Intervention de Jean-Marie Vanlerenberghe

Commission des affaires sociales — Réunion du 4 juillet 2018 à 9h30
Conditions de réussite d'une réforme systémique des retraites — Compte rendu des déplacements en italie en suède au danemark et en allemagne - communication au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale

Photo de Jean-Marie VanlerenbergheJean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général :

Enseignement n 8 : les dispositifs de solidarité sont parfaitement transposables dans des systèmes en points ou en comptes notionnels.

Bien évidemment, des dispositifs de solidarité existent dans chacun des systèmes de retraite des pays que nous avons visités :

- nous y retrouvons l'équivalent de notre minimum vieillesse, à des niveaux variables : légèrement inférieur en Suède (829 euros) et soumis à un critère de durée de résidence sur le sol national, beaucoup moins important en Allemagne (un peu plus de 400 euros). En Suède et au Danemark, ces pensions minimales sont complétées par des aides au logement ;

- des droits familiaux de retraite : la réforme des retraites de 2014 en Allemagne les a d'ailleurs augmentés pour les mères de famille en relevant les bonifications pour chaque enfant qui permet désormais d'obtenir non plus une mais trois années de bonifications pour la retraite. Des droits similaires sont attribués en Italie et en Suède ;

- des pensions de réversion : la Suède considère pourtant cette prestation comme contraire à l'égalité entre les femmes et les hommes et ne la verse que pendant un an, à la suite du décès du conjoint.

La part de la solidarité, souvent financée directement par le budget de l'État, demeure élevée dans les systèmes réformés.

L'Allemagne consacre sa première dépense d'intervention civile au système de retraite avec une dépense globale de plus de 80 milliards d'euros par an réparties entre le financement des dispositifs de solidarité (25 milliards d'euros), des avantages familiaux de retraite (15 milliards) et une subvention d'équilibre dont l'objectif est d'éviter un relèvement des taux de cotisation (40 milliards d'euros).

La réforme en France doit être l'occasion de remettre à plat et de simplifier le financement de la solidarité au sein de la branche vieillesse. Notre commission en avait souligné les limites dans son rapport sur le fonds de solidarité vieillesse, signé de nos anciens collègues Gérard Roche et Catherine Génisson.

La solidarité représente environ 20 % des dépenses de retraite, soit une part équivalente à celle de l'Allemagne. Nous considérons que l'effort doit être maintenu dans le futur système ! Restent à en définir les modalités...

Enseignement n° 9 : la durée de la transition entre l'ancien et le nouveau système est un facteur clé de la réussite d'une réforme systémique.

On oppose souvent les exemples italiens et suédois.

En 1995, la réforme Dini qui substituait au système « rétributif », plus généreux, le système contributif ne concernait pas les actifs ayant plus de 18 ans d'ancienneté sur le marché du travail (générations nées jusque dans les années 1970) au moment de la réforme.

Les actifs travaillant depuis moins de 18 ans passaient sous un système mixte et seuls les nouveaux entrants sur le marché du travail étaient pleinement touchés par la réforme.

Cette transition longue - plus de 40 ans - a été reprochée à la réforme Dini puisque ses effets ne pouvaient être perçus qu'à partir de... 2031. Les réformes postérieures et en particulier la réforme Fornero ont accéléré la montée en charge du système contributif en réponse à la crise de l'endettement public italien.

Lors du colloque au Sénat, l'ancien vice-ministre du travail qui a conduit la réforme Fornero, Michel Martone, a parlé à propos de cette transition longue « d'égoïsme générationnel qui protège les travailleurs en activité et reporte les conséquences les plus dures sur les générations suivantes ».

La Suède avait placé au coeur de sa réforme l'objectif d'équité intergénérationnelle et de partage équilibré de l'effort entre les générations. Elle a donc fait le choix d'une transition plus courte, sur 20 ans.

Nous sommes enclins à considérer que c'est un calendrier raisonnable pour la réforme française.

Une transition plus longue fait courir le risque italien d'un report excessif dans le temps des effets de la réforme. Nous manquerions alors l'objectif d'équité intergénérationnelle.

Une transition plus courte menacerait en revanche l'unification des régimes de retraite. Cet objectif implique une convergence des taux de rendement entre les 42 régimes, ce qui supposera pour certains des augmentations de cotisations. Pour qu'elles puissent être acceptables, elles devront être lissées dans le temps et une période d'au moins 10 à 15 ans semble raisonnable.

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