Intervention de René-Paul Savary

Commission des affaires sociales — Réunion du 4 juillet 2018 à 9h30
Conditions de réussite d'une réforme systémique des retraites — Compte rendu des déplacements en italie en suède au danemark et en allemagne - communication au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale

Photo de René-Paul SavaryRené-Paul Savary, rapporteur :

Nous nous étions engagés à vous livrer régulièrement des informations au sujet de la préparation de la réforme systémique des retraites, cette communication constitue un rapport d'étape relatif aux trois déplacements que nous avons réalisés en Italie en janvier, en Suède et au Danemark en mars et en Allemagne en avril.

En inscrivant l'été dernier, à son calendrier social, la promesse de campagne du Président de la République d'une réforme systémique des retraites, le Gouvernement a sans doute engagé la réforme la plus difficile du quinquennat.

Les retraites ne sont pas seulement la plus importante dépense sociale et publique de notre pays - 315 milliards d'euros par an, soit près de 14 % de notre richesse nationale -, elles concernent surtout chacun d'entre nous, jeunes, actifs, retraités. Elles interrogent notre rapport au travail, à la famille, à la solidarité mais aussi à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Notre commission a pris la mesure de la promesse du Président de la République et s'est donné les moyens de participer pleinement au débat en lançant, dès décembre dernier, des travaux sur les conditions de réussite d'une réforme systémique des retraites en France.

Nous le devions en cohérence avec la position ancienne de notre commission, qui dès 2001 soulignait les mérites des réformes systémiques entreprises en Suède et en Italie et commandait, en 2009, le fameux rapport du Conseil d'orientation des retraites (Cor) sur les modalités techniques de remplacement du système actuel par un régime par points ou en comptes notionnels, qui demeure de référence.

Au cours de ce semestre, nous avons contribué à lancer le débat national sur la réforme en organisant le colloque du 19 avril dernier au Sénat dont les actes vont être publiés à l'issue de cette réunion. Ils constituent un document inédit présentant les forces et les faiblesses du système actuel et dessinant les perspectives et les difficultés soulevées par le projet de réforme.

J'ai également rencontré depuis près d'un an, en tant que rapporteur « assurance vieillesse », l'ensemble des régimes de retraite de notre pays en particulier les régimes spéciaux dont il importe de mieux connaître l'histoire pour en comprendre les spécificités.

C'est également dans le cadre de ces travaux, que nous avons initié, en lien avec le Haut-commissaire chargé de la réforme des retraites Jean-Paul Delevoye, des déplacements dans trois pays ayant mis en oeuvre des réformes systémiques dans les années 1990 : l'Allemagne, la Suède et l'Italie. Bien qu'il n'ait pas mené de réforme systémique à part entière, le Danemark, où nous sommes allés au retour de Stockholm, offre une expérience de la capitalisation tout à fait intéressante.

Nous y avons rencontré à chaque fois les responsables politiques et administratifs des retraites, les partenaires sociaux ainsi que des universitaires. Ces entretiens nous ont permis de prendre conscience de l'importance du contexte historique, démographique, social et économique dans lequel s'inscrivent chacune de ces réformes ou plus exactement de ces « paquets de réforme » :

- en Allemagne, l'impératif de compétitivité économique des entreprises, dégradée à la fin des années 1990, explique la priorité affichée des réformes, non plus de maintenir le niveau des retraites, mais de sécuriser leur financement sans augmenter le taux de cotisation. La Cour des comptes rappelait en 2015 que les retraités allemands avaient perdu 10 % de leur pouvoir d'achat entre 1991 et 2013 alors que celui des retraités français demeurait stable ;

- en Italie, la contrainte démographique est au coeur des préoccupations avec une population de 25 millions de retraités sur 60 millions d'Italiens, une baisse importante du nombre des naissances et un exil massif des jeunes confrontés à la précarité et au chômage ;

- en Suède et au Danemark, j'ai été frappé par la relative tranquillité de tous les acteurs, y compris des syndicats de salariés, à envisager le recul de l'âge de départ à la retraite. La culture scandinave promouvant des rythmes plus souples - il nous a été impossible d'auditionner après 16 h 30 ! - un cadre de travail agréable et une gestion des fins de carrière plus adaptée a depuis longtemps favorisé le travail des seniors.

Nous sommes donc rentrés de ces déplacements avec la conviction qu'il est impossible d'importer tel quel un modèle de réforme. La réforme systémique dans notre pays ne réussira que si nous façonnons un modèle de réforme « à la française » : respectueux de notre histoire et de notre choix collectif d'assurer un bon niveau de vie aux retraités. Nous dépensons en moyenne pour les retraites deux points de PIB de plus que nos partenaires de l'OCDE.

Au-delà de cette conviction, nous avons dressé la liste des dix enseignements tirés de ces expériences étrangères éclairent le débat sur la réforme en France.

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