Intervention de Jean-Michel Blanquer

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 4 juillet 2018 à 10h30
Audition de M. Jean-Michel Blanquer ministre de l'éducation nationale

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale :

Je suis heureux de revenir devant votre commission afin de vous présenter la réforme des baccalauréats généraux et technologiques et celle de la voie professionnelle. Comme vous l'avez fait remarquer, certains éléments importants de ces réformes ne relèvent pas de la loi.

La réforme du baccalauréat suit la méthode que j'ai souhaitée mettre en oeuvre. Au préalable, une vaste consultation menée par Pierre Mathiot, ancien directeur de l'institut d'études politique de Lille, qui a touché l'ensemble des acteurs, sans oublier les 40 000 lycéens qui y ont participé. Cette consultation est, à mon sens, une des raisons de la bonne acceptation de cette réforme. Elle a été suivie d'une phase de concertation avec les organisations syndicales, avant que je ne présente le projet de réforme en conseil des ministres en février dernier.

Un nouveau baccalauréat en 2021 implique une mise en oeuvre de la transformation du lycée général et technologique dès la rentrée scolaire 2018 dans les classes de seconde, puis un déploiement progressif d'ici la rentrée 2020 pour les classes de première et de terminale. Cette ambition s'accompagne d'une refonte des programmes menée par le Conseil supérieur des programmes (CSP), ces derniers devant être prêts à la fin de cette année.

Le nouveau baccalauréat comprendra une épreuve anticipée de français en classe de première puis quatre épreuves terminales en classe de terminale. Ces épreuves compteront pour 60 % de la note finale, dont le point d'orgue sera un grand oral terminal ; innovation majeure, il s'inspire du colloquio italien bien qu'il en diffère par certains aspects.

Cet oral envoie un signal en amont en direction de l'ensemble du système scolaire ; il s'agit de donner une plus grande importance à l'exercice oral, à la capacité à s'exprimer et à argumenter, qui va de pair avec ce que nous souhaitons faire en matière de chant, de théâtre, d'expression orale. On pointe souvent que les élèves français manquent de confiance en eux-mêmes ou que le système scolaire est inhibant. Il s'agit de garder ce qui fonctionne - les contenus riches et structurés des enseignements au lycée ne sont pas remis en cause mais renforcés - tout en changeant ce qui doit l'être.

Outre le grand oral, nous maintenons l'épreuve de philosophie parmi les épreuves terminales, auxquelles s'ajouteront deux autres disciplines de spécialité, choisies par l'élève. Cette nouvelle organisation du baccalauréat aura ipso facto des conséquences directes sur la physionomie des mois de mai et juin dans les établissements du second degré : il s'agit d'en finir avec le mois de juin effiloché. À partir de 2021, le mois de juin sera travaillé par les élèves de seconde et de première et consacré à la préparation de l'épreuve de philosophie et du grand oral pour leurs camarades de terminale. C'est, à mon sens, une des vertus de la réforme.

Ces quatre épreuves terminales compteront pour 60 % de la note finale. Les 40 % restant relèveront, pour 30 % de la note finale, du contrôle continu à partir d'une évaluation régulière lors d'épreuves communes, dans des disciplines qui ne seront pas évaluées dans les épreuves terminales. Ces épreuves communes sont comparables à des « bacs blancs », construits dans un esprit d'équité, à partir de banques de sujets nationales. Elles s'insèrent naturellement dans la scolarité de l'élève et ne doivent en aucun cas être assimilées à des épreuves terminales, ni dans leur organisation, ni dans leur passation. Les 10 % restant relèveront des bulletins scolaires, pour valoriser la régularité de l'effort et la progression des élèves sur le cycle.

Il s'agit d'en finir avec un terme péjoratif issu du baccalauréat : le bachotage, c'est-à-dire réviser pour l'examen et non ce qu'il y a derrière. Au contraire, cette nouvelle organisation donnera plus de force et de sens au baccalauréat, dont une partie des notes seront prises en compte dans Parcoursup. Le baccalauréat 2021 est pleinement inscrit dans le continuum bac-3/bac+3 et sera un tremplin pour la réussite des études supérieures. Il s'agit également d'une démarche de justice : le baccalauréat récompensera l'investissement sur l'ensemble d'un cycle, pas sur une semaine d'épreuves.

Le lycée général et technologique sera en conséquence transformé. Si les séries seront confortées dans la voie technologique, celles-ci étant assez récentes, elles disparaîtront à la rentrée 2019 dans la voie générale. Il s'agit d'en finir avec la hiérarchie implicite et les rigidités qu'engendre leur existence.

Les possibilités de choix des élèves s'en trouveront accrues : ils pourront choisir entre plusieurs combinaisons d'enseignements de spécialité. Les passerelles et les changements de dominante seront bien sûr possibles. Ces choix n'enferment pas mais sont de réels choix : il ne s'agit plus de choisir la série S par défaut alors même que l'on se destine à des études dans le champ des humanités. Un élève qui souhaitera se diriger vers des études littéraires pourra choisir les majeures qui l'intéressent. Cela répond à une demande qui avait été exprimée par les lycéens eux-mêmes.

Ce nouveau lycée obéit à trois idées principales. En premier lieu, accompagner au mieux les élèves et de les soutenir dans leur parcours. Cela passe par la consolidation des fondamentaux et la maîtrise écrite et orale du français. Dès la rentrée prochaine, un test de positionnement passé par les élèves de seconde générale et technologique sera le point de départ d'une aide personnalisée pour permettre à chacun de renforcer ces deux compétences fondamentales. Cela répond à l'observation de lacunes en la matière par certains élèves de seconde. Ensuite, en soutenant les élèves dans la conception de leur projet de poursuite d'études avec davantage de temps dédié à l'orientation. En classe de seconde, 54 heures seront consacrées à l'orientation, en partenariat avec les régions. Le second professeur principal en classe de terminale sera maintenu.

La deuxième idée est le renforcement des disciplines pour permettre aux élèves de travailler davantage ce qui les fera réussir. Comme vous le savez, le CSP a rendu public un point d'étape sur son travail de réflexion sur les programmes. Les groupes de travail sont à l'oeuvre pour aboutir en octobre. Il s'agit de remuscler les disciplines, pour tenir compte du constat, fait par les enseignants du premier cycle de l'enseignement supérieur, d'une érosion du niveau disciplinaire des jeunes étudiants.

À cet effet, je précise qu'aucune discipline n'est affaiblie ; grâce à la modularité, toutes sortent renforcées. Par exemple, un élève de terminale S a aujourd'hui huit heures de mathématiques par semaine. Demain, un élève ayant choisi la majeure mathématiques aura six heures hebdomadaires, auxquelles pourront s'ajouter trois heures supplémentaires s'il choisit l'option « mathématiques expertes », soit un total de neuf heures. Une option « mathématiques complémentaires » sera proposée aux élèves n'ayant pas choisi la majeure mathématiques mais souhaitant un bagage mathématique en vue de leurs études, par exemple en économie.

La troisième ligne directrice est de simplifier, clarifier et moderniser pour permettre aux élèves de vivre et d'agir au XXIe siècle.

Cela signifie des enseignements ouverts sur les grands enjeux du monde contemporain : parmi le bloc des enseignements communs, qui comprendront la philosophie ou l'histoire-géographie, seront proposés des enseignements scientifiques, portant notamment sur l'intelligence artificielle, la bioéthique et les grands enjeux environnementaux. Un enseignement de spécialité portant sur le numérique et la science informatique sera également proposé, qui pourra être choisi par toutes celles et tous ceux qui se destinent à une carrière numérique. J'insiste sur le toutes celles et tous ceux, puisque nous savons l'importance de l'enjeu d'inciter les jeunes filles à se diriger vers les carrières scientifiques et numériques.

Cela signifie également une ouverture sur l'Europe et l'international, par le développement des disciplines en langues étrangères et de la mobilité.

Une même idée a présidé aux transformations des lycées généraux, technologiques et professionnels : donner aux élèves la possibilité de choisir ce qui les motive, ce qui leur plaît, ce qu'ils veulent étudier pour construire leur poursuite d'étude ou leur insertion professionnelle.

Enfin, j'attache une importance toute particulière à la transformation du lycée professionnel. C'est un enjeu majeur pour notre société et pour les 655 000 élèves qu'il accueille, auxquels j'ajoute les 350 000 élèves en apprentissage. Nous devons les accompagner vers une insertion dans la vie active et une poursuite d'études réussies : il faut donner aux élèves les moyens de réussir les deux !

Pour mener à bien cette réforme, j'ai appliqué la même méthode que pour celle du lycée général et technologique : je me suis appuyé sur les conclusions d'une mission conduite par la députée Céline Calvez et par le chef étoilé Régis Marcon, que vous avez récemment auditionnés. Sur la base de ce rapport, j'ai ensuite conduit une large concertation avec l'ensemble des partenaires concernés. Les concours de la réforme ont été présentés il y a un mois. Elle se structure autour de trois axes.

Le premier axe est relatif à « l'effet campus » et « l'effet réseau », avec en ligne de mire la création en France de ce que j'ai appelé un « Harvard du pro ».

Nous devons aménager, voire créer ex nihilo, en lien avec les régions, des campus dignes de ce nom, avec espaces verts, logements, équipements sportifs. Les brevets de technicien supérieur (BTS) - pour lesquels nous créons à la rentrée prochaine 2 000 places supplémentaires auxquelles s'ajoutent 2 000 places dans des classes passerelles qui permettent de préparer une poursuite d'études en BTS -, les incubateurs d'entreprises, les centres de formation d'apprentis (CFA) auront également toute leur place au sein de ces campus.

S'agissant de la nécessaire mise en réseau des lycées professionnels, nous créerons des réseaux thématiques nationaux ainsi que des réseaux géographiques pour lutter contre le déterminisme social et géographique, ce que j'ai appelé le « lycée professionnel mobylette ».

Le second axe de la réforme est relatif à la modernisation des formations, autour des thématiques d'avenir liées aux révolutions numériques (avec des campus spécifiques mais aussi un effet transversal sur l'ensemble des campus) ou à la transition environnementale. Il faut donner aux élèves l'envie, le désir, de s'orienter dans ces formations.

En collaboration avec les régions, nous devons également développer l'offre de formations correspondant aux métiers qui insèrent aujourd'hui et encore plus demain. C'est le cas par exemple du secteur maritime, qui est un immense atout pour notre pays. Nous envisageons de créer un lycée de la mer dans chacun des départements d'outre-mer mais aussi de mettre en réseau et de valoriser les lycées maritimes existants.

Le troisième axe de la réforme repose sur l'évolution pédagogique. Les lycées professionnels doivent devenir, en s'appuyant sur leurs atouts existants (pédagogie de projet, travail en équipe, etc.), des modèles pour l'ensemble du système scolaire de notre pays.

Pour aider les élèves à découvrir et à choisir leur métier, nous allons organiser une grande partie des secondes professionnelles par grandes familles de métiers.

Enfin, dans l'objectif de renforcer la nécessaire complémentarité entre apprentissage et voie scolaire, nous créerons une unité de formation d'apprentis dans chacun des lycées professionnels de France.

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