Cet article 18, de manière subreptice, vise, dans les faits, à favoriser la déréglementation de la notion d’horaire collectif de travail en favorisant le recours à l’annualisation de la durée du travail.
Il est vrai que l’annualisation ne présente aucun caractère d’originalité, puisque les lois Aubry ont prévu le recours à cette forme d’organisation collective de la durée du travail, mais c’était en contrepartie de la réduction du temps de travail, et donc des 35 heures.
Le présent projet de loi, quant à lui, oublie clairement les 35 heures. En revanche, il n’omet pas d’étendre encore plus le recours à l’annualisation, en levant quelques-uns des obstacles qui s’opposaient à sa généralisation. Les motifs économiques propres à certains secteurs d’activité disparaissent, comme l’a dit tout à l’heure Guy Fischer, et l’annualisation n’est plus soumise à l’avis autorisé des services de l’inspection du travail.
Dans le schéma de l’annualisation, travailler la nuit, le week-end ou les jours fériés devient normal et est simplement déduit du volume horaire annuel prévu, sans compensation d’aucune sorte, sinon des congés quasiment forcés quand le contingent horaire est dépassé.
Mais, dans ce schéma de l’annualisation, monsieur le ministre, que deviennent les heures supplémentaires, dont vous venez pourtant, deux articles plus haut, de faciliter le développement en augmentant le contingent annuel utilisable, même bien au-delà de ce qui est nécessaire ?
S’il fallait en croire les auteurs du projet de loi, les entreprises n’auraient jamais fait preuve de la moindre capacité à s’adapter à la situation créée par la loi, n’auraient pas recouru au forfait en jours, aux heures supplémentaires, à l’annualisation, aux horaires atypiques de travail et seraient passées à côté de l’ensemble des réformes du temps de travail inscrites dans le code du travail.
Vous savez pertinemment que tel n’est pas le cas. Rien n’a jamais privé certaines entreprises, par exemple dans les secteurs de la métallurgie ou de l’automobile – PSA a déjà annoncé pour la rentrée une semaine chômée –, de recourir largement au travail posté, faisant régulièrement travailler des salariés le dimanche, et les mettant parfois, à d’autres périodes, en chômage technique.
Aujourd’hui, avec l’article 18, on nous présente comme une avancée de laisser à la négociation collective toute latitude pour fixer, y compris dans le cadre d’un accord d’entreprise et d’établissement, le recours à des modalités spécifiques d’organisation du travail.
La loi permettrait donc demain, aux patrons de PME ou aux directeurs d’usine, d’imposer à leur personnel des conditions de travail négociées sous la pression des événements et mettant en cause la nécessité même du repos. On imagine très bien comment cela se passera : un chantage à la délocalisation ou à la suppression d’emploi, contre le maintien de l’entreprise sous des conditions « rénovées » d’organisation du travail.
Quel bilan fait-on, socialement et économiquement, du recours aux horaires de travail atypiques ? Quelle efficacité économique attend-on de leur généralisation ? Aucune information n’est donnée à ce sujet.
Le seul objectif qui sera atteint, à coup à peu près sûr, c’est celui de la rentabilité du capital. Pour le reste, santé des salariés, retraite, productivité du travail, emploi et croissance, rien n’est sûr, sinon le pire !
La suppression de l’article 18 ne mettra pas un terme à la flexibilité, puisqu’elle existe, sous des conditions « encadrées », dans le code du travail, mais elle nous évitera juste d’avoir à constater, dans les années à venir, que l’emploi est à la traîne d’une improbable croissance.
Nous vous invitons donc, mes chers collègues, à voter notre amendement de suppression.