Je vous remercie. Il faut, me semble-t-il, commencer par revenir aux origines de ce conflit. Il est né de l'échec du « dialogue national » inter-yéménite, finalement rejeté par les Houthis en septembre 2014, et de l'occasion saisie par l'ancien président Ali Abdallah Saleh de tenter de revenir au pouvoir. Il s'est alors allié au clan Houthi, qui était pourtant son ennemi de toujours. En 2014-2015, les Houthis ont conquis Sanaa et le nord, et chassé le Président de transition, Abderabo Mansour Hadi. Les Nations unies ont alors voté très largement une résolution, la 2216, affirmant la légitimité du président Hadi et la nécessité pour les Houthis de rendre les armes.
Mais devant les succès houthis et leur soutien croissant par l'Iran, l'Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis (EAU) ont lancé une opération militaire au Yémen. Aujourd'hui le pays est coupé en deux, avec le nord peuplé et dépourvu de ressources, et le sud peu peuplé et abritant l'essentiel des ressources. Ces événements ont entraîné une crise humanitaire très grave, la pire des crises humanitaires actuelles, selon l'ONU.
Il faut ajouter à ce sombre tableau la présence active et croissante dans le pays de groupes djihadiste affiliés soit à Al Qaïda Péninsule Arabique (AQPA), soit à Daech.
Enfin, il existe toujours une tentation sécessionniste au sud, dont certains affirment qu'elle est soutenue par les EAU, qui s'en défendent.
En 2016, il y a eu une négociation de plusieurs mois à Koweït, à l'initiative de l'Envoyé spécial des Nations unies Ismaïl Ould Cheikh Ahmed (IOCA), ou les Houthis et le président Hadi étaient représentés. Malheureusement, ces négociations n'ont pas pu déboucher sur un accord.
Le nouvel Envoyé spécial des Nations unies, Martin Griffiths, nommé il y a quelques semaines, essaye d'obtenir des Houthis qu'ils se retirent dans leur région tout en gardant une partie du pouvoir politique et en obtenant le respect de leur communauté, et du président Hadi qu'il accepte ce partage du pouvoir.
S'ajoute enfin à ce contexte purement yéménite la question du jeu des puissances régionales. Pour l'Arabie Saoudite, c'est une question de sécurité nationale : les Houthis, appuyés par l'Iran, tirent des missiles sur son territoire, mais aussi sur les bateaux qui passent au large du Yémen, ce qui est un sujet de préoccupation pour l'ensemble de la communauté internationale. Pour les EAU, il y a la volonté d'avoir un voisin stable, avec des ports ouverts et l'éradication de Daesh et des Frères musulmans. Du côté iranien, il y a un effet d'aubaine puisque le Yémen permet de détourner les capacités militaires de l'Arabie Saoudite et des Emirats, ce qui justifie en retour la crainte de l'Arabie Saoudite de l'apparition d'une sorte de hezbollah yéménite à sa frontière.
Concernant l'opération lancée en direction d'Hodeida, la communauté internationale a demandé pendant des mois à la coalition de ne pas la lancer. Il est certain qu'en conséquence la conférence de Paris s'ouvrira dans un contexte difficile.
Aujourd'hui, enfin, la question n'est pas tant celle de la disponibilité de l'aide humanitaire que celle de son accès : les difficultés viennent principalement soit du blocage de l'accès des ports et des aéroports par la coalition, pour contrôler qu'il n'y ait pas d'armes qui viennent alimenter les Houthis, soit des check-points houthis qui détournent l'aide humanitaire.