Intervention de Françoise Cartron

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 21 juin 2018 à 8h30
Point d'étape sur le rapport « nouvelles mobilités »

Photo de Françoise CartronFrançoise Cartron, rapporteure :

Dans ce contexte, repenser les politiques de déplacement apparaît comme une nécessité. La réflexion a été portée dans le cadre des assises nationales de la mobilité entre septembre et décembre 2017, prélude à la future loi d'orientation sur les mobilités (LOM).

Cette réflexion a également lieu dans les agglomérations, à Paris mais aussi ailleurs, comme à Bordeaux où la question de la congestion se pose de plus en plus et devient la préoccupation principale des habitants. La question des nouvelles mobilités bouleverse le cadre traditionnel de la politique des transports, qui repose plutôt sur une logique d'infrastructures. Or, il est nécessaire de changer d'approche et de « mettre l'utilisateur au centre » en dépassant le cadre modal, notamment en se préoccupant des questions d'information du voyageur, de billetique, de multimodalité.

La réflexion avance autour de la notion de MaaS (la mobilité comme service) avec la volonté de permettre l'accès à toute la palette de services de mobilité (voiture partagée, taxi, bus, vélo, train, etc...) à travers une interface unique indiquant les coûts, les délais d'accès, les durées de trajet, car les utilisateurs ont besoin d'informations précises et réelles.

Je rappelle quelques chiffres clefs concernant les mobilités en France : la domination de la route est incontestable : on compte plus d'un million de kilomètres de routes (16 000 km par million d'habitants, plus de deux fois plus que l'Allemagne ou le Royaume-Uni, dont plus de 11 612 km d'autoroute), 33 millions de véhicules particuliers, 6 millions de véhicules utilitaires légers et 450 000 poids lourds. 80 % des déplacements de voyageurs se font en véhicule individuel et 9 % en autobus (sur un total de plus de 850 milliards de voyageurs-kilomètres). 88 % du transport de marchandises se fait par la route. Il faut avoir un regard particulier sur les déplacements du quotidien : la durée moyenne du trajet domicile-travail est d'environ 50 minutes par jour, en augmentation de 10 minutes depuis la fin des années 1990, avec d'importantes disparités régionales. 70 % des actifs utilisent la voiture individuelle pour le trajet domicile-travail (mais seulement 43 % dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants).

D'autres chiffres sont moins connus : Seulement 35 % des déplacements correspondent à un flux domicile-travail ou domicile-études. En Île-de-France, ils représentent 30 % des déplacements et 41 % des kilomètres parcourus. Plus de 50 % des clients des systèmes de transport des agglomérations sont des clients occasionnels (et génèrent 25 % du trafic) : touristes, utilisateurs non réguliers, etc... 70 % des déplacements s'effectuent hors heure de pointe ... et pourtant, la pointe est de plus en plus saturée.

Les enjeux de la mobilité de demain sont multiples. Le premier est environnemental avec la promotion de mobilités plus propres et soutenables, moins émettrices de CO2. Il faut savoir que près de 40 % des émissions de CO2 proviennent du secteur des transports en France. Les pistes pour faire face à l'enjeu environnemental sont plurielles : dépassement du moteur thermique à travers le moteur électrique, l'hydrogène, le vélo, la marche, le développement du covoiturage et des transports collectifs.

L'enjeu, ensuite, est économique et social, avec des mobilités accessibles, moins coûteuses pour les ménages. Les dépenses de transport des ménages sont en effet le deuxième poste de leurs budgets, après le logement, et représentent 163 milliards d'euros par an soit 14 % des dépenses de consommation des ménages, incluant l'achat de véhicule, du carburant, etc... Les pistes d'amélioration reposent sur le développement de l'autopartage ou encore la massification du transport.

Les nouvelles mobilités sont également un enjeu pour les finances publiques, car il faut pouvoir garantir des mobilités soutenables : aujourd'hui 41,5 milliards d'euros de dépenses publiques sont consacrées aux mobilités et le taux de couverture des dépenses d'exploitation par les usagers atteint à peine 33 %. Les pistes d'amélioration sont la rationalisation des investissements et la maîtrise des coûts de fonctionnement.

Nous identifions aussi un enjeu industriel : les services de transport réalisent un chiffre d'affaires de 192 milliards d'euros par an, dont un tiers, soit 63 milliards d'euros, pour le transport de marchandises. Les acteurs économiques dans le domaine des matériels de transport (constructeurs automobiles, équipementiers, entreprises du ferroviaire, de l'aéronautique, etc...) sont des acteurs majeurs de l'industrie. Une question stratégique se pose désormais : celle de la maîtrise de la donnée sur les déplacements des biens et des personnes, avec une crainte forte que la valeur ajoutée soit captée par les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon).

Enfin, le dernier enjeu des nouvelles mobilités est un enjeu territorial, surtout pour les zones peu denses, moins bien desservies et moins bien reliées aux métropoles en termes de fréquence ou de temps de trajet. 75 % du territoire et 25 % de la population ne sont pas couverts par une autorité organisatrice des mobilités (AOM) et la dépendance à la voiture est très forte dans les zones rurales.

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