Notre monde est complexe et nos décisions ont été difficiles. Je suis ravie que la politique de cohésion ait été maintenue au coeur de la politique européenne, dont les résultats sur la vie de nos concitoyens sont tangibles. Parfois, nous prenons pour argent comptant ce projet européen qui a permis soixante-dix années de paix. N'oublions pas notre point de départ ! Il faut ainsi préserver les valeurs du projet européen. Malheureusement, la situation se détériore et j'espère que le budget européen ne fournira pas une autre source de division au sein de l'Union. Il nous appartient donc de décider du maintien de ce projet européen.
La gestion des migrants représente un problème. Nous avons dû modifier nos programmes opérationnels. Lorsque les accords de partenariat ont été initialement souscrits, ce problème ne se posait pas. Certaines régions ont ainsi connu le doublement de leur population durant les sept années du programme budgétaire ! Les fonds européens continuent de contribuer à l'insertion et au sauvetage des migrants. D'ailleurs, le bâtiment, qui a sauvé les migrants en Méditerranée l'été dernier, a été affrété sous financement européen. En revanche, nous ne pouvons contraindre les États membres à l'action ! Je tiens à souligner que notre système ne présente pas de pénalités ou de récompenses ; ces dernières dépendent des chefs d'État et de gouvernement.
Ironiquement, le fonds de solidarité a été institué à la demande conjointe de l'Italie et du Royaume-Uni en 1975 ! Combien de citoyens, au Royaume-Uni et au Pays de Galles, ont voté contre cette réalisation européenne qui avait pourtant permis la reconversion industrielle de leur région ? Il faut garder à l'esprit les réalisations européennes de ces dernières années.
Je respecte vos considérations politiques et techniques. Il est possible d'améliorer la simplification des procédures en matière de programmation : désormais, les projets de moins de 200 000 euros pourront être modifiés, sans l'aval de la Commission. Sur le moyen terme, les régions et les pays pourront déterminer le transfert des financements d'un programme à un autre. Si des événements inattendus, comme les migrants, ou la fermeture d'une usine au cours de la programmation, les pays pourront changer de priorité de financement, sans l'approbation préalable de la Commission. Pour ce qui concerne la PAC, je comprends que le Parlement européen n'est pas satisfait de la configuration proposée, et qu'il pourrait la modifier.
Sur le budget de l'Union européenne, nous proposons qu'il s'élève à 1,11 % des 27 pays. 1 % du budget des 28 pays représente un montant d'un euro par jour et par citoyen ; un tel budget ne permet plus désormais de répondre à nos besoins. Il incombe désormais aux chefs d'État et de gouvernement de faire les propositions idoines ou de répondre aux préconisations de la Commission, s'agissant de nouvelles taxes sur le plastique ou en matière de changement climatique. Alors que l'Europe doit disposer d'un budget solide, de nombreux gouvernements, qui vont connaître prochainement un nouveau cycle électoral, sont moins enclins à proposer à leurs concitoyens de nouvelles taxes. 21 pays ont cependant accepté de contribuer, de manière plus importante, au budget européen.
Pour la première fois, la sécurité dans les villes sera éligible pour la période 2021-2027. Les maires doivent prendre des décisions rapides en matière de terrorisme. La montée du populisme résulte également de notre mauvaise communication ; la grande majorité de la population européenne n'étant pas consciente du cofinancement européen des hôpitaux, des écoles ou encore des routes. L'opinion publique adhère trop souvent à l'idée que l'influence de Bruxelles est néfaste. Nous devons rappeler qu'une bonne partie des fonds des collectivités territoriales proviennent de l'Europe et que de grandes opérations, comme l'extension des bâtiments de l'Université de Manchester qui a bénéficié de 200 millions d'euros, bénéficient d'un soutien européen d'envergure ! Le drapeau européen est hissé uniquement le jour de l'inauguration et plus personne ensuite ne se souvient ultérieurement de l'apport décisif de l'Europe !
Lors de la campagne du Brexit, les eurosceptiques ont distillé tant de mensonges éhontés que la Commission n'a pas souhaité rétorquer et la population britannique a douté du projet européen. La région, d'où je viens, n'a pas le luxe, comme la Grande-Bretagne, de choisir ! Les pays de Viegrad ne sont pas sanctionnés et ils ont réalisé de grands progrès économiques grâce aux fonds européens ! Nous devons trouver le bon équilibre et je suis reconnaissante aux pays qui aident les nouveaux États membres à obtenir le même niveau de développement. La solidarité ne saurait être à sens unique et je peux comprendre le point de vue du contribuable européen ! Cette politique, au cours de la crise, a été très utile pour la Grèce qui a pu bénéficier de cofinancements jusqu'à 100 % !
Des allocations de fonds ont été ajoutées en faveur des RUP : 30 euros par jour et par habitant et ce, dans le contexte d'une réduction du budget. Il appartiendra aux États membres de déterminer les montants alloués aux RUP, lors du début des négociations pour les différents programmes. Les RUP peuvent bénéficier de taux de financement dérogatoire, qu'elles soient en transition ou non, pour les actions thématiques. Les aéroports régionaux, qui sont une priorité pour l'Union, bénéficient eux aussi de règles dérogatoires. Si leur nombre, notamment en Pologne, est trop élevé, leur installation, dans les régions ultrapériphériques, demeure une priorité. En matière d'aide sectorielle, le président de la Région Guyane nous signalait les difficultés du secteur de la pêche, suite à la captation, par le Brésil, de l'ensemble des ressources halieutiques. Une telle situation motive ainsi des mesures dérogatoires.
Je serai ravie de vous recevoir à Bruxelles, où nos entretiens avec le président Juncker et les présidents des régions françaises se sont révélés très féconds, et vous remercie de nos échanges.