Pour ma part je souhaitais apporter quelques éléments sur les enjeux de cette conférence et sur les attentes qu'elle suscite. La question du maintien de cette conférence pouvait se poser, au vu de l'opération en cours à Hodeida, d'une part, et de l'absence des Houthis, d'autre part. C'est une conférence humanitaire qui vise à traiter la gravité de la situation sur le terrain. Pour des raisons assez évidentes, la présence des Houthis eut transformé cette rencontre en lui donnant une dimension politique. Pour autant, d'une façon ou d'une autre, il y aura besoin des Houthis pour la mise en oeuvre des éventuels engagements qui pourraient être pris à l'occasion de cette conférence. Ceci explique notre souhait qu'ils soient consultés, même s'ils ne sont pas présents, et c'est le sens des efforts que nous mettons en oeuvre.
Bien sûr, lorsque l'initiative de cette conférence a été prise au début du mois d'avril, le contexte était totalement différent. Pour ma part, je ne sais pas quels sont les objectifs stratégiques de la coalition dans l'offensive sur Hodeida. Le contrôle du port et des axes qui relient Hodeida au pays houthi est stratégique pour les Houthis, et rien ne dit que ces derniers accepteront, dans ces conditions, d'entrer dans une logique de paix et de négociation, que tente de mettre en place Martin Griffiths.
La France a décidé de maintenir la conférence, en en dissociant les deux segments. L'essentiel de notre effort porte sur le port d'Hodeida, infrastructure « clé » dès avant le début du conflit, et plus encore aujourd'hui pour l'acheminement de l'aide humanitaire dont ce pays a besoin. Nous souhaitions que l'aide humanitaire, les cargos, accèdent plus facilement et dans des délais plus courts. Aujourd'hui un certain nombre de contrôles sont accomplis sous l'égide internationale et d'autres le sont sous l'égide de la coalition ; tout ceci est générateur de délais et de lourdeurs administratives. L'objectif que nous voulons atteindre est que la coalition renonce à faire des inspections des bateaux, les laissant au contrôle international tel qu'il a été décidé aux Nations unies. Cela permettrait de fluidifier le trafic et l'accès de l'aide humanitaire. Dans le contexte du début de l'offensive, je ne sais pas si la coalition sera prête à prendre ce type d'engagement.
Par ailleurs, il y a un certain nombre d'autres sujets portant sur des aspects très concrets tels que les infrastructures de débarquement de l'aide humanitaire. Les grues de déchargement ont été endommagées au début du conflit et ont été remplacées par des infrastructures moins performantes. Pourrons-nous obtenir leur remplacement et leur mise à niveau dans un contexte où la situation tactique est loin d'être stabilisée ? Là encore je n'en suis pas certain. Autre sujet : les ONG sont extrêmement soucieuses que leurs personnels puissent se rendre dans tous les endroits où les besoins sont patents. La situation est extrêmement compliquée aujourd'hui pour elles, non seulement en termes d'autorisations administratives, mais aussi en termes de garanties de sécurité. Est-ce que les développements de l'offensive d'Hodeida vont permettre d'améliorer les conditions de sécurité des personnels humanitaires et d'alléger les autorisations administratives ? Ce sera un point important lors des discussions.
Autre exemple, l'utilisation de l'aéroport de Sanaa pour les évacuations humanitaires. Nous sommes aujourd'hui dans une situation où un certain nombre de Yéménites qui auraient besoin de soins urgents et importants à l'étranger ne peuvent pas être évacués parce que les vols qui permettraient de le faire n'ont toujours pas repris à l'aéroport de Sanaa. Dans le contexte du début de l'offensive d'Hodeida et dans la situation politique qui en résulte, pourrons-nous obtenir des engagements de la coalition sur ce point ? Nous évoquerons cette question.
La conférence aboutira-t-elle à des résultats considérables ? Peut-être pas. Néanmoins il faut bâtir une dynamique humanitaire, répondre à l'attente des ONG, prendre en compte ce que nous disent les agences onusiennes, c'est-à-dire qu'il y a des points de blocage et que la France, par sa capacité à parler avec toutes les parties, peut contribuer à les lever. C'est dans cette dynamique que nous nous inscrivons, mais naturellement rien ne garantit que nous pourrons parvenir à obtenir des résultats tangibles.