Intervention de Sophie Taillé-Polian

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 11 juillet 2018 à 9h05
Contrôle budgétaire — Maisons de l'emploi - communication

Photo de Sophie Taillé-PolianSophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale :

Il me revient de vous présenter nos recommandations. Notre rapport en comprend huit, qui s'appuient sur trois axes.

Premier axe : assurer la pérennité des maisons de l'emploi.

Comme vient de l'indiquer Emmanuel Capus, nous appelons tout d'abord au maintien d'un financement étatique en faveur de ces structures. La décision du Gouvernement de se retirer totalement du financement des maisons de l'emploi à partir de 2019 serait triplement préjudiciable : outre les difficultés financières auxquelles seraient confrontées un nombre croissant de maisons de l'emploi, ce retrait aggraverait les inégalités territoriales, seules les collectivités territoriales les plus « riches » étant en mesure de maintenir de telles structures sur leur territoire. Par ailleurs, cela affaiblirait le poids de l'État dans leur gouvernance et, donc, sa capacité à influer sur les décisions prises.

Pour ma part, je souhaite que les crédits consacrés aux maisons de l'emploi soient maintenus à leur niveau de 2018, soit 12 millions d'euros. Cela me semble l'étiage minimal, au regard de la diminution d'ores et déjà observée au cours des dernières années.

Si le Gouvernement revenait sur sa décision, il serait nécessaire de mettre en place une convention triennale définissant une trajectoire d'évolution de la participation financière de l'État. Celle-ci pourrait être établie dans le cadre d'une conférence nationale des financeurs, rassemblant l'État, les collectivités territoriales et l'Alliance villes emploi, présidée par notre collègue Nathalie Delattre. Un tel document permettrait de donner de la visibilité à ces structures, ce qui est indispensable pour le développement et la mise en oeuvre d'actions ambitieuses, qui ne peuvent se penser que sur le moyen-long terme. Je rappelle qu'il s'agit là de structures tout de même extrêmement modestes, employant en moyenne une dizaine d'équivalents temps plein.

Dans le même objectif, nous appelons à une stabilisation du champ d'intervention des maisons de l'emploi, en maintenant les deux axes actuels que sont la participation au développement de l'anticipation des mutations économiques et la contribution au développement local de l'emploi.

Deuxième axe : améliorer le suivi de l'action et des moyens des maisons de l'emploi au niveau agrégé.

Comme l'a indiqué Emmanuel Capus à l'instant, nous avons été surpris de constater que les seules données nationales relatives aux maisons de l'emploi sont celles qui sont produites par l'Alliance villes emploi.

Il pourrait être envisagé de faire évoluer la grille de notation établie en 2016 pour qu'elle devienne un véritable outil de pilotage et d'évaluation de ces structures, assorti d'objectifs et d'indicateurs de performance définis en concertation avec l'ensemble des acteurs. Un bilan financier annuel des maisons de l'emploi devrait être réalisé sur la base des données collectées par les Direccte, présentant, pour l'ensemble du réseau, les recettes, les dépenses et les emplois de ces structures, ainsi que leur évolution.

Troisième et dernier axe : renforcer les mutualisations, entre les maisons de l'emploi au niveau régional et avec les plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi, les PLIE.

Sur les 116 maisons de l'emploi conventionnées avec l'État en 2017, plus de la moitié portait des activités supplémentaires, dont 35 au titre des PLIE. Compte tenu de la proximité et de la complémentarité des maisons de l'emploi et des PLIE, les fusions entre ces deux structures devraient être encouragées, afin de permettre la constitution d'acteurs disposant d'une connaissance fine de la situation économique du territoire sur lequel ils sont implantés et capables de proposer un accompagnement « sur mesure » aux publics rencontrant des difficultés particulières d'insertion sur le marché du travail.

Si l'ancrage communal ou intercommunal des maisons de l'emploi constitue indéniablement un atout, cette échelle n'est pas toujours la plus pertinente, car certaines actions nécessitent une mise en oeuvre au niveau départemental, voire régional. Par conséquent, la mise en réseau des maisons de l'emploi à l'échelle régionale peut constituer une solution intéressante, dans la mesure où elle permet, d'une part, de préserver les spécificités de chaque structure et, d'autre part, de développer des synergies et des actions coordonnées.

Au sein de la région Grand Est, les onze maisons de l'emploi et le conseil régional travaillent ainsi à l'élaboration d'une convention-cadre pluriannuelle pour les années 2018 à 2021, qui vise à définir des axes de travail communs et à encourager les mutualisations. Ce type d'initiatives nous semble devoir être encouragé et étendu à l'ensemble du territoire, y compris pour pouvoir prétendre aux financements prévus dans le cadre de certains appels à projets. La pérennité des maisons de l'emploi passe par une telle mise en réseaux.

Mes chers collègues, nous estimons que le bilan gain-efficacité d'un retrait total de l'État du financement des maisons de l'emploi serait négatif. Emmanuel Capus l'a dit, nous n'avons pas la même appréciation sur le montant à envisager. Le maintien de crédits étatiques ne signifie pas que nous souhaitons donner un blanc-seing aux maisons de l'emploi. Sa contrepartie doit être le renforcement du suivi et du pilotage de ces structures, notamment au niveau national. Cela permettra d'avoir une vision consolidée des politiques de l'emploi. La GPECT est un véritable enjeu partout, puisque les mutations du tissu économique touchent tous les territoires. Or l'État n'a pas été capable de nous préciser où cette GEPCT était actuellement mise en oeuvre.

La convention triennale que nous souhaitons mettre en place doit permettre d'établir un bilan régulier de l'action de ces maisons de l'emploi et de moduler le montant des financements.

À l'heure où l'adaptation des politiques de l'emploi aux réalités territoriales est recherchée - c'est d'ailleurs la logique qui sous-tend le plan d'investissement dans les compétences (PIC) -, la fin du soutien de l'État aux maisons de l'emploi apparaîtrait en décalage. Les élus locaux l'ont bien compris, souhaitons qu'il en soit de même pour l'État d'ici au dépôt du prochain projet de loi de finances.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion