Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Commission des affaires sociales — Réunion du 4 juillet 2018 à 9h30
Conditions de réussite d'une réforme systémique des retraites — Compte rendu des déplacements en italie en suède au danemark et en allemagne - communication au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général :

Enseignement n° 1 : la France n'a pas à rougir des réformes des retraites accomplies qui ont permis de maîtriser la trajectoire des dépenses de retraite comme l'ont fait les quatre pays visités.

Dans les années 1990, tous les pays européens prennent conscience du choc démographique que représente l'allongement de la durée de la vie et la perspective de l'arrivée à la retraite des générations du baby-boom. L'arrivée à l'âge de la retraite de ces générations, nombreuses et au sein desquelles le taux d'emploi des femmes est important, menacent alors la soutenabilité financière des régimes de retraites européens, fonctionnant en répartition et assurant un haut niveau de pension.

C'est dans le but de répondre à ce défi démographique qu'ont été menées les réformes dites systémiques en Allemagne en 1992, en Suède entre 1994 et 1998 et en Italie en 1995.

Ces réformes systémiques, qui entraînent un changement complet des règles d'accumulation des droits à retraite et de leur liquidation, ont été entreprises en même temps que la première grande réforme paramétrique des retraites menée en France : celle du gouvernement d'Édouard Balladur en 1993, à la suite du Livre blanc commandé par Michel Rocard deux ans auparavant.

Sans réforme, les dépenses de retraite auraient fortement augmenté partout en Europe.

En Italie, la part des dépenses de retraite dans le PIB serait passée de 14 % en 1992 à 23 % en 2040, alors que les projections actuelles indiquent qu'elles demeureront stables, entre 15 et 16 %, soit le niveau d'aujourd'hui.

En Suède, les réserves financières qui atteignaient dans les années 1980 un montant de 40 % du PIB auraient été épuisées en 2015. L'importance de ces réserves financières a été un facteur clé de la réussite de la réforme et a permis d'en amoindrir certains effets.

En France, la part des retraites dans le PIB qui était de 11 % en 1990 aurait atteint 20 % à l'horizon 2060.

Or, comme le montre le dernier rapport du Conseil d'orientation des retraites, la part des retraites dans la richesse nationale, qui est aujourd'hui de 13,8 %, n'augmentera que d'un demi-point maximum en 2070, dans le pire scénario de croissance de la productivité du travail, et diminuera même dans tous les autres scénarii.

Il est donc important de souligner l'effort de réforme accompli par la France qui a réagi avec responsabilité pour maîtriser ses dépenses de retraite.

Le second enseignement tiré est que, contrairement au projet de réforme annoncé en France, les réformes systémiques observées n'avaient pas pour objectif d'unifier l'architecture du système de retraite.

L'unification des régimes avait été, soit entreprise au préalable comme en Italie ou en Suède, soit écartée comme en Allemagne.

En Suède, l'affiliation des fonctionnaires au régime général remonte aux années 1980. Le système était donc unifié avant la réforme systémique. De plus, l'ensemble des données de carrière individuelles, nécessaires à l'instauration des comptes notionnels étaient connues et stockées dans les bases.

En Italie, « le labyrinthe des pensions » que constituaient les 200 caisses de retraite avait commencé à être simplifié par une première réforme des retraites en 1992. La réforme systémique de 1995, la réforme Dini, a approfondi l'unification en mettant fin aux fonds spéciaux dans les secteurs de l'électricité, de la téléphonie et de l'aviation.

S'ils demeurent aujourd'hui juridiquement distincts, les 50 régimes de retraite existant encore en Italie fonctionnent selon les mêmes règles et sont tous gérés par l'Institut national de la protection sociale (INPS), qui est la première administration de l'État italien.

Ne demeurent plus que quelques cas particuliers : les personnels de défense, de sécurité et de secours comme les pompiers.

En Allemagne, le système de retraite s'est construit, comme en France, sur un modèle assurantiel organisé à partir des différentes catégories professionnelles.

La réforme systémique n'a pas supprimé les régimes spécifiques. Si le régime général, dit DRV, verse les trois-quarts des pensions, il existe encore :

- des régimes spéciaux pour les cheminots et les marins ;

- un régime spécial des fonctionnaires, au sein duquel l'État employeur supporte l'intégralité du financement et qui continue à être géré en annuités et non en points comme le régime général ;

- des régimes spécifiques pour les travailleurs indépendants, alors qu'ils ne sont pas tous soumis à l'obligation de cotiser à une assurance vieillesse (en particulier les chefs d'entreprise et les commerçants). Les professions libérales continuent à être gérées par plus de 89 caisses professionnelles et régionales et il existe aussi un régime des exploitants agricoles.

Au regard de l'ambition du Gouvernement en France d'unifier les 42 régimes de retraite, le modèle italien, dans lequel des règles et une administration communes régissent des régimes distincts, constitue un exemple intéressant de gouvernance du futur système au moins dans une période transitoire.

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