Intervention de Éric Lombard

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 4 juillet 2018 à 10h00
Audition de M. éric Lombard directeur général de la caisse des dépôts et consignations

Éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations :

Nos missions recoupent largement celles du Sénat, qui est la chambre des collectivités territoriales, ainsi que le programme de travail de votre commission, qu'il s'agisse d'aménagement du territoire, de couverture numérique, de développement durable ou de mobilités. Nous partageons l'objectif de contribuer à l'égalité des territoires, afin qu'aucun d'entre eux ne soit oublié.

Depuis six mois, je me suis rendu sur le terrain auprès des élus de toutes les régions métropolitaines à l'exception, pour le moment, de la Corse. Cela explique au demeurant mes difficultés d'agenda : je n'ai bien sûr aucune réticence à vous rencontrer, d'autant que la Caisse des dépôts est placée sous la protection spéciale du Parlement. J'ai pu me rendre compte de l'énergie qui émane de nos territoires et de l'innovation dont ils font preuve, mais aussi du besoin d'expertise au service du développement territorial.

L'histoire de la Caisse a partie liée avec les grandes évolutions qu'a connues le pays ; et l'urgence, à notre époque, est de lutter contre les fractures territoriales. J'ai donc souhaité créer la Banque des territoires.

Notre institution peut parfois être perçue comme manquant de transparence ; c'est pourquoi je l'ai réorganisée autour de cinq métiers, pour plus de lisibilité. D'abord le financement des entreprises est confié à Bpifrance, filiale à 50 % de la Caisse des dépôts et de l'État. Le deuxième métier est celui d'investisseur institutionnel à travers la gestion des actifs. Les deux bilans de la Caisse des dépôts - celui des fonds d'épargne, délégué par l'État, et le bilan propre de la section générale - dégagent 150 milliards d'euros de liquidités investis dans les marchés financiers, principalement pour le financement des entreprises françaises, en capital ou en dette, et de l'État. Ils sont source de revenus pour la Caisse des dépôts.

Le troisième métier, moins connu, est celui de gestionnaire de régimes de retraite et d'acteur de la formation professionnelle. Nous gérons les retraites d'un cinquième des Français, notamment à travers l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec) et la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL). Notre implication dans la formation professionnelle s'est renforcée depuis quelques années et, comme vous le savez, le Gouvernement a choisi, dans le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, de confier à notre institution la gestion du nouveau compte personnel de formation (CPF).

Le quatrième métier est le suivi de nos grandes participations et de nos filiales, dont la Caisse des dépôts Habitat, ex-SNI, Transdev, Egis, la Compagnie des Alpes, la Compagnie nationale du Rhône ou CNP Assurances.

Enfin, le dernier métier, qui nous intéresse aujourd'hui, est le soutien au développement territorial. Nous avons décidé de le réorganiser à travers la création de la Banque des territoires lancée le 30 mai dernier en présence de certains d'entre vous. Des réunions de lancement se poursuivent dans les territoires - à Lyon, ou à Besançon hier.

La Banque des territoires a vocation à fédérer l'expertise au service des projets des territoires et du logement social. Nous voulons porter nos engagements jusqu'à 20 milliards d'euros par an dont 18 milliards sous forme de financements, un milliard - bientôt deux - en capital pour accompagner les territoires, notamment grâce aux financements de sociétés d'économie mixte. Nous nous appuierons pour cela sur notre réseau territorial de 35 implantations dont le poids sera renforcé, avec davantage d'autonomie et de pouvoir d'engagement.

Le projet de la Banque des territoires est de faire plus, mieux et plus simple. D'abord avec une plateforme digitale unique présentant l'ensemble de l'offre à tous nos clients, où toutes les opérations sont automatisées - c'est notamment le cas de 95 % des opérations de financement du logement social ; ensuite avec un référent unique pour nos interlocuteurs du territoire, susceptible d'apporter une réponse en moins de cinq jours, au moins sur le délai et les modalités de traitement ; et enfin grâce à une déconcentration sur les territoires.

En matière de gouvernance, nous sommes autonomes mais au service des politiques publiques. Dans les prochaines semaines, nous allons réfléchir à l'articulation avec la future ANCT, avec son préfigurateur, Serge Morvan, et les préfets de région. L'autonomie n'exclut pas la coopération. Nous travaillons étroitement avec l'État dans toutes nos actions.

Il nous est parfois reprocher de ne financer que les projets importants. Or 68 % de nos prêts ont été contractés à l'échelon communal, dont 60 % par des communes de moins de 3 000 habitants. L'effet de levier est considérable, car la Caisse des dépôts rassure les investisseurs : un euro investi en capital amène 7 euros de capital privé.

Quelques illustrations concrètes : dans les Hauts-de-Seine, nous avons initié la SEMOP de Châtenay-Malabry, qui aménagera 2 000 logements et 45 000 mètres carrés de bureaux ; à Trélazé, la Caisse des dépôts a investi trois millions d'euros dans une résidence de services innovante à mi-chemin entre le domicile et l'EHPAD ; dans le Bassin minier, nous sommes impliqués, à travers Maisons et Cités, dans la rénovation de 20 000 logements en dix ans ; enfin, à Nantes, nous avons financé des opérations de rénovation dans le quartier de la Création, mais aussi dans le quartier difficile de Malakoff.

À l'heure de l'examen du projet de loi ELAN, nous allons muscler nos interventions pour soutenir le logement social, et notamment la rénovation thermique, qui bénéficie à la fois au locataire et à la planète, et la construction. J'ai présenté en avril dernier un plan de 10 milliards d'euros, dont 9 milliards de financements et 1 milliard de capital au bénéfice des bailleurs sociaux.

La Banque des territoires vise à mieux articuler nos offres. Le programme Coeur de ville, dont bénéficieront 222 communes, choisies par la Caisse des dépôts et le Gouvernement, rompt avec la méthode traditionnelle d'action verticale pour se mettre à l'écoute des territoires et des projets des élus. Nous mettrons à leur service nos outils et ceux d'Action logement et de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH). La première convention dans ce cadre a été signée à Lunéville en juin ; à Châtellerault et à Libourne ont été lancés les premiers démonstrateurs de l'opération « Centres-villes de demain ».

La revitalisation est donc à l'oeuvre, renforcée par la proposition de loi de Martial Bourquin et Rémy Pointereau que votre assemblée a récemment votée. La Caisse des dépôts va investir un milliard d'euros de fonds propres et 700 millions sur fonds d'épargne pour financer l'ingénierie dont nos villes ont grand besoin. La Caisse des dépôts s'est ainsi impliquée à Vierzon, où une licorne - une entreprise récente déjà fortement valorisée en bourse - est implantée.

Au titre de « Coeur de ville », nous avons à ce jour conclu neuf conventions cadres, et 37 sont en cours de préparation. À Fécamp notamment, nous accompagnons le projet urbain de la commune et de l'EPCI Fécamp Caux Littoral.

Autre sujet d'importance, la fracture numérique et les zones blanches : comment des jeunes qui n'ont pas accès au numérique peuvent-ils s'insérer dans les formations modernes ? Depuis 2005, nous sommes entrés dans l'actionnariat de 50 réseaux d'initiative publique, et 450 millions d'euros de prêts ont été alloués. Un exemple : le syndicat THD 59-62, l'un des plus ambitieux de France, qui prévoit 680 000 prises.

Nous souhaitons aussi mobiliser les fonds européens. Je me suis rendu à Bruxelles pour évoquer le troisième volet du plan Juncker, qui donnera un accès direct à la Caisse des dépôts et à ses homologues aux fonds européens affectés aux réseaux et à la lutte contre les zones blanches.

Le développement durable est un sujet transversal. La Caisse des dépôts veut créer de la valeur à long terme, financière mais aussi et surtout sociétale et environnementale. Notre feuille de route « 2 degrés » lancée en 2016 relève de cet objectif. Ainsi, nous avons réduit l'empreinte carbone de nos 150 milliards d'euros d'actifs de 30 % depuis 2014, dépassant l'objectif de 20 % sur la période 2014-2020.

La Caisse des dépôts est engagée au total dans 95 projets locaux de la transition énergétique et écologique, pour 367 millions d'euros de valeur brute l'an dernier et 154 millions pour le premier semestre. Citons notamment l'éolien off-shore à Saint-Brieuc avec Iberdrola, ou le projet Engie/EDPR à Noirmoutier. À travers notre participation dans la Compagnie nationale du Rhône, nous soutenons la production d'hydro-électricité. À Villers-sous-Montrond, dans le Doubs, nous finançons également un projet innovant de valorisation de la biomasse. Nous avons aussi la possibilité d'aider d'autres opérations en matière d'efficacité énergétique à travers le grand plan d'investissement dont nous assurons le secrétariat.

La Caisse des dépôts est une institution précieuse dans la France d'aujourd'hui. Elle ne gère que de l'argent privé, principalement issu du Livret A et des placements des notaires, au service de missions d'intérêt général parmi figure la lutte contre les inégalités. Elle ne coûte par conséquent rien à l'État, au contraire même puisque l'an dernier, nous avons versé 1,9 milliard d'euros au budget national.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion