Intervention de Hélène Conway-Mouret

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 11 juillet 2018 à 10h50
Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république de moldavie relatif à l'emploi salarié des conjoints des agents des missions officielles de chaque état dans l'autre de l'accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république du bénin relatif à l'emploi salarié des personnes à charge des agents des missions officielles de chaque état dans l'autre de l'accord entre le gouvernement de la république française et le gouvernement de la république de serbie relatif à l'exercice d'une activité rémunérée des membres des familles des agents des missions officielles de chaque état dans l'autre et de l'accord entre le gouvernement de la république française et le conseil des ministres de la république d'albanie relatif à l'emploi salarié des membres des familles des agents des missions officielles de chaque état dans l'autre — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Hélène Conway-MouretHélène Conway-Mouret, rapporteure :

Monsieur le Président, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un projet de loi autorisant l'approbation de quatre accords relatifs à l'emploi rémunéré des personnes à charge des agents de missions officielles, signés respectivement avec la Moldavie, le Bénin, la Serbie et l'Albanie, en 2016, après des négociations entamées à l'initiative de la France et de la Moldavie fin 2014.

Ces quatre accords viennent compléter une série de cinq accords analogues que je vous ai présentés en janvier dernier. Comme les précédents, ils s'inscrivent dans la politique du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), lancée par Laurent Fabius en 2015 avec son projet du « Ministère du XXIè siècle », qui vise notamment à adapter le cadre d'expatriation des personnels des ambassades et des consulats. Favoriser la mobilité de ces personnels nécessite entre autres de mettre en place un cadre facilitant l'accès des membres de leurs familles au marché du travail du pays d'accueil. Compte tenu des évolutions sociologiques, les séjours à l'étranger apparaissent désormais plus comme une source de contraintes que comme une expérience enrichissante. Dans ce contexte, la possibilité pour le conjoint ou le partenaire pacsé d'exercer une activité professionnelle rémunérée au sein d'une structure française ou dans une entreprise privée locale, filiale française ou non est aujourd'hui un élément déterminant dans la décision d'expatriation. D'ailleurs, le nombre de conjoints d'agents souhaitant exercer une activité professionnelle ne cesse de croître, en parallèle de la féminisation du ministère - 52 % des agents du ministère sont des femmes et il y a actuellement 47 femmes ambassadrices sur 177, soit 26 %.

Quels sont les obstacles rencontrés ? Le travail rémunéré n'est pas interdit par les conventions de Vienne de 1961 pour les ambassades et de 1963 pour les consulats mais il fait perdre le bénéfice d'une grande partie du statut protecteur spécifique qu'elles accordent aux conjoints ou aux personnes à charge des agents d'ambassade et de consulats, en prévoyant notamment la levée des immunités de juridiction. En outre, les législations nationales sur le travail des étrangers lient en général l'autorisation de travailler des étrangers à la possession de titres de séjour particuliers et le titre spécial de séjour des personnes à charge des agents des missions officielles n'en fait le plus souvent pas partie. C'est le cas du code de l'entrée et du séjour des étrangers français.

Pour contourner ces obstacles, le Quai d'Orsay s'est lancé dans la conclusion d'un nombre toujours plus grand d'accords bilatéraux levant la restriction d'accès à une activité salariée prévue par les droits nationaux, tout en permettant aux intéressés de conserver le titre de séjour spécial que leur confère leur statut diplomatique. Ces personnes conservent ainsi les privilèges et immunités octroyés par les conventions de Vienne, en dehors du cadre de l'exercice d'une activité professionnelle. Actuellement les conjoints d'agents diplomatiques et consulaires en poste à l'étranger peuvent accéder au marché du travail dans une soixantaine de pays, sans avoir à renoncer intégralement à la spécificité de leur statut. Il y a ainsi les 31 pays de l'Espace économique et européen et la Suisse, où il y a un libre accès au marché du travail, 14 pays avec lesquels un accord bilatéral a été signé et 17 pays avec lesquels la France a échangé des notes verbales. Il s'agit prioritairement de pays de l'OCDE qui peuvent offrir des conditions d'emploi comparables à celles prévalant en France. D'une manière générale, ces dispositifs bilatéraux profitent davantage aux conjoints d'agents français qu'à ceux de l'autre Etat.

Ces quatre accords au contenu très similaires sont bâtis sur le modèle d'un accord type utilisé depuis 2009. S'agissant des personnes à charge, l'accord avec la Moldavie s'applique aux seuls conjoints tandis que les autres accords visent plus largement les personnes à charge ou les membres de famille à charge, ce qui englobe les enfants célibataires âgés de moins de 21 ans qui vivent à la charge et au foyer de leurs parents ainsi que les enfants célibataires qui vivent à la charge de leurs parents et qui présentent un handicap. Tous ces accords acceptent que pour la Partie française, la notion de conjoint englobe les conjoints mariés et les partenaires pacsés de même sexe ou de sexe différent disposant d'un titre de séjour spécial délivré par le MEAE.

Ces accords détaillent la procédure applicable pour solliciter l'autorisation d'occuper un emploi dans l'Etat d'accueil, principalement l'envoi de la demande, au nom de l'intéressé, par l'ambassade concernée, au Protocole du ministère des affaires étrangères de l'Etat accréditaire, accompagnée d'informations et de pièces justificatives.

Plus concrètement, sans parler du réseau français où il peut y avoir des opportunités, ces personnes pourront trouver des activités professionnelles dans le secteur privé en Moldavie, en Serbie et en Albanie, sous réserve d'avoir des connaissances linguistiques suffisantes. En Serbie, elles se trouveront toutefois en compétition avec des personnels bien formés et bon marché. Au Bénin, les opportunités professionnelles sont appelées à croître de façon significative avec les réformes importantes engagées depuis deux ans par le Gouvernement. De grandes entreprises françaises attendent l'attribution de marchés importants et une petite centaine de PME françaises s'y sont déjà implantées dans la perspective du démarrage de grands chantiers.

Ces accords prévoient que les immunités de juridiction civiles, administratives ou d'exécution ne s'appliquent pas dans le cadre de l'exercice de l'activité rémunérée. En revanche, l'immunité de juridiction pénale continue de s'appliquer dans le cas d'une action commise lors de l'activité professionnelle mais peut être levée par l'Etat d'envoi à la demande de l'Etat d'accueil, s'il s'agit de délits graves dans les accords avec l'Albanie et le Bénin ou après vérification que cela ne va pas à l'encontre des intérêts nationaux dans les accords avec la Moldavie et la Serbie.

Ces accords précisent que les bénéficiaires sont soumis à la législation de l'Etat accréditaire en matière d'imposition et de sécurité sociale dans le cadre de leur activité professionnelle. À l'exception de l'accord avec la Moldavie, ces instruments prévoient que les privilèges douaniers cessent à compter de la date d'obtention de l'autorisation de travailler et que les intéressés ont la possibilité de transférer leurs revenus conformément à la législation de l'Etat accréditaire sur le travail des étrangers.

Enfin, ces accords - sauf celui avec la Moldavie - encadrent également la possibilité de solliciter une autorisation de travail pour un emploi non salarié. Les demandes sont alors examinées au cas par cas au regard des dispositions législatives de l'Etat accréditaire.

En conclusion, je recommande l'adoption de ce projet de loi. Ces quatre accords répondent à une forte attente des agents des missions officielles et de leurs familles. Ils clarifient le statut des personnes à charge qui souhaitent exercer une activité professionnelle rémunérée - au total, une cinquantaine de conjoints d'agents français serait concernée - et simplifient également leurs démarches administratives dans l'Etat d'accueil. À ce jour, la Serbie et l'Albanie ont fait connaître à la partie française l'accomplissement de leurs procédures internes de ratification tandis que le Bénin a fait savoir qu'aucune procédure particulière préalable à l'entrée en vigueur de l'accord n'était nécessaire dans son droit interne.

L'examen en séance publique est prévu le jeudi 19 juillet 2018, selon la procédure simplifiée, ce à quoi je souscris.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission a adopté, à l'unanimité, le rapport et le projet de loi précité.

La réunion est close à 12 h 50.

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