Enseignement n° 7 : les systèmes visités combinent de façon équilibrée une gestion en répartition pour leur régime de base et en capitalisation pour leurs régimes complémentaires.
En Suède, la capitalisation est présente dans les trois étages du système :
- dans l'étage de base, le taux de cotisation s'élève à 18,6 %, dont 16,1 points alimentent les comptes notionnels gérés en répartition et 2,5 points un fonds de pension, choisi par l'assuré, géré en capitalisation.
Nous avons visité le plus grand des 800 fonds de pension gérant cette partie du régime de base : le fonds AP7.
Considéré comme le fonds du non-choix, pour les assurés qui refusent de choisir un fonds de pension, AP7 est un fonds gouverné par les partenaires sociaux. Il réalise des performances de long terme tout à fait satisfaisantes avec une politique de placement équilibrée ;
- l'étage complémentaire concerne uniquement les travailleurs salariés (90 % sont couverts) et est organisé en quatre fonds de pension résultant d'accords collectifs de retraite complémentaire négociés dans les secteurs des services (cols blancs), de l'industrie et de l'agriculture (cols bleus), de la fonction publique d'État et des collectivités locales.
Cet étage complémentaire est important pour les salariés dont les rémunérations dépassent le plafond de cotisation du premier étage. Les cotisations employeurs peuvent y être très importantes et elles sont perçues comme un élément de rémunération différée du salarié. La sortie du fonds peut se faire en capital ou en rente, dès 55 ans ;
- enfin, l'étage supplémentaire qui prend la forme de contrats individuels de prévoyance.
L'organisation du système de retraite au Danemark est similaire à celui de la Suède et laisse une place importante également à la capitalisation.
Un premier pilier en répartition sert une pension de base, correspondant à un minima social de subsistance. Le taux de remplacement est surtout le fait des deuxième et troisième piliers de retraite complémentaire, collective et individuelle, intégralement gérés en capitalisation.
Deux dimensions, présentes à un moindre degré en Suède, m'ont marqué au Danemark :
- les Danois ne conçoivent pas la retraite comme une prestation sociale mais comme un salaire différé et les cotisations sont considérées comme une épargne et non comme un prélèvement obligatoire. Les assurés négocient individuellement les cotisations sociales que leurs employeurs et eux-mêmes consacrent au financement du second pilier en capitalisation ;
- le système danois est considéré comme l'un des plus performants au monde réussissant à allier un bon niveau de prestations retraite avec une excellente soutenabilité financière puisque l'essentiel des dépenses contributives est provisionné.
En Allemagne également, la capitalisation occupe une place de plus en plus importante à travers deux étages complémentaires, l'étage de base étant géré en points et par répartition :
- un étage complémentaire collectif qui concerne les contrats d'entreprises, devenus un droit depuis 2003. Cette couverture complémentaire est très développée dans le secteur de l'industrie mais ne concerne que moins d'un quart des salariés ;
- un étage complémentaire individuel avec les « plans Riester ». Instaurés par la réforme des retraites de 2001, ces plans sont censés compenser la diminution du taux de remplacement du premier pilier.
Ces contrats individuels, qui prennent généralement la forme d'un contrat de prévoyance aux profils plus ou moins risqués, bénéficient d'avantages fiscaux et d'une subvention publique notamment pour les enfants. Un tiers des actifs en 2017 avait souscrit un contrat de ce type.
En combinant répartition et capitalisation, ces pays tirent profit des avantages des deux systèmes : la stabilité et le rendement garanti de la répartition ; le provisionnement et l'absence de sensibilité à la démographie permis par la capitalisation.
Aucun débat n'émerge pourtant à ce stade sur la question de la capitalisation en France. Les esprits, en particulier des partenaires sociaux, ne semblent pas encore assez mûrs...
Si les premières pistes avancées par le Haut--commissaire, d'un large système universel couvrant les rémunérations jusqu'à trois plafonds de la sécurité sociale soit près de 10 000 euros par mois, étaient retenues il n'y aurait alors plus de place pour un étage complémentaire important.
Cela rejoindrait l'architecture du système italien qui a mis en place un second étage de retraite complémentaire individuelle en capitalisation mais qui demeure très peu développé.
De façon surprenante, alors que le projet de réforme systémique en est à ses balbutiements, le projet de loi « Pacte » réforme d'ores et déjà les produits d'épargne retraite supplémentaire existant en France. Il vise à en simplifier l'offre, à en faciliter la portabilité et à en alléger la fiscalité, mais plus avec un objectif de réorientation de l'épargne vers le financement de l'économie qu'avec un objectif d'épargne retraite.
Nous suggérons de mener une réflexion plus globale sur le développement pérenne d'un troisième (ou second ?) étage de retraite supplémentaire en fonction de l'architecture retenue pour le futur système.
Favoriser les produits d'épargne retraite individuelle ou collective permettrait, au niveau des complémentaires, d'augmenter le taux de remplacement des retraités concernés, de mieux se protéger contre le risque démographique mais également d'orienter davantage l'épargne des Français vers le financement de long terme de l'économie.