Intervention de Gisèle Printz

Réunion du 11 mai 2006 à 15h00
Majoration de pension de retraite aux fonctionnaires handicapés — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de Gisèle PrintzGisèle Printz :

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l'application de la majoration de la retraite des fonctionnaires handicapés est une mesure très attendue. Les intéressés patientent en effet depuis près de trois ans.

La loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites avait accordé aux personnes ayant travaillé cent vingt trimestres et plus en étant lourdement handicapées la possibilité de partir à cinquante-cinq ans avec une pension pleine. Cette mesure, initialement prévue pour les seuls salariés du régime général a ensuite été étendue, par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, aux personnes relevant du régime agricole et du régime des artisans, ainsi qu'aux fonctionnaires.

Or une erreur rédactionnelle a fait obstacle à la mise en oeuvre de cette mesure nouvelle dans la fonction publique.

En effet, la rédaction du dispositif législatif applicable aux trois fonctions publiques s'est révélée source d'inégalités et d'incohérences.

Tout d'abord, parce que les modalités de calcul de la majoration de pension applicable à la fonction publique diffèrent de celles des autres régimes.

Ensuite, parce que, en l'état actuel du droit applicable, il n'y a pas, dans la fonction publique, de proratisation possible de cet avantage entre cinquante-cinq et cinquante-neuf ans, en fonction du nombre de trimestres cotisés par les assurés sociaux. Cela conduirait à de fortes différences entre le niveau des allocations versées à âge égal et à durée cotisée identique entre les personnes relevant du régime général et celles qui relèvent du régime de la fonction publique.

Enfin, parce que le bénéfice de cette majoration de pension prendrait fin brutalement à soixante ans, ce qui déboucherait sur des situations absurdes : un fonctionnaire handicapé pourrait ainsi partir à cinquante-neuf ans avec 75 % de son dernier traitement et quatre-vingts trimestres cotisés, mais s'il attendait d'avoir soixante ans et quatre-vingt-quatre trimestres cotisés, il ne percevrait plus qu'une pension de « droit commun » de 42 % !

Pour corriger cette erreur, le Sénat a introduit, dans le projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, un article additionnel qui a été adopté par l'Assemblée nationale. Mais, le 16 mars dernier, le Conseil constitutionnel a censuré cet article, estimant qu'il n'avait pas sa place dans ce projet de loi.

Force est de le constater, les personnes handicapées jouent de malchance !

C'est donc un retour à la case départ qui nous vaut aujourd'hui cette proposition de loi, laquelle, comme l'a indiqué le rapporteur, vise à « rétablir une certaine équité entre salariés du secteur privé et fonctionnaires, à rendre enfin possible la mise en oeuvre de la retraite anticipée des personnes handicapées dans la fonction publique ».

Au regard de toutes ces considérations, et devant l'urgence de la situation, le groupe socialiste votera cette proposition de loi très attendue.

Cependant, monsieur le ministre délégué, je veux profiter de cette intervention pour vous faire part de quelques demandes et réflexions des associations de personnes handicapées.

Ces associations dénoncent le fait que la nouvelle prestation de compensation du handicap, la PCH, n'est pas appliquée de façon uniforme sur tout le territoire.

Alors que le Gouvernement s'était engagé à hauteur de 880 millions d'euros pour financer la compensation, aujourd'hui, 550 millions d'euros seulement sont prévus.

La scolarisation des enfants handicapés laisse encore à désirer s'agissant tant du nombre d'élèves accueillis que de la qualité de l'intégration.

Les maisons du handicap, extensions des sites autonomes créés sous l'égide de Ségolène Royal, représentent, certes, une avancée, mais le désengagement financier de l'État met les conseils généraux en difficulté.

Le président du Comité des finances locales, Gilles Carrez, soulignait d'ailleurs récemment « l'inquiétude des conseils généraux qui, avec cette loi, ne savent pas où ils vont.»

Les dysfonctionnements dans la mise en place du nouveau dispositif sont nombreux. Les associations dénoncent également l'absence de mesures de transition entre l'ancien et le nouveau dispositif.

Par exemple, en attendant que la prestation de compensation prenne le relais, le Gouvernement avait décidé, en 2005, d'attribuer une aide mensuelle aux personnes lourdement handicapées vivant à leur domicile. Pourtant, les personnes intéressées n'ont jamais rien reçu, les directions départementales des affaires sanitaires et sociales ayant choisi de bloquer ces crédits en prévision des difficultés à venir.

Pire encore, au 1er janvier 2006, l'État a cessé de verser les forfaits « grande dépendance » aux personnes ayant besoin d'une aide permanente pour l'accomplissement des actes essentiels de la vie. Ces personnes n'ont donc plus été en mesure de payer leurs auxiliaires de vie.

Quant à l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, elle reste un réel sujet de préoccupation, car elle est aujourd'hui de 610, 28 euros par mois, ce qui est très insuffisant.

Mais la loi a introduit une autre majoration, qui répond malheureusement à des conditions extrêmement restrictives : le taux d'incapacité doit être supérieur à 80 %, il faut posséder un logement indépendant et la capacité de travail doit être inférieure à 5 %. Ces conditions restreignent fortement l'impact de cette revalorisation et le nombre de ses bénéficiaires, ce qui provoque une vive déception chez les personnes handicapées.

En outre, la loi rend également plus difficile l'attribution de l'AAH aux personnes ayant un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 %, puisqu'elle exige dorénavant que l'intéressé n'ait pas occupé d'emploi depuis un an. Le manque de moyens se fait donc ressentir à tous les niveaux.

Pour conclure, monsieur le ministre délégué, le bilan de cette loi est très insuffisant. Le handicap doit désormais être traité de manière transversale, par l'adjonction d'un volet « handicap » dans chaque texte législatif. C'est seulement ainsi que les personnes handicapées pourront devenir des citoyens à part entière.

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