Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention venant après celle de Thierry Foucaud, elle ne portera que sur deux des « associés contraints » de l'État dans la gestion des affaires publiques : la sécurité sociale et les collectivités locales.
En effet, l'une des sources essentielles de réduction du déficit budgétaire que nous avons pu observer ces derniers temps réside dans une utilisation renforcée des comptes de la protection sociale et de ceux des collectivités locales comme variable d'ajustement du budget général.
La proposition est présentée, en général, avec les apparences du bon sens.
Il s'agit, dans un premier temps, le plus souvent, de confier à l'un ou l'autre de ces deux partenaires de l'État une mission spécifique. On y ajoute même un zeste de subsidiarité. On dédie telle ou telle ressource - fiscale, notamment - à cette action, et on laisse ensuite les choses aller au « fil de l'eau ».
Cette attitude renouvelée dans de nombreux domaines se traduit par près de 70 milliards d'euros dépensés au titre de la dépense fiscale dite « d'intervention », soit plus qu'au titre des dépenses d'intervention proprement dites !
Ainsi, au fil de la précédente législature, l'État a confié aux collectivités locales la gestion du recensement général de la population, une part croissante de l'état civil et a encore accru leurs compétences en termes de formation, d'apprentissage, d'équipement et de fonctionnement dans le domaine de la scolarité - sans oublier les transferts liés à l'instruction des documents d'urbanisme !
Néanmoins, le poids le plus considérable est celui des dépenses sociales : revenu minimum d'insertion, dont les dépenses ont progressé de 7, 9 % en 2006 - dans mon département d'Indre-et-Loire, il reste 3, 2 millions d'euros à la charge du conseil général - et allocation personnalisée d'autonomie, dont le coût pris en charge par les départements est passé de 57 % en 2002 à près de 70 % aujourd'hui.
Je mentionnerai pour mémoire la prestation de compensation du handicap, dernière allocation créée.
Les collectivités locales sont également mises à contribution lorsque l'État décide de réformer la taxe professionnelle.
Elles subissent de plein fouet les nouvelles règles de plafonnement de cet impôt. Dans le cadre du dispositif du bouclier fiscal, les impositions directes locales des particuliers étant intégrées au panier d'impositions, là encore, les collectivités territoriales subissent les conséquences de la réduction de l'effort fiscal de certains contribuables, dont la solidarité devrait pourtant être plus sollicitée.
Le constat s'impose : une nouvelle compétence étant confiée, une nouvelle ressource lui est dédiée, mais elle couvre rarement le coût évolutif de la charge transférée !
Ensuite, libre aux collectivités locales, soumises à l'obligation d'équilibre, de mettre en rapport les moyens financiers et la compétence transférée, sans escompter quoi que ce soit de plus de l'État.
La seule solution reste alors la fiscalité locale, à moins que vous n'estimiez, monsieur le ministre, que les collectivités doivent, elles aussi, réduire leur intervention publique !
La Commission consultative sur l'évaluation des charges nous permet de disposer de certains éléments appréciant le décalage entre la réalité des compétences transférées et celle des moyens dédiés.
Il apparaît clairement que, pour chacune des compétences transférées, l'effet de ciseaux est parfaitement inscrit dès le début de la décision. Aussi l'annonce par le Gouvernement d'une simple reconduction en euros constants du montant des dotations budgétaires dévolues aux collectivités locales soulève-t-elle de nouveau la question de la qualité du dialogue entre les collectivités et l'État.
Une fois encore, les élus locaux seront habilités à se transformer en gestionnaires de la pénurie, devant choisir entre qualité du service public et hausse des impositions locales, tout en prenant le risque de voir une partie de leurs recettes confisquées ensuite, au détour d'un dispositif de plafonnement ou encore à l'occasion d'un transfert de charges.
Vous nous dites que, par souci d'équité, le même effort sera appliqué aux concours en direction des collectivités territoriales qu'aux autres dépenses de l'État, c'est-à-dire, une croissance zéro en volume.
Dans cette situation, l'État oublie que la DGF n'a fait que se substituer à une fiscalité locale - le versement représentatif de la taxe sur les salaires - et que l'indice des prix des dépenses communales - l'Association des maires de France nous en fournit une mise à jour régulière - progresse plus vite que celui de l'INSEE : respectivement 3, 9 % et 1, 7 % en 2006.
Les collectivités territoriales sont des acteurs de la création de la richesse de ce pays. Elles réalisent plus de 70 % des équipements publics. En réduisant leurs capacités, vous contribuez à diminuer leur intervention.
Vous décidez que des milliards de recettes - entre 10 milliards et 15 milliards d'euros - ne seront pas versés au budget de l'État, car vous souhaitez en faire bénéficier quelques centaines de milliers de privilégiés. Et vous voulez faire financer ce choix par les collectivités, donc par les impôts locaux du plus grand nombre. Ce n'est pas cela, l'équité !
La même observation vaut pour la protection sociale et les comptes de la sécurité sociale. Ils sont, depuis 2002, particulièrement malmenés.
La compétitivité, selon vous, nécessiterait de réduire le coût du travail. À aucun moment, vous n'envisagez de réduire les coûts financiers ou le coût de la rémunération des actionnaires ! Au contraire, vous développez les allégements ou les exonérations des cotisations sociales. Ces mesures constituent près de 30 % des dépenses budgétaires dites d'intervention !
Devenant trop voyant, le montant des exonérations non compensées a été subtilement « cantonné » dans les comptes de l'ACOSS, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Mais, aujourd'hui, 3 milliards à 5 milliards d'euros d'exonérations sociales ne sont pas compensés à la sécurité sociale par le budget général, ce qui creuse le déficit de l'une - encore aggravé par les coûts financiers que lui impose cette situation- en réduisant artificiellement celui de l'autre !
Ce choix de l'allégement du coût du travail a un coût à la fois économique et social.
Économiquement, on en retrouve trace en dernière instance dans l'amélioration de la rentabilité financière des entreprises, qui ne solidifie en rien leur position sur le territoire national.
Quant au coût social, il est très élevé : extension du travail à temps partiel imposé, généralisation des bas salaires, non-reconnaissance de la qualification des salariés, développement des formes atypiques d'horaires de travail, qu'il s'agisse de l'annualisation, du forfait jours, du travail de nuit et de week-end.
L'opération idéologique en cours sur les heures supplémentaires vise clairement à alléger encore et toujours le coût du travail, à accroître la rentabilité financière à court terme des entreprises et engage par conséquent sur une pente dangereuse l'ensemble de la politique budgétaire de la nation.
Il va sans dire que nous ne partageons pas les priorités que vous proposez.
Les choix politiques des dernières années, que vous voulez confirmer et amplifier en 2008, n'empêchent ni le creusement de notre déficit commercial extérieur, ni l'atonie de notre production industrielle, ni la destruction progressive de notre appareil de production ! D'ailleurs, l'INSEE vient de nous indiquer que les constructeurs automobiles français réalisaient désormais plus de véhicules dans leurs usines implantées à l'étranger que dans celles qui sont situées sur le sol français !