Intervention de Jean-Jacques Jégou

Réunion du 24 juillet 2007 à 16h00
Orientation budgétaire — Suite d'un débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Jean-Jacques JégouJean-Jacques Jégou :

On nous dit aujourd'hui que, si la France réalisait 2, 5 % de croissance en 2008, le « paquet fiscal » pourrait être financé sans alourdir la dette publique ; on nous dit aussi qu'en 2010 ou en 2012 nos comptes seront en équilibre. Mais pourquoi ne nous précise-t-on pas que la dette représentera alors toujours 60 % du PIB ? Pourquoi ne nous indique-t-on pas non plus que, si le taux mirobolant de 3 % de croissance n'est pas réalisé, il nous faudra trouver quelque 80 milliards d'euros d'économies ? À quand, monsieur le ministre, la rupture tant annoncée, synonyme d'un changement et d'un « parler vrai » tant promis et tant médiatisé ?

Pendant ce temps, la France continue à perdre des parts de marché à l'exportation comme sur le marché intérieur. L'écart se creuse entre notre pays et ses principaux partenaires européens. Les entreprises françaises manquent de compétitivité par rapport à leurs homologues étrangers, notre tissu industriel s'étiole et la France devient petit à petit un pays de services. Arrêtons alors, je le répète, de fonder nos budgets sur des hypothèses trop optimistes, qui n'influeront en aucun cas sur le comportement des acteurs économiques. La méthode Coué n'a pas encore fait ses preuves, monsieur le ministre, et les acteurs économiques ne sont pas dupes : sans sincérité, pas de confiance !

J'émets donc des doutes sur la capacité des mesures fiscales contenues dans le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, le projet de loi TEPA, que nous allons examiner à partir de demain, à créer le choc de confiance que vous attendez, pour relancer de façon durable la croissance. Avec un coût de près de 15 milliards d'euros en année pleine, ce projet de loi ne me paraît malheureusement destiné qu'à creuser, encore et de façon certaine, le déficit de nos finances publiques.

Le temps serait plutôt venu, me semble-t-il, de trouver enfin le courage dont nous avons singulièrement manqué jusqu'ici pour relever les grands défis que nous avons clairement identifiés depuis des lustres et qui ont fait l'objet de grands débats lors des récentes élections présidentielles. Quels sont ces importants défis qui doivent être relevés d'urgence ?

Au premier rang de ces derniers, je placerai le déficit de nos finances publiques. La situation budgétaire s'est certes améliorée à la fin de l'année 2006 : le déficit public a été ramené à environ 39 milliards d'euros, représentant 2, 5 % du PIB. Ce pourcentage demeure toutefois environ deux fois supérieur à celui de 2001 et il est nettement supérieur à celui de l'Allemagne - 1, 7 % - ou à celui de la moyenne des pays de la zone euro hors France - 1, 4 %.

Qui plus est, cette amélioration est fragile, car elle est liée à une progression des recettes fiscales. Vous savez, comme moi, que le caractère de ces recettes est, par définition, volatile, que l'on parle de l'anticipation du calendrier d'encaissement de l'impôt sur les sociétés ou du versement de soultes. Sans ces mesures exceptionnelles, le déficit aurait d'ailleurs atteint 2, 8 % du PIB. Les recettes ne sont donc pas créées par de réelles économies, et c'est là que le bât blesse.

Aussi, loin de pavoiser devant la réduction de ce déficit, n'oublions pas qu'il est juste revenu au niveau du « solde stabilisant », c'est-à-dire qu'il ne permet pas encore la réduction de la dette publique.

Il faut par conséquent accroître l'effort, notamment en ce qui concerne les dépenses, et dépasser l'objectif « zéro volume », inscrit dans la loi de finances initiale de 2006, pour parvenir au « zéro valeur ». Les dépenses continuent, en effet, à augmenter aussi vite que le PIB, c'est-à-dire à un rythme très supérieur aux objectifs fixés par le Gouvernement dans ses programmations pluriannuelles.

Quand s'attachera-t-on véritablement à gérer de façon rationnelle les ressources en personnel et à rationaliser les effectifs de la fonction publique ? Quand on sait que les dépenses de personnel représentent 45 % des dépenses nettes de l'État, on calcule aisément l'impact du non-remplacement d'une personne sur deux partant à la retraite, surtout quand sont visés 35 000 emplois. Au demeurant, M. le président de la commission des finances indiquait ce matin que le fait de ne pas remplacer une personne partant à la retraite sur deux ne générerait pas d'économie puisque, de toute façon, il faudrait verser des pensions.

De toute façon, des questions essentielles se posent au sujet de ces postes non remplacés. S'agit-il de postes budgétaires ou de postes effectifs ? Que signifient les 29 794 équivalents temps plein de moins par rapport au plafond voté en loi de finances 2006 ? S'agit-il d'un mauvais calibrage des dépenses, d'embauches moindres que prévues ou encore de transferts vers les collectivités locales - je pense aux TOS ? Comment l'État va-t-il gérer l'augmentation des dépenses de pensions, dont une hausse de l'ordre de 1, 5 milliard d'euros est prévue entre 2007 et 2008 ?

Le non-remplacement des départs en retraite est un sujet important. Il ne doit cependant pas cacher l'indispensable réforme de l'État que notre pays doit accomplir. Au-delà des chiffres, une réflexion plus approfondie doit être menée sur les nouveaux métiers dont a besoin la fonction publique et sur son management, dans une optique de gains de productivité et de mise en place d'objectifs de performance.

La Cour des comptes souligne également les limites de la norme de dépense, puisque ne sont toujours pas comptabilisées comme des dépenses celles qui sont financées au moyen de ressources extrabudgétaires, les dépenses des comptes spéciaux, les dépenses financées au moyen de certaines taxes affectées, de certains remboursements et dégrèvements et de prélèvements sur recettes.

Je citerai, pour exemple, les prélèvements sur recettes au profit des collectivités locales, les dépenses destinées au financement par crédit d'impôt du prêt à taux zéro, les dégrèvements d'impôts locaux - leur montant dépasse de 2 milliards d'euros celui qui était prévu par la loi de règlement du budget de 2006 - ou encore des transferts de recettes à des opérateurs comme l'Agence nationale de la recherche ou l'Agence de financement des infrastructures. Une norme de dépense ainsi élargie aurait abouti à constater une croissance de la dépense de 5, 6 % en 2006, comme l'a indiqué M. le rapporteur général.

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