spécial, même si la confidentialité est de mise, je serais très heureux de vous donner rendez-vous en 2007 pour l'ouverture de votre propre dossier personnel.