Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 24 juillet 2007 à 16h00
Orientation budgétaire — Suite d'un débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, douze milliards d'euros, au lieu des huit annoncés : voilà le montant du déficit du régime général de la sécurité sociale pour 2007.

C'est la traduction en chiffres de l'échec des deux réformes phares de la précédente législature : celle de François Fillon sur les retraites et celle de Philippe Douste-Blazy sur l'assurance maladie.

Ce chiffre est d'autant plus surprenant que nous avons tous en mémoire le communiqué triomphant de Xavier Bertrand, ministre de la santé, et de Philippe Bas, ministre de la sécurité sociale, au mois de mars dernier. Après avoir détaillé les résultats des comptes sociaux pour l'année 2006, ils annonçaient alors « un redressement plus rapide que prévu ».

Il est vrai que nous étions alors en pleine campagne pour l'élection présidentielle : ni la sincérité ni la lucidité n'étaient visiblement de mise.

Dès le 29 mai dernier, c'est d'abord le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie qui a tiré la sonnette d'alarme devant l'emballement des dépenses de santé en 2007. La Cour des comptes a confirmé la situation et, le 4 juillet, vous avez dû annoncer la mise en place d'un plan de redressement dont les mesures, pour urgentes qu'elles soient, ne cache pas leur insuffisance au regard de l'ampleur du déficit.

Pourquoi un tel décalage entre les comptes de 2006 et ceux de 2007 ? Ce résultat était-il prévisible à défaut d'avoir été anticipé ? Malheureusement, oui. En effet, ce dérapage n'a rien d'étonnant tant il était inscrit en germe dans la dernière loi de financement de la sécurité sociale.

En 2006, le déficit de la sécurité sociale incluant l'ensemble des régimes de base et le FSV a été réduit de 3 milliards d'euros, passant de 14, 2 milliards d'euros en 2005 à 10, 9 milliards d'euros.

Le déficit du régime général a été ramené, quant à lui, à 8, 7 milliards d'euros. Cette réduction n'est certes pas négligeable, mais elle est, hélas, un trompe-l'oeil puisqu'elle est notamment due à une recette exceptionnelle et non reconductible : celle qu'a fournie l'anticipation des prélèvements sociaux sur les plans d'épargne-logement.

Au demeurant, cette progression des recettes n'empêchait pas toutes les branches - famille, maladie, retraite, accidents du travail et maladies professionnelles - d'être « dans le rouge ». Elle masquait surtout une hausse des dépenses plus forte que prévue dans les branches maladie et retraite.

La réduction spectaculaire du déficit de la branche maladie, qui est passé de 8 milliards à 5, 9 milliards d'euros grâce à une palette de mesures portant sur le médicament - essentiellement des déremboursements -, n'a cependant pas permis le respect de l'ONDAM. II a été en effet dépassé de 1, 2 milliard d'euros. C'est un résultat de mauvais augure pour l'avenir.

Quant aux prestations de retraite, elles ne cessent d'augmenter depuis 2005 du fait du départ en retraite de la première génération du baby-boom, de la montée en charge des retraites anticipées et de l'échec du maintien en activité des seniors. Cette évolution se poursuit naturellement en 2006. Une telle situation structurelle ne peut qu'être amenée à se prolonger dans le temps.

Le constat était clair dès 2006 : les déficits les plus lourds sont concentrés sur les branches maladie et retraite, des branches dépourvues de perspectives de redressement à long terme.

Nous aurions pu croire que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 tiendrait compte de cette réalité. Eh bien non ! Celui-ci a été élaboré en fonction des désirs des gouvernants et non de la situation du pays. Il reflète l'état de comptes sociaux tels que les responsables auraient voulu qu'ils soient et non tels qu'ils sont.

Pourtant, vous aviez été mis en garde par le Parlement. Lors de la discussion générale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, je me souviens avoir dit que la baisse pour 2006 « est largement fictive et que les prévisions sur lesquelles s'appuient les annonces pour 2007 sont au mieux optimistes, au pire délirantes ».

Hélas ! vous n'avez eu que dédain pour toute parole contredisant vos annonces. Comme d'habitude, vous avez refusé d'entendre ce qui venait de l'opposition. Mais pourquoi avez-vous ignoré également les avertissements de M. Vasselle, votre rapporteur pour l'assurance maladie, qui avait alors, en termes politiquement corrects, clairement exprimé ses doutes sur la réalité du déficit annoncé, parlant notamment d'insuffisance dans les hypothèses formulées par le Gouvernement.

Aussi peut-on légitimement se demander si votre échec n'est pas plus voulu que subi : en sous-estimant les besoins, le Gouvernement a évité que l'échec de la réforme des retraites et de l'assurance maladie, dont il se gargarisait, handicape la campagne de la droite. Ce choix entraînant par la suite l'intervention du comité d'alerte, vous pouvez à présent justifier le resserrement immédiat de la prise en charge et, à plus long terme, l'instauration de franchises ainsi que la mise en place de la TVA sociale.

Une méthode particulièrement cynique mais diablement efficace : vous organisez la débâcle puis, au nom des nécessités financières, vous déplacez la ligne entre ce qui est à la charge de la collectivité et ce qui reste à celle de l'assuré. Cette méthode n'a abouti jusqu'à présent qu'à développer l'activité des assurances privées, au prix de l'explosion des inégalités sociales et territoriales en termes d'accès aux soins, sans rien changer sur le fond s'agissant du niveau des déficits.

Ainsi, comme on pouvait s'y attendre, l'aggravation des comptes en 2007 est une nouvelle fois principalement liée à l'augmentation des charges de la branche maladie et de la branche vieillesse.

Le déficit atteint le record de 12 milliards d'euros, aidé dans son envol par le refus de l'État d'honorer sa dette de 6 milliards d'euros et par une politique toujours plus extensive d'exonérations de cotisations sociales. Or nous savons que les 23, 9 milliards d'euros que coûte cette politique ne sont pas entièrement compensés par l'État.

En effet, l'État a substitué, en 2006, le produit de neuf taxes et droits à la logique de compensation des coûts. Or si les exonérations de charges sociales sont chaque année plus importantes que prévues et croissent exponentiellement, les recettes des taxes, elles, ne sont pas dynamiques. C'est donc la sécurité sociale qui finance la politique de l'emploi du Gouvernement.

Si on n'a guère vu les effets de cette politique - qui se résume à des allégements fiscaux - sur la création d'emplois dans notre pays, la charge pour la solidarité nationale, elle, ne devrait cesser de s'alourdir. En effet, l'exonération de cotisations sociales pour les heures supplémentaires, dont nous parlerons ici même demain, devrait encore accroître le coût de ces allégements d'au moins 4 milliards d'euros en 2008, voire plus, ...

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