Intervention de Annie David

Réunion du 22 juillet 2008 à 16h00
Démocratie sociale et temps de travail — Vote sur l'ensemble

Photo de Annie DavidAnnie David :

Nous voici arrivés à la fin de l’examen de ce texte. Je ne reviendrai pas sur la position commune du 9 avril dernier à laquelle sont parvenus la CGT, la CFDT, le MEDEF et la CGPME, après une négociation interprofessionnelle de plusieurs mois.

À peine un peu plus d’un mois après cet accord, et alors que le président Sarkozy affirme qu’il souhaite qu’on en finisse une bonne fois pour toutes avec l’idée d’un État qui serait seul à même de savoir ce qui est bon pour notre pays, monsieur le ministre, vous imposez par la loi qui, en contradiction avec une célèbre maxime, opprimera le peuple plutôt qu’elle ne le libérera, une vielle exigence du patronat : livrer les salariés à des horaires de travail qui les ramènent plusieurs décennies en arrière.

Cette position commune du 9 avril fondait la représentativité des syndicats sur le vote des salariés de l’entreprise en prenant en compte cette audience électorale pour la validation des accords collectifs.

Ce texte n’était pas parfait et résultait d’un compromis entre quatre organisations syndicales. Ses principales carences portaient sur l’absence de dispositions concrètes concernant l’expression de plus de 4 millions de salariés des très petites entreprises, les TPE. Son article 17 disposait que, à titre expérimental, le contingent des heures supplémentaires au sein de l’entreprise pouvait être déterminé sur la base d’un accord signé par des syndicats représentant une majorité absolue de salariés. Il s’agissait bien d’une représentativité de 50 % de ces syndicats.

Cet accord devait respecter les dispositions du code du travail et de la convention collective, notamment en ce qui concerne les taux de majoration des heures supplémentaires et les droits des salariés à bénéficier des repos compensateurs.

Or, on sait ce qu’il est advenu de cet article 17 de la position commune, malgré tous vos discours sur les mérites du dialogue social ! Vous avez profité de l’occasion pour imposer en catimini une réforme en profondeur de la durée du travail. La trahison n’en est que plus grande !

Qui plus est, vous avez donné ici même votre accord pour que l’on revienne sur les modalités de financement du dialogue social dans les entreprises.

Que telle soit la volonté des sénatrices et sénateurs UMP, écoutant en cela les organisations patronales, cela ne m’étonne pas ; mais en ce qui vous concerne, monsieur le ministre, votre mission était de transposer fidèlement la position commune ! Votre conduite a donc de quoi choquer, car le financement faisait bel et bien partie de la position commune.

Certes, vous nous dites vouloir étendre prochainement – dès le mois d’octobre – l’application de l’accord UPA. Nous serons particulièrement vigilants sur ce point, même si les promesses n’engagent que ceux qui y croient ! J’espère du moins, monsieur le ministre, que vous croyez en votre propre promesse…

Dans le titre II du projet de loi, les articles 16 à 18 consacrent la généralisation de la précarité et l’augmentation démesurée du temps de travail, avec une durée maximale de travail hebdomadaire de 48 heures, la suppression des jours fériés en dehors du 1er mai pour les personnes soumises au régime du forfait jour, la monétisation des repos compensateurs, la disparition des journées de RTT – ce que nous avons dénoncé comme un véritable hold-up –, le dumping social généralisé, l’éloignement de l’inspection du travail, le fait que les comités d’entreprise ne puissent pas donner leur avis, et, pour clore cette liste d’ailleurs non exhaustive, l’inversion de la hiérarchie des normes.

C’est donc une régression sans précédent que vous nous demandez d’entériner aujourd’hui !

De plus, les conditions dans lesquelles ce débat s’est déroulé – urgence déclarée, des réponses du Gouvernement pour le moins lapidaires – témoignent d’une réelle ligne de clivage entre le groupe UMP et le groupe CRC sur le sens que nous donnons, les uns et les autres, au travail, à ce que doit être sa juste rémunération, à sa place dans la vie quotidienne des salariés, mais aussi, ai-je envie de dire, au sens à donner à la vie – professionnelle et familiale –, à la santé et à la sécurité des travailleurs.

Vous n’avez cessé de rappeler que vous vouliez offrir la possibilité à tous les salariés de travailler plus s’ils le souhaitent, vous érigeant ainsi, de manière abusive, en défenseurs de la liberté individuelle. Or, comme je l’ai dit lors de la discussion générale, la théorie d’Adam Smith est dépassée, l’histoire nous l’a démontré !

Alors, vous vous cachez derrière d’autres arguments, tel que celui consistant à prétendre que la France travaille moins. Cela rend-il notre pays moins compétitif que le reste de l’Europe ou que les États-Unis ?

Vous décrivez une France paresseuse en précisant, comme l’a fait notre collègue Jean-Pierre Fourcade, que chaque salarié travaille deux cents heures de moins dans l’année. Mais cela obère-t-il la capacité de notre pays à produire des richesses ? Non, mes chers collègues, et je ne reviendrai pas sur la démonstration qu’a faite notre collègue Jean-Luc Mélenchon au cours du débat.

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