Je suis très heureuse de pouvoir m'exprimer devant vous.
Je vais vous présenter le bilan des avancées de FMM en 2017 et vous parler des grands enjeux dans ce contexte que je qualifierais de guerre froide mondiale des médias.
FMM est un outil de rayonnement de la France efficient. Peu de pays sont dotés d'un audiovisuel international qui soit mondial et multilingues. Mis à part l'Allemagne et le Qatar, qui ne sont pas membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, tous les autres pays dotés d'un audiovisuel international le sont, qu'il s'agisse de la France, des États-Unis, du Royaume-Uni, mais aussi de la Chine ou de la Russie.
La France n'a pas à rougir de son statut audiovisuel international : elle tient son rang tant quantitativement qu'éthiquement. Je reviendrai ensuite sur le contexte de guerre froide des médias.
Pour la deuxième année d'exécution de notre contrat d'objectif et de moyens (COM), FMM a enregistré de nouveaux records d'audience tant dans le linéaire, c'est-à-dire les médias classiques, que dans l'univers du numérique. Chaque semaine, nous avons compté 150 millions d'utilisateurs en linéaire ou en numérique. Notre groupe émet en quinze langues, dont quatre à la télévision et à la radio : le français, l'anglais, l'arabe et l'espagnol. Dans les onze autres langues, il y a une majorité de langues africaines.
Notre audience a cru de 11 % par rapport à 2016 et de 20 % sur les deux dernières années. Les médias français sont donc attendus dans le monde. Ces 150 millions se répartissent à plus de 107 millions de téléspectateurs et auditeurs en linéaire mesurés dans seulement un tiers des pays de diffusion, et à près de 43 millions d'utilisateurs sur les environnements numériques, soit une augmentation de plus de 30 %.
Il faut également tenir compte de communautés sociales en forte croissance : nous comptons 62 millions d'abonnés sur Facebook et Twitter et 46 millions de vidéos sont visionnées chaque mois sur Internet.
Ces résultats ont été rendus possibles grâce à la poursuite de la stratégie de développement de FMM. En septembre dernier, nous avons lancé France 24 en espagnol, depuis Bogota, puis nous sommes allés en Argentine et au Mexique où nous avons eu un incroyable accueil : cela fait du bien de voir que la France est attendue et aimée. Quand on propose des ponts alors que d'autres construisent des murs, on est porté en triomphe. Dès que nous y avons lancé France 24, nous avons doublé le nombre de foyers recevant cette chaîne. Nous nous approchons désormais de 8 millions de foyers. Nous ne diffusons que six heures en espagnol et il nous faudrait passer à dix, pour poursuivre la dynamique et contrer nos concurrents qui émettent 24 heures sur 24.
Nous avons poursuivi notre alliance avec Franceinfo, avec de nouvelles chroniques, notamment européennes, avec l'élargissement de 30 minutes de la reprise du signal en direct la nuit, des reprises en direct en journée d'éditions spéciales internationales, par exemple lors du transfert de l'ambassade des États-Unis à Jérusalem.
Nous participons à tous les chantiers de coopération avec les autres sociétés de l'audiovisuel public, comme lors du lancement de l'onglet « Vrai ou Fake » pour lutter contre les fausses informations et favoriser l'éducation aux médias ou encore le lancement début juillet de l'appel à projets autour des nouvelles écritures. Nous travaillons aussi à une offre culturelle pour la rentrée et nous luttons contre les cybers attaques. Ces chantiers de coopérations ne sont néanmoins pas notre coeur de métier.
Nous menons une stratégie numérique offensive pour les trois médias du groupe : en mars 2017, nous avons lancé un site InfoMigrants, en français, en anglais et en arabe. Ce site est financé par la Commission européenne et il est en lien avec la Deutsche Welle et l'ANSA italienne. La Commission nous a demandé d'ajouter deux langues afghanes et elle a reconduit les financements pour 2018 et 2019.
Au 31 décembre 2017, nous comptions 355 millions de foyers pour France 24, soit une croissance de 7 % par rapport à 2016. Sur les six premiers mois de cette année, nous avons franchi la barre des 363 millions de foyers. Partout, la demande de France est réelle. Je rentre du Vietnam où l'on m'a demandé d'ajouter France 24 en français aux cotés de France 24 en anglais. Nous avons accru les diffusions de la TNT en Afrique anglophone. Au Nigéria, nous sommes en négociation pour distribuer France 24 en anglais. Comme la concurrence, nous sommes passés en HD en Europe et en Asie. Nous avons ouvert une fréquence à Gaza pour couvrir l'ensemble des territoires palestiniens et nous avons doublé nos radios partenaires, aujourd'hui au nombre de 1 500, que nous ne sommes malheureusement pas capables de mesurer, alors qu'elles reprennent de larges tranches des programmes de RFI et de MCD.
Comparé aux budgets de Deutsche Welle (327 millions d'euros), de BBG (750 millions d'euros), de BBC (525 millions d'euros), celui de FMM est plus modeste avec 258 millions. Notre coût unitaire contact est le plus faible, avec 1,7 euro annuel pour un contact hebdomadaire, contre 2,1 euros pour les Allemands et 2,7 euros pour les Américains.
Au-delà de ces chiffres, nous portons un message singulier. Ainsi, notre information est équilibrée, vérifiée, honnête, indépendante, libre. C'est une vraie denrée de luxe dans certaines zones et elle permet de faire progresser la paix grâce au dialogue et à la déradicalisation de l'information. C'est particulièrement vrai dans la bande sahélienne, dans l'est de la RDC et dans le monde arabe. Notre information est considérée comme non partisane.
Nous sommes présents sur les cinq continents : nos auditeurs entendent parler français ou, dans leur langue d'origine, de la France et de la francophonie. Nous sommes en lien étroit avec TV5 Monde. Nous participons activement à la mise en oeuvre du plan en faveur de la langue française annoncé par le président de la République le 20 mars.
FMM est également engagé auprès des jeunes générations. Certains bassins d'audience comptent pour plus de 50 % les moins de 25 ans. En Afrique, 70% des téléspectateurs de France 24 et 60% des auditeurs de RFI ont moins de 40 ans. Au Maghreb, ces chiffres sont respectivement de 55% et de 65%.
Nous agissons en faveur de la jeune génération connectée avec RFI Savoirs, RFI Musique, RFI Challenge Afrique, Mondoblog. Nous sommes aussi mobilisés pour l'éducation aux médias et la lutte contre les fausses informations.
Nous promouvons la culture face à la montée des modes de pensée radicaux et sectaires. La France est assimilée à la notion de culture. Nos médias font de la culture un marqueur : RFI est un média d'éducation populaire : elle parle à tous mais pas de n'importe quoi. Nous sommes également un acteur au service du développement durable et de la coopération internationale. Avec l'arrivé de CFI, cette dimension est renforcée et permet de lutter pour les droits humains en particulier pour l'égalité entre les hommes et les femmes et l'éducation des filles. Nous nous engageons auprès des populations vulnérables, comme les migrants, et nos émissions santé sont écoutées dans toute l'Afrique.
Nous sommes un acteur européen très engagé et nous travaillons beaucoup avec la Deutsche Welle : InfoMigrants a ainsi ouvert la voie à une coopération inédite.
FMM est enfin un acteur de rayonnement économique et culturel de la France dans des zones plus éloignées géographiquement telles que les Amériques et l'Asie. RFI couvre également le sport, ce qui est particulièrement d'actualité en ce moment.
Nous sommes donc reconnus et nous tenons notre rang, mais nous sommes dans un contexte de rupture, cette guerre froide des médias dont je vous ai parlé dans mon propos introductif. Pour y faire face, nous devons aller de l'avant mais, malheureusement, les contraintes budgétaires s'imposent à nous.
Divers pays se montent très agressifs à notre égard et à l'encontre des valeurs que nous portons. Russia Today émet en anglais, en espagnol et, désormais, en français, afin de viser l'Afrique et de contrer France 24 sur ce continent. Le CSA a mis en demeure cette chaîne à cause d'un reportage et nous avons été immédiatement menacés d'être interdits de diffusion en Russie. Nous ne sommes donc pas chez les Bisounours.
La Chine, quant à elle, a investi 6,6 milliards de dollars en moins de dix ans pour développer son audiovisuel extérieur. L'émission Voice of China « planifie des opérations de promotion des intérêts chinois, lutte contre les fausses nouvelles, combat le fantasme de la menace chinoise et lutte contre l'hégémonie des médias occidentaux ».
La Chine a ouvert un centre de production de 2 800 m2 à Londres, accompagné du recrutement de 350 journalistes pour porter le message éditorial jusqu'au coeur de l'Europe
Aux États Unis, le BBG, malgré le slogan America first, voit l'ensemble de ses missions confirmées, avec quatre projets majeures : renforcement de la chaîne en russe, lancement d'une chaîne de télévision en anglais (sous la marque VOA) pour l'Afrique, lancement d'une offre équivalente à celle d'InfoMigrants, déploiement de fréquences FM pour VOA Afrique en français.
Une loi a été promulguée par l'administration Trump sur les « médias agents de l'étranger ». Nous sommes sous la menace d'être ainsi qualifiés. YouTube a qualifié les chaînes internationales de chaînes gouvernementales ou de chaînes publiques, ce qui est notre cas puisque nous sommes financés par la redevance.
Le Royaume-Uni a consenti un effort supplémentaire sans précédent depuis la Seconde guerre mondiale, avec un cumul de 289 millions de livres sterling entre 2016 et 2020, grâce notamment à l'aide publique au développement. Les Britanniques placent la BBC à la croisée des politiques d'influence et de rayonnement du Royaume-Uni, de sécurité nationale et d'aide publique au développement.
Concernant l'Allemagne, j'ai eu la chance d'être invitée par la Chancelière pour les 65 ans de la Deutsche Welle : elle a dit que nous portions les valeurs démocratiques européennes et l'idéal européen. Dans son discours, elle a ajouté que « nous voyons tous à quel point une telle voix est nécessaire à une époque où nous sommes confrontés aux falsifications d'une manière que nous n'aurions jamais pu imaginer. L'Allemagne renforce avec constance et régularité les ressources publiques de la DW ». Le budget 2018 de la DW s'établit ainsi à 327 millions d'euros et, pour 2019, le gouvernement allemand prévoit un budget global de 350 millions, hors 3Sat, à comparer au budget global de 335 millions prévu en 2018 pour tout l'audiovisuel extérieur français (FMM et TV5 Monde).
Par manque de temps, je vous épargne les médias arabophones.
Dans ce contexte de guerre mondiale de l'information, il faut plutôt essayer d'aller de l'avant. Selon moi, l'Afrique est prioritaire car c'est là où se joue l'avenir du monde. Les langues africaines doivent retenir toute notre attention, notamment le haoussa, le swahili et le mandingue, mais nous devrons aussi développer de nouvelles langues stratégiques au premier rang desquels le peul, qui pour l'instant nourrit le sentiment antifrançais dans la bande sahélienne, alors que cette langue est parlée par 40 millions d'Africains.
Nous devons également africaniser le signal de France 24 destiné à ce continent. Nos programmes doivent être plus en rapport avec les attentes des téléspectateurs. Nous devons tenir notre rang de première chaine internationale d'information en Afrique francophone. Nous devrons également augmenter les émissions d'apprentissage du français à partir des langues africaines. Puisque la démographie va plus vite que le système scolaire, il nous faut permettre aux habitants d'apprendre gratuitement notre langue, en lien étroit avec TV5.
L'accélération de la transformation numérique, déjà largement engagée à FMM, doit se poursuivre à destination des jeunes africains. Il faut offrir du tutorat pour les jeunes entreprises africaines. Nous devrons passer à 10 heures de diffusion en espagnol pour France 24. Il serait dommage de ne pas saisir la main tendue par l'Amérique du Sud.
RFI émet une heure et demie en russe par jour. Pourquoi ne pas accroître l'offre numérique dans cette langue ? Notre rédaction turque a été fermée en 2010 : ne faudrait-il pas parler turc à la société civile et surtout aux jeunes ? Notre rédaction en Roumanie est en plein développement : il faudrait que vous les interrogiez car ce que ces journalistes constatent au quotidien fait froid dans le dos.
La guerre de l'information actuelle ne peut se contenter d'un statu quo, mais nous avons aussi conscience de la situation budgétaire. Sans doute faut-il s'interroger sur la place et les priorités de l'APD. Si nous devions encore faire des économies, cela se traduirait par un rétrécissement de nos missions. Ce n'est pas du chantage, mais une réalité. Notre pays porte des valeurs universelles et ces valeurs ne peuvent être que mondiales.