Intervention de Annie Jarraud-Vergnolle

Réunion du 22 juillet 2008 à 16h00
Démocratie sociale et temps de travail — Article 21

Photo de Annie Jarraud-VergnolleAnnie Jarraud-Vergnolle :

Nous demandons la suppression de l’article 21 relatif au compte épargne-temps ainsi que des dispositions que notre rapporteur envisage de transférer par amendement de l’article 20.

Les modifications proposées ne sont que la conséquence sur le compte épargne-temps des mesures qui viennent d’être adoptées sur le temps de travail. Elles ne font, comme celles-ci d’ailleurs, l’objet d’aucune concertation ni négociation avec les partenaires sociaux.

Nous sommes évidemment opposés à la suppression de l’étape de l’accord de branche pour la mise en place du compte épargne-temps. Cet accord n’est déjà pas obligatoire, mais l’amendement aboutit à le faire disparaître complètement au profit du seul accord d’entreprise ou d’établissement. On peut donc à nouveau craindre des accords déséquilibrés, à la convenance de l’employeur.

Le texte prévoit également de supprimer la liste des éléments pouvant abonder le compte épargne-temps. Seule subsistera la restriction relative aux jours de congés payés en deçà de 24 jours ouvrables.

De même disparaît la liste limitative des usages qui peuvent être faits des droits accumulés. Seule restriction : la cinquième semaine de congés payés ne pourra pas être monétisée.

Toutes les autres formes de congés sont donc, selon votre vocabulaire, « libérées », c’est-à-dire qu’elles peuvent être placées dans un CET « monétisable ». Il s’agit des contreparties en repos pour les heures accomplies au-delà du contingent dans les conditions nouvelles, c’est-à-dire après sa disparition de fait, ou des heures et jours accomplis au-delà de la convention individuelle de forfait.

Bien sûr, ces dispositions préexistaient dans le code du travail, mais elles sont singulièrement étendues avec l’augmentation des temps « monétisables » que crée votre texte.

Vous y ajoutez la pérennisation de l’article 1er de la loi du 8 février 2008, qui dispose que, même si l’accord instituant le CET ne le prévoit pas, le salarié peut utiliser les droits affectés sur son compte pour augmenter sa rémunération. Le salarié pourra donc renoncer aux droits qu’il aura accumulés sur un CET pour remplacer une augmentation salariale. C’est un renversement total de la perspective d’origine du compte épargne-temps, qui était d’augmenter le temps disponible du salarié.

Aujourd’hui, le CET est un instrument pour augmenter indirectement la trésorerie des entreprises en renvoyant à plus tard, par le biais de l’épargne retraite, le paiement des sommes dues par l’employeur. Avec ce projet de loi, vous en faites un instrument de blocage des salaires. L’employeur pourra dire au salarié qui mérite une augmentation qu’il peut disposer des sommes acquises sur son CET. Bien entendu, cet argent n’ira pas aux organismes financiers qui gèrent l’épargne retraite.

Votre objectif est sans doute, par un nouveau tour de passe-passe, de faire croire aux salariés que leur pouvoir d’achat augmente alors qu’en réalité le CET sera utilisé pour le faire diminuer en valeur absolue sur la durée. La rémunération restera obstinément la même. Elle sera simplement différée en partie car les sommes dues resteront cantonnées dans le CET, où elles généreront des produits financiers pour les gérants, tant que le salarié n’en aura pas besoin.

Nous sommes devant la même méthode que celle employée pour le déblocage de la participation, mais cette fois-ci de manière atomisée, et le salarié en fera seul les frais.

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