Leur nombre croît plus vite que le celui des contribuables assujettis à l'ISF.
Selon les données dont dispose la commission des finances, en 2005, les fuites de bases imposables vers l'étranger auront atteint 2, 2 milliards d'euros, qui, pour l'essentiel, ne seront plus investis plus en France.
Sur la période comprise entre 1997 et 2005, le montant total cumulé des bases imposables des assujettis à l'ISF qui se sont délocalisés a atteint 16 milliards d'euros. Et encore cette somme ne correspond-elle qu'aux seules bases imposables. Si l'on considère que le patrimoine total des personnes physiques délocalisées est en moyenne de 50 % à 100 % plus élevé que leur patrimoine imposable à l'ISF - cela a été confirmé par une enquête de la direction générale des impôts en 2001 -, ce sont entre 24 milliards et 32 milliards d'euros appartenant à des redevables à l'ISF qui se sont délocalisés au cours de cette période !
En outre, l'âge moyen des redevables à l'ISF est de soixante-six ans, alors que celui des assujettis qui se délocalisent n'est que de cinquante-trois ans.
Dans son rapport sur le projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, M. Gilles Carrez, le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, expliquait : « Les expatriés ne sont donc plus seulement des rentiers, mais de plus en plus de jeunes entrepreneurs dont le départ entraîne une perte de dynamisme économique pour notre pays. » Par conséquent, le retour des patrimoines expatriés constitue bien un enjeu économique et social majeur.
Le projet de loi que nous examinerons à partir de demain tente de stopper cette hémorragie. À cet effet, plusieurs mesures sont proposées pour améliorer l'attractivité de la France et inciter les contribuables à rester ou à revenir dans notre pays.
Ainsi, le « bouclier fiscal » sera notamment abaissé de 60 % à 50 %, CSG et CRDS incluses. De même, les droits de mutation à titre gratuit seront réduits et une réduction de l'ISF sera instituée en faveur des investissements dans les PME et des dons au profit d'organismes d'intérêt général, dans la limite de 50 000 euros par an.
Néanmoins, les informations recueillies par notre collègue Jean-Pierre Cantegrit au sein de la communauté des Français établis hors de France font apparaître que de telles dispositions, si elles peuvent permettre d'enrayer le mouvement d'expatriation des patrimoines, ne sont pas suffisantes pour inciter les détenteurs de patrimoines importants au retour.
Or, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le montant total de ces patrimoines, manifestement sous-estimé par les services de l'État, représente des milliards d'euros qui pourraient être utilement réinvestis en France.
Notre rapporteur général propose donc d'aller plus loin, en permettant l'autoliquidation, au moment de la déclaration de l'ISF, du montant du droit à restitution prévu dans le cadre du bouclier fiscal. Il suggère également la création d'un nouveau régime de résident fiscal temporaire octroyé sur agrément et dans certaines conditions. Inspiré du régime britannique des « résidents fiscaux non domiciliés », un tel système compléterait le dispositif d'impatriation et permettrait à certains contribuables de n'être imposés que sur leurs revenus de source française situés en France.
Cette idée reprend l'une des propositions formulées par notre collègue Christian Gaudin dans son rapport d'information de la mission commune d'information sur la notion de centre de décision économique et les conséquences qui s'attachent, en ce domaine, à l'attractivité du territoire national, qui était présidée par vous-même, monsieur le rapporteur général.
Cependant, même avec ces mesures supplémentaires, j'ai noté la grande prudence avec laquelle vous évoquez le retour des contribuables expatriés pour des raisons fiscales. Dans l'entretien que vous venez d'accorder au Journal du dimanche, vous vous refusez d'ailleurs à donner une évaluation chiffrée et vous reconnaissez que des personnes établies à l'étranger seront amenées à se poser des questions mais que, pour autant, elles ne prendront pas mécaniquement la décision de rentrer en France. Cette prudence traduit votre grande connaissance du phénomène de délocalisation des patrimoines.
Faire revenir nos compatriotes expatriés pour des raisons fiscales ne sera pas chose aisée.